L'ETOILE ABSINTHE 13-14ème Tournée S O C I E T E D E S A M I S D ' A L F R E D

L'ETOILE ABSINTHE 13-14ème Tournée S O C I E T E D E S A M I S D ' A L F R E D J A R R Y SOCIETE DES AMIS D'ALFRED JARRY Siège social : Rue du Château PENNE D U T A R N 81140 Castelnau de Montmiral № 13-14 1982 L'Etoile - Absinthe Le Bureau de la Société des Amis d'Alfred Jarry pour 1983 est ainsi composé : — Président : Louis FORESTIER — Secrétaire : Henri B E H A R — Trésorier : Claude R A M E I L Les cotisations (chèque bancaire ou postal) Ordinaire : 120 F Soutien : 150 F doivent être adressées à : Société des Amis d'Alfred Jarry M . Claude R A M E I L 56, rue Carnot 92300 LEVALLOIS La correspondance peut parvenir à : M . Henri B E H A R 1, rue Louis Le Vau 78000 VERSAILLES CCP 2836 31L Toulouse Copyright Société des Amis d'Alfred Jarry, 1982. SOMMAIRE C. D O M I N O : Le Surmâle d'Alfred Jarry : roman moderne ? 5 D. SINEUX : Alfred Jarry et Paul Valéry. Valéry pataphysicien.. 16 Y.-A. F A V R E : Précisions sur Jarry et Mallarmé 23 H. B O R D I L L O N : En marge de l'Amour Absolu 34 J.-P. GOUJON : Jarry et la Revue Encyclopédique 41 M E N U S COMPTES ET PROPOS RENDUS 46 LE SURMALE D'ALFRED JARRY : ROMAN MODERNE ? Le titre du roman d'Alfred Jarry que l'on dit être le plus connu de son œuvre se donne souvent à lire, dans nombre de biographies, sur les catalogues d'éditeurs, en son entier, titre et sous-titre réunis : Le surmâle, roman moderne. Faut-il penser dès lors que ce titre est en effet d'une charge propre à aider au travail de l'intitulé, à désigner « ce qu'il y a dedans » à « l'acheteur du volume » (0) ? C'est la question que veut mettre en scène la simple adjonction d'un point d'interro- gation à la lettre jarryque... La formule demande pourtant toute précaution : son objet, est loin d'être évidemment accessible. Ainsi sans doute, répondant à une règle fonctionnelle que Jarry n'ignore pas, cet «avant- poste » facultatif est un lieu choisi pour l'affichage d'une préoc- cupation peut-être pas seulement ancienne inscrire l'écriture dans un genre. ...des genres subsistent toujours on imprime toujours sur une couverture blanche, jaune ou illustrée : « roman » ou « poème ». (0) Le sous-titre du Surmâle concurrence la pratique d'édition relevée ici par A. Jarry. Il est même une surenchère de la mani- festation générique, plus explicitement encore qu'un Roman d'un déserteur ou qu'un Roman de l'ancienne Rome. Il est vrai que, malgré la syntaxe, moderne fait attendre ici un non-dit, silencieu- sement convoqué : quelque chose comme un temps, un âge. L'indication semble alors porter sur le statut essentiel du roman, roman d'anticipation, roman de science-fiction. Ainsi le sous- titre situe un lieu de paroles, un mode d'émission propre au Surmâle — pourrait-on dire plus moderne que présent —. La visée temporelle du « moderne » du sous-titre jarryque se trouve renforcée par la confrontation, la fausse symétrie avecMessaline, Roman de l'ancienne Rome. Ancien, moderne : l'antonymie est trop visible pour que l'on y insiste. Il reste pourtant que là où ancien ne désigne pas le texte, moderne qualifie et force une relation de sens avec Roman. — 5 — C'est dire qu'avant-même d'y voir plus loin, telle protestation de modernité semble bien s'adresser au texte même. En cela , elle est séductrice, et s'inscrit dans un champ « à la mode » pour Jarry, pour ses lecteurs contemporains, et pour nous. C'est notre question de voir en quoi cette qualification concerne effective- ment un trajet d'écriture dans Le Surmâle. Mais c'est sans doute une propriété du texte jarryque que de ne se jamais laisser lire, décrire, sous un quelconque aspect d'unicité. Le texte polymorphe engage le discours qui se tient sur lui à une véritable dispersion. De là vient que se succèdent ici des perpectives repérées, choisies comme autant de marques d'un effet de modernité que nous voulons voir inscrit en creux dans le roman. C'est en observant le texte de Jarry sous deux angles distincts que nous voudrons faire apparaître sa démarche productrice, non reproductrice, à savoir d'une part la réalisation-même du récit, la constitution de la diégèse (1), l'organisation narrative, et d'autre part le prodigieux travail du modèle sous tous aspects qu'il emprunte, du jeu de la citation à la ruse de la simulation. Le lecteur du Surmâle ne manquera pas d'être pour le moins dérouté par la fiction jarryque (2). En plus de la multiplicité et de la fantaisie des événements, c'est leur articulation, leur succession qui dépite. Loin d'un strict principe de linéarité, le roman propose une suite, une juxtaposition d'épisodes, selon toute l'apparence du « décousu ». Le récit se brise, part dans une imprévisible direction, au dam du lecteur : le chapitre II, « flash- back » dans les mondanités de Lurance; l'assassinat légal du dyna- momètre, dans lequel l'événement tourne court avant de prendre sens, tout comme la fin de la course, où, en l'absence de certi- tude quant à la participation de Marcueil, le récit reste suspendu, sans que s'éclaicisse le rapport à la trame narrative; c'est encore l'intrusion du gendarme, qui, si elle fournit l'alibi, ouvre sur des voies nouvelles, sans suites évidentes; le chapitre VII, « Dames seules », qui ne semble pas nourrir de rapport de nécessité à la diégèse, de même que le délire de Bathybius; sans compter la fausse mort d'Ellen... Ce n'est pas dire pour autant que le récit ne tient pas « debout », mais qu'il répond à de rares critères de désinvolture, en fait apparente, de gratuité, voire d'inutilité : voilà qui sans doute garantit l'étiolement de la valeur utilitaire du récit, sa « valeur d'échange ». — 6 — Pour établir l'intelligence du texte, l'organisation temporelle est plus que lisible, ostensible. Contradictoirement, le roman apparaît comme fermement structuré, du point de vue de la chronologie, et des notations telles « ...le lendemain matin...» « un peu avant minuit... », « vingt-quatre heures auparavant... » se multiplient en tête ou en cours de chapitre, à la limite de la manie dans la précision, avec encore ce « septembre mil neuf cent vingt » qui pose liminairement l'anticipation (3). Telle reconstruction du temps du récit demeure remarqua- ble, du fait du statut du roman comme anticipation justement, par rapport à l'organisation narrative : c'est un archétypal régime romanesque d'analepse qui situe le rapport de la diégèse à la narration, ce qui accentue le « trucage » de la situation d'anti- cipation. Le fonctionnement global du récit n'en ressort que plus lié à l'instabilité relative des instances narratives. Il devient vite difficile de séparer l'organisation narrative (qui est la machine ) de son « agent » (le narrateur) tant le travail de celui-ci est constitutif du texte. Un repérage exhaustif des jeux et des mouvements de celui-ci déborderait largement le cadre de notre propos; nous en retiendrons tout de même certains traits prégnants : ceci d'abord que le narrateur tend à s'oblitérer, plus ou moins complètement. Il prend les apparences de l'effacement discret du narrateur omniscient, mais aussi fait jouer les points de vue (ainsi la triple focalisation des chapitres VII, VIII, IX où se nouent de multiples rapports de synchronie, la même scène centrale (le rapport de l'Indien) étant rapportée trois fois). S'il reste évidemment dégagé de la diégèse en tant que sujet, le narra- teur n'en intervient pas moins à la surface du texte en deux occurences, deux situations semblables. Le narrateur omniscient se prépare à laisser la place à un autre, il prévient ainsi de son abdication momentanée : il se signale pour mieux disparaître, et jalonne sa disparition. C'est, (p.41) pour « reproduire la note d'un docteur...» et, (p.69) pour « emprunter le récit de la course...». Ce ne sont pourtant pas les seuls passages enchâssés, puisqu'il ne faut pas oublier (p.106 et seq.) « l'étrange élucubra- tion scientifico-lyrico-philosophique de Bathybius », et (p. 136 et seq.) le poème de Marcueil « post coïtum ». Une constante curieuse lie au moins trois de ces passages : ce sont des récits hallucinés (alcool et fatigue pour Oxborrow, fatigue et dédouble- ment de personnalité pour le docteur, fatigue à la lisière du sommeil pour l'Indien. Ces récits, trop « compromettants » pour le narrateur sont donc attribués aux personnages, et là encore, le narrateur travaille à son effacement. Il est indéniable que le narrateur tend à disparaitre, à n'être pas là comme source nettement définie (...) Mais n'est-ce pas là l'indice le plus sûr de la modernité du texte Garryque) (4). Sous les deux aspects enfin du fonctionnement diégètique et narratif, il est un instant clef dans les toutes dernières lignes du roman. Le Surmâle si l'on veut bien lire, plus que uploads/Litterature/ etoile-absinthe-013-14reduit.pdf

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