ecrit au pape que lui et son neveu ont vaine- ment cherche it devenir confreres

ecrit au pape que lui et son neveu ont vaine- ment cherche it devenir confreres du Temple. Si plus tard il poursuivit avec un tel acharne- ment les Templiers, c'est qu'il avait garde contre eux, en dehors des raisons politiques et financieres, un double ressentiment : ils lui avaient refuse l'affiliation et iis lui avaient donne une hospitalite protectrice quand il etait poursuivi par l'emeute. En I 118, sur la terre de Palestine, neuf che- valiers croises fran~ais, Hugues des Payens, Geoffroy de Saint-Audemar et sept autres cons- tituent I'ordre religieux et militaire des Tem- pliers qui se propose de protegeI' les pelerins allant en Terre Sainte. Le roi de Jerusalem leur donne l'investiture et les loge aupn!:s de l'em- placement ou s'elevait Ie Temple de Salomon. Esoteriquement, ils se donnaient mission de reconstruirc Ie Temple symbolique .. Les Francs- Ma~ons ne devaient-ils pas plus tard pretendre it pareille ~uvre? L'ordre des Templiers nalt dans la Croi- sade. Les Croisades aussi ont leur secret Elles cachaient autre chose que la conquete du Tom- beau. II fallait surexciter l'enthousiasme guer- rier des foules par un ideal it portee de leur c~ur. Les Croisades etaient necessaires pour sauver l'Europe de l'invasion. Deux civilisa- tions s'affrontaient, celle de la Croix et celle du Croissant. Deux races se heurtaient. Trois siecles auparavant, c'etaient les Sarrazins qui envahissaient la France jusqu'au coup de mar- teau de Charles. Martel. Par les Croisades se satisfait ce besoin d'expansion it travers Ie monde qui a toujours obsede Ie genie celtique depuis l'antiquite, au cours de laquelle il essai- mait dans les divers continents des colonies r:econnaissables encore aujourd'hui, jllsqu'aux temps presents ou, obeissant ,'t l'impulsion ancestrale, la troisieme republique fran~aise a execute Ie. vieux plan druidique d\l11 empire africain. Si les Croisades ont retarde de plus d'un siecle Ie debordement des Turcs en Europe, elles ont confronte Ie genie europeen et Ie genie arabe dans ce grand mystere de la guerre ou les adversaires s'etreignent et se dechirent, attires l'un vers l'autre par la haine passagere qui est la face horrible de l'amour eternel. On :\ dit de tous cotes que les Croises avaient rapporte en Occident diverses con- naissances et diverses coutumes empruntees it la civilisation musulmane. Et cela est vrai pour ce qui concerne les mceurs et les formes familieres de la vie pragmatique. Mais les fre- quentations et les ententes entre les hauts esprits de la chretiente et de !"Islam s'effec- tuerent de tous temps. Les erudits superficiels, inconscients des sources secretes ou s'abreuve la vie spirituelle du monde, s'obstinent it pretendre, au gre de leurs partis pris, que tel ou tel ordre de connaissances fut invente dans telle ou telle nation qui Ie transmit aux autres. En rea- lite, les connaissances du ton superieur reposent dans toutes les traditions, variantes plus ou moins brillantes d'une tradition unique. II n'est pas dit vainement que tout fut revele it Adam. Un des corollaires de cette parole, dont il faut entendre les significations, c'est qu'un grand esprit donne sa preuve par son adhesion it I'unanimite de ses pairs. II y a une communion des genies c.omme une communion des saints. Si I'ordre des Templiers est cree entre la premiere et la seconde croisade, un demi-siecle apres que Ie Vieux de la Montagne eutcree son ordre fameux, il apparait de toute evidence que l'ordre de chevalerie chretien et I'ordre de che- valerie musulman sont identiques et fraternels. Le grand sultan Saladin demande au croise fran<;ais Hugues de Tabarie de Ie faire cheva- lier. Le genie du Tasse montre cette parente des types chevaleresques d'Orient et d'Occi- dent. Aujourd'hui, si chez nous les lecteurs s'enchantent des editions de nos anciens romans de chevalerie arranges ou deformes selon Ie gout moderne, de meme les romans de la che- valerie musulmane, qu'on nomme les Ham- siades parce qu'ils racontent surtout les fabu- leuses aventures de l'Ismaelien Hamsa, emplis- sent lesvoix monotones des rhapsodes populaires turcs et arabes au milieu des graves auditoires accroupis devant les petites tasses de kaoua. Entre tous les ordres de cheval erie, il en est deux tres mysterieux, les Templiers et les Assacis. Qu'il me soit permis de reprendre Ie nom dont ces derniers sont designes par notre vieux Joinville, car Ie nom « Assassins II qu'on leur donne d'ordinaire, eut un filcheux des- tin! (I). Si les Assacis, plus eloignes de nous, (1) Assassill est simplement une forme plurielle de l'arabe assas, gardien. II y a des mots. " comme des gens, qui ant mal tounH~. Les Assacis etaient, comme les Tem- pliers, gardiens de la mystique Terre Sainte. Certains amateurs d'etymologie font venir ce mot de haschich, a peu pres com me ils font venir cheva./ de eqults. et de race differente, touchent moins notre memo ire que ces Templiers maniant en maitres !'Europe medievaIe, en revanche, ils pesent sur nos imaginations de tout Ie poids de leur aureole sanglante et de leurs secrets enseyelis. L'histoire a-t-elle connu un personnage plus impen~trable que leur premier grand maitre, Ie Vieux de la Montagne, cet Hassan Sabah qui, durant ses trente-cinq annees de regne, avait agi sur les destins d'une partie du monde sans quitter une seule fois son chateau d'Alamont et n'etant sorti que deux fois de sa chambre pour aller sur sa terrasse (I) ? L'ordre musul- man des chevaliers Ismaeliens dits Assacis et l'ordre chr~tien des chevaliers johannites du Temple sont constitues exactement sur Ie meme modele, et cela non parce que Ie second, cree ap.res Ie premier, imite son predecesseur, mais parce que J'un et I'autre sont construits sur les memes doctrines secretes, sur un esoterisme unique et invariable qui sourd a travers Ie mondc sous des voiles differents, comme la lumierc unique a travers Ie prisme se decom- pose en rayons multicolores. En 1108, quand Hugues des Payens et ses huit compagnons fondent l'ordre du Temple, les chevaliers francs assurent difficilement la paix. dans Ie royaume de Jerusalem. En Europe, Ies groupemcnts U:odaux se font entre eux Ia guerre, si bien que l'Eglise cherche a creer des corps de chevaliers « paissiers » charges d'im- poser Ia paix aux belligerants, de meme que, dans ces dernieres annees, certains des fonda- teurs de la Societe des Nations, tel Leon Bour- geois, imaginaient une sorte de vaste gendar- merie internationale destinee a reprimer les velleites belliqueuses des peuples d'ilUjour- d'hui. L'Eglise s'inquiete aussi des progres rapides d'un mouvement religieux parti de la Gnose qui bient6t pourra dresser J'eglise Cathare en face de l'Eglise romaine et qui don- nera naissance a des ordres aussi brillants que (r) Villiers de l'lsle-Adam se proposait d'ecrire une oeuvre sur Ie Vieux de la Montagne. 11 possedait it fond Ie sujet dont il m'entretint plusieurs fois en d'ec1atantes causeries, malheureusenlent Qubliees. II me mantra nH~me une malic pleine, disait-il, de documents concernant sa maison dont certains avaient trait it l'ordre des Hospita- liers que son ancetre Philippe de Villiers de l'lsle-Adam, Grand Maitre, etablit i !VIalte, en ISla, apres qu'il eut du ceder Rhodes aux Turcs sept aus auparavant. " Ma mai- son, affirmait Villiers, est une des plus anciennes de France, ('est-a-dire du monde ". Et c'etait vrai. celui des Chevaliers Faidits de la Colombe du Paradet. Elle voit donc avec joie surgir des initiatives aussi vigoureuses que celie de Hugues des Payens et de ses huit compagnons Officiel- lement, Ie groupe qu'ils forment aura pour mission de proteger les pelerins qui se rendent en Terre Sainte, appuyant leurs pas fatigues sur Ie bourdon OU pendent les coquilles Saint- Jacques. Mais les buts sont secrets, et I'Abstrait qu'ils invoquent regira leur energie et donnera a leur action un dheloppement formidable, En dix ans, sous un souffle insoup~onne, I'ordre des neuf Templiers s'est accru d'un nombre imposant; il est maintenant une telle force que Ie pape convoque a Troyes un concile ou I'on semble ne s'occuper que des compa- gnons de Hugues des Payens. Ainsi, en I 118, il y a un pape. Comment se nomme-t-il? Pascal II, peuH~tre ; peu importe ! Ce n'est pas lui qui commande a Ia chretiente. Non, c'est un jeune moine de vingt-sept ans dont I'acti- vite brulante et la dure volonte servent une ima- gination audacieuse et sure, un penetrant genie. C'est un de ces esprits exceptionnels pour lesquels I'autorite reguliere hesite entre I'ana- theme et la c:monisation. Et en effet ce Ber- nard, s'il fut plus tard place au nombre des grands saints, mourut bien a temps pour eviter I'excommunication. Quelles lumieres lointaines avait-il fixees de ses yeux ardents, ce conte111- plante eloquent et discret, pour que l'altissi1110 poeta, Ie vertigineux genie affilie aux Fideles d'Amour, Dante lui-meme, I'ait elu comme Ie revelateur qui lui commentera la supreme vision paradisiaque ou « dans Ie jaune de la rose sempiternelle » apparait « I'Amour qui meut Ie soleil et toutes les etoiles »! Confron- tation la plus grandiose du genie humain avec I'Infini! C'est ce jeune moine d'imperieuse autorite qui suscite Ie Concile de Troyes et s'y fait conlier la mission de uploads/Litterature/ extrait-de-le-secret-de-la-chevalerie-victor-emile-michelet.pdf

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