1 Séquence n°1 La poésie du XIXe au XXIe siècle Œuvre intégrale: Baudelaire, Le
1 Séquence n°1 La poésie du XIXe au XXIe siècle Œuvre intégrale: Baudelaire, Les Fleurs du mal (réédition 1861) Parcours associé « Alchimie poétique : la boue et l’or » Explication linéaire du poème « Spleen » poème LXXVIII / 78 Charles Baudelaire, poète situé à la fin du romantisme et précurseur du symbolisme, est souvent présenté comme un poète tourmenté. Dans son recueil, Les Fleurs du mal, publié en 1857, et réédité en 1861 après le procès, figure en tête une section composée de 85 poèmes et intitulée « Spleen et idéal ». Le titre de cette section rappelle le déchirement du poète tiraillé entre le spleen qui l'assaille et l'idéal qu'il cherche à atteindre. On sait que le spleen, cet état mental propre au poète en souffrance et souvent difficile à définir est au cœur de son recueil poétique. Ce spleen qui résulte de la prise de conscience la malédiction éternelle de l’homme, est directement abordé dans une série de quatre poèmes et le poème n°78, constitué de cinq quatrains composés d’alexandrins en rimes croisées, clôt ce Cycle du spleen. Mouvement du poème : 1. Les trois premiers quatrains (vers 1 à 12) rapportent les 2. du spleen (le ciel pesant, la terre transformée et la pluie) et montrent une progression 3. Les deux derniers quatrains (vers 13 à 20) mettent en scène la crise et la défaite de l’Espoir devant le spleen Projet de lecture : Comment le spleen est-il dépeint ici et quelle signification revêt-il? Dans les trois premiers quatrains, le monde extérieur est évoqué à travers différents éléments du réel. I. Les circonstances du spleen : l’enfermement progressif Premier quatrain Le poète mentionne tout d’abord le « ciel bas et lourd » au vers 1 (l’idée de pesanteur domine le vers). La comparaison « comme un couvercle », au vers 2, renforce l’idée d’étouffement contenue dans les adjectifs « bas et lourd » et dans le verbe « pèse ». Ce lexique est en opposition radicale avec le champ lexical de la clarté et de l’ouverture. Le « ciel bas et lourd», le « jour noir» et la pluie renvoient au monde réel et évoquent sans doute la mauvaise saison, mais le lecteur ne manque pas d'être saisi par des images qui semblent toutes sorties de visions du romantisme noir, de récits fantastiques. En effet c’est un univers vraiment inquiétant qui se met en place avec l'évocation imprécise de « l’esprit gémissant » sous le « ciel bas et lourd » au vers 2, Les impressions et les sensations du poète sont au cœur du poème. 2 Nous avons vu que le début du poème commence sur une impression d'étouffement précisée aux vers 3 et 4. La souffrance du poète est effectivement exprimée de façon progressive: elle apparaît d'abord, au vers 1, dans la référence aux « longs ennuis ». Le mot « ennui» est chargé ici de son sens ancien d'abattement causé par une grave peine, une profonde douleur. Les allitérations en « s » et en « z » accentuent l’impression de malaise. Le malaise profond s'exprime à travers les images et les sensations évoquées: ce sont des sensations visuelles au vers 4 avec la précision du « jour noir plus triste que les nuits» qui montre une profonde détresse. L'ambiance dépeinte est propre à engendrer la peur: on notera l’absence de lumière avec l’oxymore « jour noir » au vers 4 et le comparatif de supériorité « plus triste que les nuits». Deuxième quatrain Dans le deuxième quatrain, la transformation de « la terre» correspond à une deuxième circonstance, une deuxième cause: elle est «changée un cachot humide ». Ce mot est plus vague et est à interpréter, mais la place laissée au ressenti du poète est plus grande : la terre désigne ici le monde et le cachot (au vers 5) est une métaphore qui développe l’idée suggérée dans le quatrain précédent. Le monde est perçu comme une prison. Nous savons que Montaigne et Pascal employaient déjà la même image du "petit cachot". D’autre part, comme autre élément du réel évoqué, on relève au vers 5 « la pluie » et « ses immenses trainées » (au vers 9). L'image de la terre « changée en un cachot humide » introduit celle de l'espace clôt qui est renforcée au vers 5 par celle de la chauve-souris. On remarquera que, dans cette image, « les murs» et les « plafonds » de cette image empêchent la libération de l’Espérance aux vers 6 à 8: toute fuite est impossible. L'image allégorique de « l’ Espérance» comparée à la chauve-souris au vers 6 « se cognant la tête à des plafonds pourris » contribue à créer un univers cauchemardesque. Les impressions, plus précisément les visons qui se mettent en place sont de plus en plus inquiétantes. Notons l’allitération en « k » soutenue par les dentales « t » au vers 7 qui donne à entendre les coups de la chauve-souris contre les murs. Les « plafonds pourris » (au vers 8 cf. vers 5) montrent un lieu qui se disloque, assez macabre. Le malaise profond s'exprime ensuite à travers les images et les sensations évoquées : des sensations tactiles avec l'image du « cachot humide » et de la chauve-souris «se cognant la tête à des plafonds pourris ». Troisième strophe Dans la troisième strophe, c’est la troisième circonstance, qui s’ajoutent aux deux premières : la pluie, l’impression qu’elle produit. Au vers 10, le parallèle établi, avec le verbe "imite" entre les « traînées » de la pluie et les barreaux d’une prison vient clore en la renforçant l’impression d’enfermement du poète. L’espace semble paradoxalement s’étirer avec les expressions « immenses traînées » (vers 9) et « vaste prison » (vers 10). L’image du « peuple muet d’infâmes araignées » aux vers 11 et 12 complète le tableau cauchemardesque. Les « filets» (vers 12), qui sont les toiles d'araignées, sont perçus comme des pièges L'image du « peuple muet d'infâmes araignées» révèle une vraie peur du poète qui se sent traqué comme en témoigne l'image des « filets ». Le lecteur est associé à cette vision par le déterminant 3 possessif « nos » dans l’expression « au fond de nos cerveaux ». L'adjectif « muet » (vers 11) souligne une vision inquiétante et semble annoncer par contraste le « hurlement » des coches (vers 14). Ce décor qui semble appartenir au monde extérieur est présenté comme en lien direct avec le spleen qui s’empare du poète, comme le suggère l’anaphore de la conjonction de subordination « quand ». Nous avons l’impression d’un enchaînement inexorable. C'est apparemment une des causes de ce spleen. Les images, notamment les comparaisons, renforcent cette idée d’enfermement. C'est d'ailleurs un enfermement progressif. Les propositions subordonnées des strophes 1 à 3 soulignent en fait les étapes de la montée de la crise. En effet on note une gradation, un rétrécissement de l'univers horizontal et vertical. C'est un rétrécissement vertical dans la strophe 1, puis horizontal dans les strophes 2 et 3. Il est complet dans la strophe 3. II. La crise violente et la défaite face au spleen 1. La crise violente : quatrième quatrain Dans les deux dernières strophes, le cauchemar s’accentue avec la mention des cloches en « furie » au vers 13. La dimension morbide est accentuée et on note une confusion entre le réel et les images mentales. On peut supposer que le lecteur est complètement plongé dans l'univers mental du poète, à partir de la quatrième strophe, car il rapporte en fait des hallucinations, des images que son esprit (cf. « l'esprit gémissant» du vers 2) se forge, comme les cloches qui sont personnifiées et qui « jettent un affreux hurlement» (au vers 14). Une impression de mouvement est créée par le lexique (« sautent » (vers 13), lancent » (ver 14), « errant » (vers 15), « sans partie » (vers 15)) On remarquera que ces éléments ne sont pas présentés comme des images. C’est une scène que le poète vit dans son for intérieur. Mais la crise a débuté avant, dans les premiers quatrains. Les sensations auditives apparaissent vraiment au premier vers de la quatrième strophe. C'est en fait une hallucination auditive. Ces cloches qui s’animent correspondent au paroxysme de la crise et font songer au coup dans la tête qui apparaît dans les autres poèmes (comme "Chant d'automne"). La violence de la crise, des sensations éprouvées, s'exprime à travers le vocabulaire (« avec furie », « affreux », « geindre opiniâtrement ») mais aussi grâce au jeu des sonorités et notamment les allitérations en [k], [t] et [r] qui rendent la plainte. On notera aussi le rôle de la diérèse sur « opini-â-trement », adverbe qui occupe tout le deuxième hémistiche (et qui signifie de manière obstinée, avec entêtement). Le rôle des occlusives [p/b], [t/d] et [k/g] et des voyelles nasalisées est aussi important. On peut supposer que ce « hurlement vers le ciel » exprime l'appel désespéré du poète au uploads/Litterature/ explication-lineaire-baudelaire-spleen-78.pdf
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- Publié le Mar 23, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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