École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses Georges Vajd
École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses Georges Vajda (1908-1981) Gérard Nahon, Charles Touati Citer ce document / Cite this document : Nahon Gérard, Touati Charles. Georges Vajda (1908-1981). In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 90, 1981-1982. 1981. pp. 31-35; doi : https://doi.org/10.3406/ephe.1981.15758 https://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0002_1981_num_94_90_15758 Fichier pdf généré le 18/05/2018 Georges Vajda (1908-1981) Georges Vajda, né à Budapest en 1908, est mort à Paris le 7 octobre 1981. Il fut le troisième titulaire de la chaire consacrée au judaïsme dans la Section des Sciences Religieuses de l'École pratique des Hautes Études, succédant à Israël Lévi (1856-1939) et à Maurice Liber (1884- 1956). C'est dans notre Section que, de son propre aveu, il donna le meilleur de lui-même : « C'est là, je crois, que je me suis pleinement épanoui, et si vous me pardonnez une expression bien prétentieuse, j'ai peut-être donné ma mesure ». De la carrière si féconde de M. Vajda nous évoquerons ici ce qui concerne particulièrement notre Section, d'autres articles plus généraux sur le savant prodigieux qu'il fut ayant été déjà publiés ailleurs. *** M. Vajda avait déjà reçu une solide formation classique, rabbinique et d'orientaliste, à Budapest, formation qu'il poursuivit en France lorsqu'il s'y installa en 1928, au Séminaire Israélite de France, à l'École Nationale des Langues Orientales Vivantes et à l'E.P.H.E., dont il devint élève diplômé en 1933. Il commença très tôt son enseignement à la Section, dans le cadre de la Direction d'Études de M. Maurice Liber, avec une série de conférences sur « Les rapports entre le judaïsme et l'Islam au ier siècle de l'Hégire », données en 1935-1936, où d'emblée il mit à profit sa double formation d'hébraïsant et d'arabisant dont il a dit qu'« il a eu la bonne fortune de [la] recevoir, en partie à l'École même ». Dans sa deuxième série de conférences « La théologie ascétique de Bahya Ibn Pakuda », il aborde un de ses auteurs de prédilection. Puis la guerre survint, et, entre les années 1940 et 1944, le « judaïsme talmudique et rabbinique » disparut des programmes et des Annuaires de la Section. Les conférences reprirent entre 1944 et 1947 avant de s'interrompre pendant quelques années jusqu'à la nomination de M. Vajda, le 15 octobre 1954, comme directeur d'études dans la direction devenue vacante par suite du départ à la retraite de M. Maurice Liber. La direction d'études adopta alors l'intitulé «Judaïsme post-biblique» qu'elle conserva jusqu'en 1971, 32 année où elle prit le nom de « Judaïsme médiéval ». M. Vajda partit à la retraite en 1977 mais il tint à assurer encore une série de conférences durant l'année universitaire 1978-1979. Les Annuaires de la Section, pendant près de quarante années, comprennent les comptes rendus souvent d'une grande richesse - en dépit de leur concision - des conférences de M. Vajda qui tenait particulièrement à maintenir un équilibre difficile entre un enseignement rigoureux mis à la portée d'auditeurs parfois débutants et les exigences d'une recherche approfondie. Certes, c'est dans des articles de revues et dans des ouvrages qu'on trouvera le résultat de ses travaux mais la plupart sont nés de son enseignement. Signalons toutefois que c'est dans un des Annuaires de la Section que M. Vajda publia un article liminaire sur le grand penseur juif médiéval « Saadya commentateur du Livre de la Création » (t. LVII, 1959-1960, p. 3-36) et qu'il donna dans Problèmes et Méthodes d'histoire des religions, publié par la Section, Paris, 1968, p. 123-127, un aperçu d'ensemble, intitulé « Judaïsme postbiblique », sur les visées et les méthodes de sa direction d'études, confrontées à celles de ses prédécesseurs. *** Le « judaïsme post-biblique » engloba, durant la quarantaine d'années d'enseignement de M. Vajda, la production spirituelle et intellectuelle d'écoles et d'auteurs s'étageant entre le ne siècle, (Tosefta Berakhot) et l'orée du xixe siècle, avec Hayyim de Volojine. S'il s'intéressa assez peu à la littérature rabbinique (toutefois il expliqua Sanhédrin, chapitre xi , Genèse Rabba et la Pesiqta de-rab Kahana), il consacra le meilleur de ses séminaires aux auteurs du Moyen Age, philosophes et kabbalistes. Vers la fin de sa carrière, il se tourna vers les premiers maîtres du hassidisme. L'aire géographique couverte est immense : la terre d'Israël avec la Tosefta et Moïse Cordovero, l'Iraq avec Saadya, l'Afrique du Nord avec Isaac Israéli, l'Espagne avec Bahya Ibn Paquda, 'Azriel et 'Ezra de Gérone, Nahmanide, Profiat Duran, Hasday Crescas, l'Angleterre avec Elhanan de Londres, la Provence avec la première Kabbale et la querelle autour de Maïmonide, la Pologne avec Jacob-Joseph de Polonoyé, la Lituanie avec Hayyim de Volojine... Il s'attacha beaucoup également à des auteurs d'expression judéo- arabe et particulièrement au karaïsme avant lui bien négligé et frappé, à le croire, par Yodium theologicum (Qirqisâni, Yefet ben Eli, Yusuf al- Basir). M. Vajda a exhumé des textes complètement ignorés, ou repris d'autres fort mal connus qu'il abordait à travers des manuscrits. De certains 33 il a procuré une édition critique ; pour d'autres, il établissait une version provisoire mais lisible destinée à son enseignement. Si les manuscrits hébreux de la Bibliothèque Nationale de Paris, souvent restés inédits, étaient presque quotidiennement mis à contribution - d'autres brosseront la silhouette de M. Vajda au Cabinet des manuscrits orientaux de la Bibliothèque Nationale - il s'efforçait aussi de faire venir des copies des grandes bibliothèques du monde : un manuscrit unique de David ben Marwan al-Moqammes lui ayant été refusé par la Bibliothèque Publique de Leningrad, il en obtenait une copie d'un professeur de New York. M. Vajda se proposait d'élucider les rapports entre la philosophie et la Kabbale, leurs attitudes face à la 'aggada talmudique, le sentiment des maîtres traditionnels (hassidim compris) quant à la place des sciences profanes dans les disciplines du judaïsme. Un sujet préoccupa longtemps M. Vajda : les « fins dernières » et l'immortalité dans la théologie juive au Moyen Age, titre de nombre de conférences annuelles. Il montra les influences des philosophies musulmanes sur la pensée juive, les contacts de certains auteurs juifs comme Isaac Albalag avec la scolastique chrétienne, le cheminement de certains thèmes littéraires de l'Afrique du Nord jusqu'à l'Europe Orientale. Il lui est apparu que nombre de kabbalistes entretenaient avec la philosophie des rapports moins tendus qu'on ne pourrait s'y attendre : certes un Jacob ben Shes- het de Gérone condamne Paristotélisme juif, Isaac Albalag attaque les méthodes de la Kabbale, Joseph ben Shalom Ashkenazi réfute les thèses du péripatétisme juif qu'il trouve chez Maïmonide, mais un 'Azriel de Gérone intègre des thèmes néoplatoniciens dans sa théoso- phie et Joseph Ibn Giqatilia, Juda ben Nissim et surtout Samuel Ibn Motot tentent de bâtir des synthèses entre philosophie et Kabbale. M. Vajda, sans jamais perdre de vue les grands textes, s'est beaucoup intéressé à des auteurs de deuxième ou de troisième ordre et il s'en est expliqué lui-même dans un compte rendu de conférence : « On a estimé, écrit-il, que l'enquête valait d'être poursuivie à des niveaux différents de culture théologique et philosophique ». C'est ainsi, que passant outre à l'avis de Maïmonide qui déconseillait de traduire en hébreu « Le Livre des Éléments » d'Isaac Israéli (850-950 env.), « de valeur philosophique... discutable », M. Vajda consacra une de ses dernières conférences à cet auteur, dont l'œuvre représentait assez bien un moyen de diffusion du savoir philosophique, scientifique et médical dans l'univers mental du xe siècle. Même la mauvaise qualité d'une traduction ne rebutait pas M. Vajda ; d'une dissertation sur l'Unité, d'auteur inconnu mais attribuée à Maïmonide, il écrivait : « Ce sont précisément ces imperfections qui en font un témoin, éloquent à sa manière, d'un niveau culturel dont l'étude a sa place dans un tableau soucieux des détails y compris les ombres de la pensée juive au Moyen Age ». 34 Ayant évoqué le chercheur, il nous faut montrer aussi l'enseignant. Au monologue érudit, M. Vajda préféra toujours des séances de travail comme c'est l'usage à l'École pratique des Hautes Études, où élèves et auditeurs prenaient une part active, notamment dans l'explication des textes et les exposés. Il aimait tant les débutants - espoir de l'avenir - qu'il supportait patiemment les piaffements impatients des anciens devant les ânonnements des nouveaux. Questions pertinentes ou même impertinentes étaient bien accueillies. Parfaitement respectueux des options de ses auditeurs, M. Vajda n'exigeait d'eux que le savoir et l'honnêteté intellectuelle. Enfin il a dirigé un nombre imposant de thèses et aujourd'hui tous les enseignants des disciplines juives dans les établissements d'enseignement supérieur français ont été ses élèves. Malgré l'austérité des explications de textes, des moments de ravissements survenaient, ressentis par les auditeurs comme par le Directeur : et nous pensons à la lecture du Midrash ha-ne celam... Il y eut davantage : au fil de certaines séances sur le Zohar, il lui arriva de déclarer en substance : « je n'ai pas à vous conduire au-delà de l'étude des textes », entendant par là qu'il ne s'aventurerait pas dans les profondeurs de la mystique. *** Des conférences de M. Vajda à uploads/Litterature/ ephe-0000-0002-1981-num-94-90-15758.pdf
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- Publié le Apv 19, 2022
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