La philosophie de la création absolue Author(s): Mihály Vajda Source: Revue eur

La philosophie de la création absolue Author(s): Mihály Vajda Source: Revue européenne des sciences sociales, T. 27, No. 86, Pour une philosophie militante de la démocratie (1989), pp. 105-110 Published by: Librairie Droz Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40369862 Accessed: 20-06-2016 14:48 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Librairie Droz is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue européenne des sciences sociales This content downloaded from 194.47.65.106 on Mon, 20 Jun 2016 14:48:09 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms MIHALY VAJDA LA PHILOSOPHIE DE LA CREATION ABSOLUE Si Ton veut comprendre Castoriadis d'une facon adequate, on doit prendre pour point de depart l'ensemble de ces debats qu'il menait avec les personnages principaux de la culture francaise moderne. Cela nous saute aux yeux en lisant le present ouvrage que j'ai choisi d'ana- lyser1. Ce livre contient des etudes qui portent sur les themes les plus divers et dont on trouve un grand nombre qui sont ecrites, en effet, avec une tres grande prevention theorique, mais qui sont en meme temps des ecrits de circonstance. En fait, on ne peut analyser les textes de Castoriadis qu'en tenant compte de ses luttes contre la psychanalyse lacanienne, le structuralisme, le marxisme francais, etc. ; et c'est d'autant plus vrai que sa pensee est trfes profonde*ment marquee de cette attitude combative. Sans aucun doute, l'auteur fait partie de la culture francaise contemporaine ; n'oublions pas pour- tant qu'il est non seulement d'origine grecque, mais qu'il a vecu dans son pays natal jusqu'a 1'age adulte et, surtout, qu'il y a fait ses Etudes. Pourtant, dans le cadre du present ecrit, je dois me passer de ces debats et de ces circonstances. Ce qui me facilite la tache quand meme c'est que, a la limite, Castoriadis s'interesse toujours aux ques- tions principales de la philosophic europeenne et a tout ce qu'il entend la-dessous, c'est-dire aux problemes brulants de la soctete europeennne et de son savoir. Qu'il ecrive de Lacan ou de Merleau- Ponty, ce qui se trouve au centre de sa pensee et de ses investigations c'est toujours quelque chose qui, a son avis, fait defaut a toute la pensee europeenne et avant tout a la pensee moderne (cette derni&re £tant representee par les interlocuteurs de Castoriadis) ; a savoir, la poiesis, la creation et, en plus, ce qui en resulte : 1 'institution ima- ginaire. D'apres Castoriadis, ce qui caracterise la pensee europeenne, c'est son rationalisme naturaliste. Par consequent, il mesure le poids d'un penseur selon que celui-ci soit parvenu ou non a ces apories qui decoulent necessairement d'une telle disposition d'esprit. La vraie « borne historique » (et qui n'est pas simplement « his- torique » dans un sens contingent de ce terme) aussi bien d'Aristote que de Marx est la question de l'institution. C'est l'impossibilite, pour la pensee herit^e, de prendre en compte le social-historique i L'institution imaginaire de la sodite - titre de l'ouvrage de Castoriadis qui est toujours conside*re comme primordial dans son ceuvre. Mais voir £galement Les carrefours du Labyrinthe. Paris. Ed. du Seuil. 1978. This content downloaded from 194.47.65.106 on Mon, 20 Jun 2016 14:48:09 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 106 M. VAJDA comme mode d'etre non re*ductible a ce qui est « connu » par ailleurs. Cette impossibilite n'apparait pas chez les auteurs plats... Elle appa- rait chez les grands - et precisement sous forme d'antinomie, de division interne de la pensee (p. 314). Toute la pensee heritee voulait trouver l'origine des institutions comme celle de la constitution de l'homme singulier dans les lois de la nature et de la raison. Ces presuppositions (d'une part explicites, d'autre part implicites) de la philosophie europeenne tout entiere font obstacle. C'est que l'histoire n'est autre que la creation absolue, et, si Ton peut vraiment considerer cela comme une creation, c.a revient a dire que ce n'est pas seulement la repetition ou la realisa- tion de ce que la nature ou la raison nous « prescrit » mais que ses sources se trouvent dans l'imagination humaine. L'imagination etablie comme institution, comme source du nouveau, du proprement humain, de Thistorico-social - c'est la specificite de la pensee de Castoriadis. Cette idee fondamentale domine dans chacune des etudes du livre, qu'elles traitent de la psyche humaine, de la science et de la tech- nique ou justement de la societe en tant qu'institution. Dans le cadre de cette courte esquisse, il nous est impossible de presenter d'une fagon exhaustive la richesse thematique de ce livre. Cela pourrait donner l'apparence que n'importe quel theme convient a Castoriadis pour mettre en lumiere ses idees fondamentales. Si c'etait le cas, on aurait du mal a considerer l'auteur comme un pen- seur vraiment original - meme si cette idee fondamentale est quel- que chose de nouveau et de special et que nous savons bien que la notion de V institution imaginaire a ete introduite par Castoriadis lui-meme. Dans le cas ou sa critique relative au rationalisme natura- liste resterait dans le domaine de la philosophie abstraite, elle se contenterait d'etre une des variantes des partis-pris antirationalistes de notre siecle. (On ne peut pas nier qu'il s'agit aussi de cela dans quelques-uns de ces ecrits. L'etude intitulee Science moderne et inter- rogation philosophique peut nous en servir d'exemple ; ici, l'auteur ne depasse pas, en effet, les critiques habituelles du scientisme moderne.) Ce qui est vraiment specifique et original chez Castoriadis c'est qu'en analysant le probleme concret, il ne le prend jamais pour un «exemple » d'un raisonnement independant de ce theme, mais il essaye d'eclairer le probleme d'une fagon on ne peut plus simple : son idee centrale se developpe alors a partir de l'analyse de chacun de ces themes. Cela est vrai en premier lieu pour les domaines qui lui sont familiers, comme ces ecrits ou il traite de Freud, d'Aristote ou de Marx. Le lecteur ne sera pas etonne de voir que les investigations de Castoriadis remontent a Aristote. Le plus grand critique allemand du rationalisme moderne, Heidegger, ne procedait pas autrement. Les raisons en sont semblables dans les deux cas, bien qu'elles ne soient pas identiques. Castoriadis comme Heidegger est d'avis qu'on doit remonter aux origines du rationalisme de l'age moderne, et meme au-dela de ces origines pour recommencer par une nouvelle analyse This content downloaded from 194.47.65.106 on Mon, 20 Jun 2016 14:48:09 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms LA CREATION ABSOLUE 107 de l'Antiquite. Us font partir la reflexion de la philosophic grecque ou - notamment chez Aristote - le rationalisme moderne se trouve deja en son etat developpe mais de telle matiere qu'on peut y voir encore clairement ses contradictions. (Je suis dans l'impossibilite de m'etaler sur la question, pourquoi Castoriadis trouve erronnee la tentative heideggerienne ? Son objection principale contre Heidegger, notamment que ce dernier veut analyser l'etre tout en le separant de l'etant - ce qui est impossible selon Castoriadis - nous donne Timpression qu'il se meprend quelque peu sur l'idee centrale de la philosophie heideggerienne. II me semble que - du moins en ce qui concerne sa critique fondamentale du rationalisme - Castoriadis est beaucoup plus proche de Heidegger qu'il ne le croit.) Aristote est deja « moderne », il est aux prises avec les probl&mes qui sont deter- minants pour la philosophie europeenne tout entiere ; mais il n'est pas encore tellement enchevetre au rationalisme naturaliste qu'il ne puisse nous offrir un point de depart pour lancer une reflexion non- rationaliste. Le titre de la derniere grande etude du volume est reve- lateur : Valeur, egalite, justice, politique : de Marx a Aristote et d' Aris- tote a nous. Ce titre decrit aussi bien la succession d'idees de ce texte que le chemin sur lequel, d'apres l'auteur, nous devrions nous engager pour comprendre nous-memes. Pourtant, Marx est tres important pour Castoriadis et non seule- ment en raison du fait que sa pensee tire son origine de la tradition marxiste. Marx est important pour lui avant tout parce qu'il consid&re comme impossible la critique du capitalisme, et, respectivement, celle de la societe bureaucratique moderne 2 sans avoir procede a une criti- que de Marx. En effet, tant que les soi-disants theories revolution- naires n'abandonnent pas le rationalisme naturaliste emprunte k Marx, elles resteront emprisonnees a cette societe qu'elles visent k critiquer. Le rationalisme naturaliste fait partie de cette institution imaginaire qu'on appelle societe moderne. Avant de revenir a la critique de la societe de Castoriadis, je voudrais dire encore quelque chose sur son attitude envers la troisieme grande figure de son pan- theon. Castoriadis est aussi peu freudien qu'il n'est aristotelicien ou marxiste. Tout comme Marx ou Aristote, Freud le theoricien se range parriii les grands uploads/Litterature/ vajda-1989-creacion.pdf

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