ESQUISSE D'UN HISTORIQUE DE LA GRAMMAIRE ARABE * PAR HENRI FLEISCH I. INTRODUCT

ESQUISSE D'UN HISTORIQUE DE LA GRAMMAIRE ARABE * PAR HENRI FLEISCH I. INTRODUCTION A) Les sources: ' _ a) Les livres de controverses grammaticales de: . 1°) TA`LAB (m. 291), I1Jtiläf al-nahwiyyin; § 2°) IBN KAYSAN (m. 320) 1, Ma htalafa fiki al-Basyiyyftn wa-l-Ku f i y yun ; 3°) IBN AN-NAHHAS (m. 337), al-Muqni, fi 1Jtiläf al-Basriyyin M'a-/-7'CM/?yytM; 4°) IBN DURUSTAWAYHI (m. 347), K. al-Radd 'alä Ta`lab fi 1Jtiläf al-nahwiyyin; 5°) IBN FARis (m. 390), I1Jtiläf al-nahwiyyin; § 6°) Abu I-Barakdt IBN AL-ArrsARi (m. 577), K. al-lnsdf fi masa'il al-1Jiläf bayna L-Kufiyyin wa-l-Basriyyin; 7°) Abu 1-Baqa' AL-'UKBARÏ (m. 616), al-Ta'lïq fi l-1Jiläf; 8°) IBN AYAZ (m. 681), al-Iscdl fi l-1Jiläf. Jusqu'ici on ne connait que le livre d'Abul-Barakat Ibn al- Anbari, 6dit6 par G. Weil (Leyde, 1913), avec une importante introduction (pp. 1-93), dans un volume intitule: Die graJnJna1ischen Styeitlyagen der Basrer und Kufer (cité ici: WEIL). * Le présent article constitue un des chapitres préliminaires du Précis de Philologie arabe que prépare l'auteur. 1. Le Fihrist (p. 81, 1. 12-13) le mentionne comme suit: K. al-Mas'il 'al madhab al-nahwiyyn mimmâ htalafa fhi l-Basriyyn wa-l-Kfiyyn d'IBN KAYSN (m. 320). Ce dernier reçut les leçons d'al-Mubarrad et de Ta'lab. «Il mélangea les deux madhab [basrï et kf] et n'aboutit à rien », dit Ibn al-Anbr (Bugya, p. 8, 1. 7). En fait, pour la méthode, c'était un basrite (voir WEIL, p. 78). 2 b) Les elements fournis par les biographies de grammairiens. Le premier livre de ce genre (mais actuellement perdu) est du à AL-MUBARRAD (m. 285): Tabaqdt al-nahwiyyin al-Basyiyyin wa- ahbayuhum (Fihrist, p. 59). Viennent ensuite: 1°) AL-SIR3.Fi (m. 368), Ahbay al-nahwiyyin al-basriyyfn, ?dite par F. Krenkow, Alger (Bibl. Ar., IX), 1936; 2°) le Fihyist d'Abu I-Farag IBN AL-NADiM, p. 39 sq., ouvrage compose, d'apres les indications de 1'auteur, en 377 1; 3°) Abu Bakr AL-ZUBAYDI, Tabaqdt al-nahwiyyin, dont un abr6g6 a 6t6 6dit6 par F. Krenkow dans RSO, VIII (1920), pp. 107- 156, et dont Abu 1-Fadl Ibrahim a donn6 1'edition complete : Tabaqat al-nahwiyyin wa-l-lugawiyyin (5 + 340 + 68 p., Caire, 1954) ; 1 4°) Abu 'Abd Allah AL-MARZUBANI (contemporain de 1'auteur du Fihrist), al-Muqtabis fi ahbay al-nahwiyyin al-basyiyyin (Fihrist, p. 133, 1. 26), dont un Muhtay se trouve à Istanbul (Šehid 'All 2515)'; l 5°) Abu I-Barakat IBN AL-ANBARI (m. 577), Nuzhat al-alibbä' fi tabaqät al-udabd', Caire, 1294 ; 6°) YÃQÜT (m. 626), Iysad al-arib ild ma'rifat al-adib (6d. D. S. Margoliouth, Leyden, 1907-1931, vol. I-VII; seconde 6d., vol. I, 1933, GMS, VI), qui concerne les grammairiens, les poetes, les calligraphes; 7°) Abu 1-Hasan `Ali AL-QIFT! (m. 646), K. Inbd' al-ruwat cald anbal al-nuhat, Istanbul, Top Kapu Saray 2858 et 3064 (0. Rescher, RSO, IV, 1912, p. 733; Brockelmann, GAL, I, p. 325, S. I, p. 559) ; 8°) IBN HALLIKAN (m. 681), K. Walaydt al-a'yan, 6d. F. Wiisten- feld, Gottingen, 1835-1850 (editions a Bulaq), qui fait une part pr6pond6rante aux souverains et personnages politiques. 9°) La gyande source 3 pour les grammairiens et les lexicographes est la Bugyat al-wu`at fi tabaqdt al-lugawiyyin wa-L-nuhat d'AL- 1. Publié par G. FLÜGEL (Joh. Roediger et A. Mueller), 2 vol., Leipzig, 1871, 1872. 2. L'indication de O. RESCHER (MFO, V, 1912, p. 521, 1. 13) ne vaut que pour la seconde partie (fol. 220 r-268 r). La première contient les biographies de 33 grammairiens ou lexicographes (fol. 1-219r). 3. Le Fihrist (p. 87, 1. 17-18) mentionne encore (ouvrages perdus) les Ahbar al-nahwiyyn d'Ab Bakr al-Ta'rihi et les Ahbar al-nahwiyyn de (voir FLÜGEL, Die gr. Sch., p. II); voir aussi Fihrist p. 63, 1. 16. Ab 1-Fadl Ibrhim, dans son édition du n° 3, indique encore (p. 3) d'autres auteurs d'Ahbar ou Tabaqt al-nahwiyyn. 3 SUYTJTI (m. 9I I) , imprimee au Caire en 1326 h. I. Al-Suyuti a r6uni les traditions concernant les origines de la grammaire arabe dans un opuscule: al-Ahbay al-marwiyya fi sabab wad` al-'arabiyya, imprime dans al-Tuhfa al-bahiyya, Istanbul, 132o h., p. 49-53. On peut lire ces traditions (en tout ou en partie) dans le petit livre d'al-Sirdfi (ci-dessus i°), p. 1 5-20, dans le Fihrist, p. 40 I. 3-17, dans la Nuzha (ci-dessus 5°), p. 4-13. B) Les origines d'apres la Tradition Les origines de la grammaire arabe, d'apres les traditions prece- dentes, peuvent se r6sumer ainsi (voir El, s.v. nahw) : Le calife `Ali aurait donn6 a Abu 1-Aswad al-Du'ali (mort fin du siecle h.) une indication sur les divisions, ism, harl, qu'il convenait d'etablir dans la grammaire. Ainsi Abu I-Aswad passe-t-il pour le fondateur des etudes grammaticales ; call aurait aj oute : itnhu « engage-toi dans cette route)>, d'oit le nom de nahw donn6 a la grammaire, 'ilm al-nahw. Autre explication : Abu 1-Aswad aurait lui-m6me etabli les prin- cipes de la grammaire arabe et dit a ses gens: un?fthu « dirigez-vous d'apres cela », d'ou le nom de nahw. Le mot nahw signifie : «direction, voie, chemin », egalement « intention »; comment a-t-il ete applique a la grammaire ? ceci reste obscur. On rapporte deux anecdotes: 1°) Ziyad b. Abihi aurait engage Abu I-Aswad a noter par 6crit les principes grammaticaux que call lui avait appris, mais il se recusait. Un jour, ayant entendu un lecteur du Coran faire une faute dans la recitation, il se declara pr6t a remplir cette mission. 2°) Un mawld nouvellement converti fit une faute de langage en presence d'Abu I-Aswad. Quelqu'un de 1'entourage se mit a rire, maisAbu 1-Aswad reprit: «Eh bien! voila des mawlas qui aspiraient a l'Islam, qui 1'ont adopte et sont ainsi devenus nos freres. Ne conviendrait-il pas d'elaborer pour eux les lois de la langue ? » 1. Dans les préliminaires (p. 2-3) AL-SUYT expose la genèse de son ouvrage: dans son grand désir de connaître les Ahbar al-nahwiyyin, il chercha un livre et ne fut pas satisfait. Il résolut alors d'en faire un. Il lut environ 300 volumes qu'il énumère et fit une première rédaction en 7 volumes. Mais cette masse n'était pas l'ouvrage qu'il fallait. Un tiers (jugé le plus pertinent) fournit la matière de la Bugya où il se proposait parti- culièrement de faire connaître les grammairiens cités dans son Šarh Šawhid mugni l-labb. Le reste passa dans le K. al-AŠbh wa-l-naza'ir al-nahwiyya. 4 Lh-dessus il composa le chapitre sur 1'agent et l'objet wa-l-maf'ül) 1. II. EXPOSE CRITIQUE SUR LA NAISSANCE ET LE DEVELOPPEMENT DE LA GRAMMAIRE ARABE Une obscurit6 subsiste sur les origines de la grammaire arabe et ceci a cause de la rapidite de son d6veloppement. Les traditions grammaticales habituellement sont lentes a s'61aborer et ne pro- duisent des ouvrages de synthese qu'apres de longs temps de cri- tiques et de disputes. Or, avec le Kitdb de SiBAwAyIII (m. 177), on possede un ouvrage oit tout 1'essentiel de la langue arabe se trouve deja codifi6. On a donc recherche les influences qui ont pu hltter ce développement. A) Recherche des influences a) Influence indienne : K. Vollers avait signale des points de contact entre la phon6tique de la premiere generation de gram- mairiens (al-Halil, etc.) et celle de la grammaire indienne du sanscrit (Panini), notamment pour les huit mahayig. Brockelmann (GAL, I, p. 97) avait pens6 que l'id6e était a retenir et meritait de nouvelles recherches. Dans le Supplement, I, p. 156, il a abandonné cette maniere de voir. b) Influence grecque : Des influences grecques sont a si- gnaler : la speculation grammaticale arabe a emprunt6 des concepts initiaux a la science grecque, non pas a la grammaire gyecque, mais a la logique aristotilicienne 2. Celle-ci était 6tudi6e avec zèle à 1. Sur l'histoire de la grammaire arabe d'après la tradition, voir les pages 119-123 de J. M. ABD-EL-JALIL, dans Brève histoire de la littérature arabe (Paris, 1943). Pour plus de développements, consulter: G. FLÜGEL, Die grammatischen Schulen der Araber, XII -f- 265 p. in-8°, Leipzig, 1862. 2. Cette question des influences grecques a été étudiée par A. MERX, Historia artis grammaticae apud Syros, Leipzig, 1889, dans son chapitre IX, pp. 137-153, idées reprises en français, par le même auteur, sans l'appareil technique de la précédente étude, dans une communication à l'Institut Égyptien (Bulletin de l'Institut Égyptien, Troisième Série, N° 2, année 1891, p. 13-26). Ign. GUIDI, Bollettino italiano degli studi orientali, 25 Mai 1877 (cf. Nuova Serie, N° 6 (1878), p. 104-8), ne donne que quelques indications générales. Merx est vraiment entré dans le sujet. D'après cet auteur, les Arabes ont reçu de la logique aristotélicienne: 1° la division tripartite: ism, fi'l, harf; 2° a'raba, i'rb, transposition en vocabulaire arabe des mots grecs: hellenidzein, hellnismós; 5 1'ecole syro-persane de Gundišäpur. Basra était ouverte aux in- fluences persanes. Sibawayhi 6tait un persan (cf. MERX, Bull. Inst. p. 24). De plus, les Arabes, avant de se mettre eux-memes a 1'6tude de la philosophie, étaient en contact avec les savants syriens qui avaient travaille la logique grecque et c'6tait une autre voie pour la p6n6tration des id6es grecques. Toutefois, il faut bien le remarquer : al-Halil, Sibawayhi et toute cette premiere generation n'ont pas travaiII6 uploads/Litterature/ esquisse-d-un-historique-de-la-grammaire-arabe 1 .pdf

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