Féeries Études sur le conte merveilleux, XVIIe-XIXe siècle 7 | 2010 Le Conte et

Féeries Études sur le conte merveilleux, XVIIe-XIXe siècle 7 | 2010 Le Conte et la Fable Abdelfattah Kilito, Les Arabes et l’art du récit. Une étrange familiarité, Paris, Actes Sud, coll. « Sindbad », 2009, 154 p. Jean-Nicolas Clamanges Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/feeries/748 DOI : 10.4000/feeries.748 ISSN : 1957-7753 Éditeur UGA Éditions/Université Grenoble Alpes Édition imprimée Date de publication : 31 octobre 2010 Pagination : 224-231 ISBN : 978-2-84310-182-3 ISSN : 1766-2842 Référence électronique Jean-Nicolas Clamanges, « Abdelfattah Kilito, Les Arabes et l’art du récit. Une étrange familiarité, Paris, Actes Sud, coll. « Sindbad », 2009, 154 p. », Féeries [En ligne], 7 | 2010, mis en ligne le 31 juillet 2011, consulté le 23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/feeries/748 ; DOI : https:// doi.org/10.4000/feeries.748 © Féeries R 224 défend la pièce au nom de son genre, l’opéra-comique, et sa démonstra- tion est convaincante. Il donne également de la dimension politique de la pièce une analyse nuancée. L’annexe 1, l’inventaire des pièces tirées des Contes de Perrault, vu l’énorme travail qu’il représente, aurait été plus utile encore si le descri­ ptif avait donné les références des éditions ou des manuscrits des pièces, informations qu’on trouve dans certaines notes de la préface (p. 27-28 notamment). On aura compris que ce volume offre une lecture passionnante, des analyses fouillées, une mine d’informations très précieuses sur l’histoire du théâtre et des spectacles. Il permet une véritable entrée dans le champ des adaptations dramatiques des contes, et ouvre des pistes pour la recherche et des suggestions pour les comédiens et metteurs en scène intéressés par ce répertoire 7. Catherine Ramond Abdelfattah Kilito, Les Arabes et l’art du récit. Une étrange familiarité, Paris, Actes Sud, coll. « Sindbad », 2009, 154 p. Voici un livre comme on en trouve finalement bien peu. Il plaira non seulement aux amateurs des Mille et Une Nuits ou à ceux qui cherchent un chemin vers la littérature arabe ancienne, mais aussi à tous ceux qui aiment que la littérature soit un secret sur un secret. C’est un essai dense mais limpide, où les problèmes de la culture lettrée arabe classique sont présentés dans la lumière de notre présent, au fil d’une dizaine de brefs chapitres écrits dans une langue simplement élégante. Abdelfattah Kilito enseigne à l’université Mohammed V de Rabat. Il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, dont notamment : L’Auteur et son double (Seuil), Les Séances (Sindbad), sur un genre littéraire essentiel de la tradition classique arabe, L’Œil et l’Aiguille (La Découverte), un des plus beaux essais que j’aie jamais lus sur les Mille et Une Nuits et Dites-moi le songe (Actes Sud, coll. « Sindbad ») ; il est aussi l’auteur d’un roman, La Querelle des images (1985), et d’un recueil de nouvelles qui sont publiés 7. L’Opéra-Comique a donné cette année Zémire et Azor de Marmontel et Grétry, adaptation du conte de La Belle et la Bête. Comptes rendus critiques R 225 au Maroc. Les Arabes et l’Art du récit poursuit une réflexion sur quelques chefs-d’œuvre de la littérature arabe ancienne envisagés tout autant dans leur portée au sein de leur propre culture, que dans leurs rapports com- plexes avec le monde indo-persan et l’Occident. Il y est question de Kalila et Dimna (viiie siècle), du Livre des avares de Jârhiz (ixe siècle), du Collier de la colombe d’Inbn Hazm (xie siècle), de l’indifférence constante des anciens lettrés pour les Mille et Une Nuits, des rapports de l’art d’écrire avec l’art du secret, ou encore des connivences probables entre les pro- cédés d’Harîri (l’auteur des Séances, xie siècle) et ceux de Georges Pérec. Le fil rouge qui relie cette méditation serait peut-être ce que l’épreuve de l’étranger révèle et occulte tout à la fois dans la culture littéraire arabe — un fil tressé à une intuition subtile de ce que comporte de paradoxal l’expérience littéraire, comme sorte de vocation fructueuse à la mécon- naissance et au malentendu. L’ennui des Nuits ? Le chapitre intitulé de façon provocante : « Les Nuits, un livre ennuyeux » commence par une réflexion sur la part de reconstruction du passé que comporte l’évocation des livres liés à l’enfance, particulièrement chez le grand lecteur qu’est en principe celui dont le métier est de chercher et d’enseigner dans le domaine de la littérature. Si les Mille et Une Nuits furent donc un livre lu en arabe dès l’enfance dans une édition expurgée, A. Kilito n’est pas sûr de les avoir aimées alors qu’il se souvient encore de sa fascination pour le roman d’Antar. Ce sont pourtant les Nuits que l’adulte relit, et cela parce que des livres français en furent les médiateurs à un certain moment, comme les contes de Voltaire, Le Sopha, La Recherche du temps perdu, ou encore l’impact de l’analyse structurale sur l’approche technique du récit. A. Kilito ignore donc s’il a jamais vraiment aimé les Nuits dans son enfance et il se demande dans quelle mesure son goût pré- sent à leur égard n’est pas dicté par une doxa interdisant d’y voir le livre ennuyeux qu’il a durablement été pour la tradition arabe lettrée jusqu’aux débuts du xxe siècle. Ainsi poursuit-il une méditation inquiète quoique pleine d’humour sur ce qui fait — ou défait — la fortune des œuvres lit- téraires, et leur intégration au canon comme « classiques » d’une littérature nationale ou de la littérature universelle. Du coup, nous apprenons ici ce qu’est un ouvrage « classique » dans la tradition arabe lettrée : il est lié à un nom d’auteur : un nom spécifié par une biographie aussi précise que possible ; il s’inscrit dans une forme repérée ; son style est élevé et s’il recourt à des niveaux plus bas, l’auteur R 226 doit le justifier ; cette distinction formelle engendre une opacité séman- tique qui appelle nécessairement la glose : cet hermétisme se lie à une fonction didactique du « grand texte », qui ne peut déployer tout son ensei- gnement que dans l’explicitation des commentaires, tâche dont se charge parfois l’auteur lui-même (comme Dante le fait par exemple dans la Vita nuova) ; ce texte est enfin réputé intraduisible, qu’il s’agisse de poème ou de prose car il y perd son nazm ou agencement. Or, le recueil aujourd’hui le plus traduit de toute la littérature arabe, celui des Nuits, ne satisfait à aucun de ces critères : « Il n’a pas d’auteur, il se présente sous diverses ver- sions, son style est vulgaire (même s’il ne dédaigne pas systématiquement la prose rimée), il n’est pas commenté et ne fait pas l’objet d’un enseigne- ment. » Et c’est donc tout à fait sérieusement qu’A. Kilito constate que la littérature arabe ancienne ne serait pas différente si les Mille et Une Nuits n’existaient pas, car leur impact y est nul. Ce n’est pas que la condition de lettré dans cette culture exclue les écrits divertissants : au contraire, il est recommandé de varier ses lectures ; simplement, les Nuits n’intéressent pas, comme le montre l’un des rares témoignages qu’on ait sur leur lecture à date ancienne, celui d’Ibn al-Nadîm (un libraire bagdadien de la fin du xe siècle) : « J’ai eu plusieurs fois l’occasion de voir ce texte complet : à la vérité c’est un livre fort indigent et qui raconte assez froidement. » Ainsi survient la question de la relativité des jugements sur les œuvres à travers le temps, et une mise en cause ironique du fameux verdict, censé sans appel, de la postérité. L’extraordinaire intérêt des Européens puis du monde entier pour ce recueil des Nuits depuis la traduction de Galland jusqu’à nos jours, contraste radicalement avec des siècles de mépris lettré dans la culture arabe ; or, demande A. Kilito : « Comment aller à l’encontre du jugement de tant de siècles ? […] et si c’était nous les victimes d’une cécité pandémique qui nous pousse à les surestimer ? » Symétriquement, on apprend d’ailleurs que si l’édition, la diffusion et les commentaires ont effectivement connu un grand essor dans le monde arabe moderne, il a tout de même fallu attendre 1984 pour qu’y paraisse une édition cri- tique ; et que si la littérature vivante y fait des allusions, trouve en Shariar une figure allégorique de bien des tyrannies (politiques ou domestiques), ou encore en propose une réécriture contemporaine incisive (Naguib Mahfouz, Assia Djebar, Leila Sebbar et quelques autres), on n’y rencontre encore, selon lui, aucune œuvre témoignant d’un complicité comparable avec celle d’un Proust ou d’un Borgès. (Voir tout de même sur ce sujet : F. Ghazoul, Nocturnal Poetics, Le Caire, American UP , 1966.) Comptes rendus critiques R 227 D’une rencontre improbable en terre d’emprunt L’avant-propos de l’ouvrage relève que si pour les Arabes le fleuron de leur culture a toujours été la poésie, celle-ci a rarement été appréciée à sa valeur en Perse ou en Europe, alors que l’Occident semble unanime à considérer depuis longtemps que, s’agissant de l’art du récit, les Arabes « surpassent les autres nations en cette sorte de composition », comme l’écrit uploads/Litterature/ feeries-748.pdf

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