UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et litt

UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et littératures françaises et romanes ANNÉE ACADÉMIQUE 2007-2008 LA FÉMINISATION Féminisation des insultes et des gros mots CAUDRON Caroline POPULAIRE Julie Travail réalisé dans le cadre du cours : Grammaire descriptive II (Roma-B-304) 2 Introduction La féminisation des insultes et des gros mots est un sujet particulier qui peut sembler peu sérieux pour certains mais qui, à nos yeux, paraît intéressant : tout le monde jure, tout le monde s’insulte ; de Georges Brassens au capitaine Haddock, de Coluche aux personnages de Molière,… d’autant plus que ce sujet touche à la fois le domaine des linguistes, des psychologues, des grammairiens… C’est sur ce dernier point que nous allons particulièrement insister, c’est sous cet angle que nous allons diriger notre analyse. Tout d’abord, qu’est ce qu’une insulte, et pourquoi avoir choisi ce sujet ? Au XVIe siècle, l’insulte se définit comme une attaque. Aujourd’hui, le sens a évolué vers « Acte ou parole qui vise à outrager ou constitue un outrage, un affront, une injure, une offense »1. L’insulte a sans doute toujours existé, mais malheureusement nous ne connaissons que les plus récentes. Le gros mot et l’insulte sont de proches synonymes, ils s’adressent tous deux à quelqu’un en particulier et sont de nature blessante et méprisante. En exécutant nos recherches sur les gros mots, nous nous sommes aperçues qu’on associait souvent gros mot et français populaire, c’est parce qu’ils font partie de ce langage plus pittoresque, plus libre. Toutes les générations ont leurs propres insultes, mais elles sont parfois méconnues de l’une à l’autre. Aucun linguiste ne s’est encore penché sur cette branche de notre vocabulaire, aucun décret n’a été tenu à ce propos (cependant, on constate que les noms de métiers et de fonctions n’ont pas été négligés). C’est pourquoi il nous 1 Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française du IXe au XVe siècle, Paris, 1938, 4 v., 395 p. 3 intrigue d’autant plus. Nous allons tenter de vérifier si les règles de la féminisation du Bon usage de Grévisse s’appliquent aux insultes et aux gros mots. N’importe qui peut voir, au premier abord, qu’il existe de nombreux gros mots qui font exception aux règles de la féminisation, pourtant, dans les dictionnaires, ils sont traités comme des adjectifs ou des noms, ou encore les deux à la fois ; mais, certains n’ont pas de féminin, d’autres n’ont pas de masculin, certains encore n’ont pas la même signification dans un genre que dans l’autre, etc. C’est cette curiosité qui nous a poussées à aborder ce sujet « tabou ». On distingue deux grands types d’injures :  Le vocable isolé : connard, filou, chaudasse, boudin  La locution injurieuse : je t’emmerde, espèce de rabat-joie C’est sur le vocable isolé que se centrera notre travail. 4 1. La féminisation : généralités Déjà en 1981, certaines femmes appartenant au gouvernement voyaient en l’absence de certaines formes féminines un signe d’oppression et un obstacle au changement social. En effet, cela représentait pour elles un refus de l’accession des femmes à ces fonctions. En 1983 fut votée une loi sur « l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ». Au début de l’année 1998, plusieurs ministres femmes ont décidé de se faire appeler officiellement « Madame la ministre ». L’Académie française, vexée de ne pas avoir été mise au courant de ce changement, s’attaque à cette vague de féminisation auprès du Président de la République, lui faisant remarquer qu’ « il n’apparaît pas que les décrets d’attribution ministérielle confèrent aux ministres la capacité de modifier de leur propre chef la grammaire française et les usages de la langue »2. On chargea la Commission générale de terminologie et de néologie de trancher sur la question. Elle rédigea un long rapport qui sans doute ne plût pas au gouvernement puisqu’on n’en entendit jamais parler. 2. Le bon usage et les gros mots Nous avons choisi de prendre une grammaire, en l’occurrence celle de Grevisse3 et d’essayer d’adapter la féminisation des adjectifs et des noms aux gros mots et aux insultes. 2 http://www.ciep.fr/chroniq/femi/femi.htm 3 Grevisse Maurice, Le bon usage, « Grammaire française refondue par André Goosse », Paris, Duculot, treizième édition, 1757p. 5 Les gros mots et insultes présents dans ce travail seront tirés de trois dictionnaires :  Lemonier Marc, Le petit Dico des insultes, gros mots et autres injures, Paris, City édition, 2007, 211 p.  Édouard Robert, Dictionnaire des injures, Paris, Tchou éditeur, 1967, 337 p.  Gordienne Robert, Dictionnaire des mots qu’on dit grOs, de l’insulte et du dénigrement, Courtry, Éditions Hors commerce, 2002, 506 p. Intégration des observations dans Le bon usage Observation préliminaire : Selon la tradition, on part du masculin pour donner le féminin, parce que le masculin singulier est, pour les adjectifs (ainsi que pour les noms et les pronoms), la forme indifférenciée, neutralisée, comme l’infinitif pour les verbes. Exception : lorsqu’ il n’y a pas de masculin mais seulement le féminin, comment fait-on pour former le masculin, on supprime le « e » ajouté pour la forme féminine ? Les mots comme : pute, buse, bobonne, frigide, fripouille, groupie, marâtre, ventouse,… beaucoup ne possèdent pas de masculin, soit parce que certains noms ne peuvent que caractériser une femme (par exemple : marâtre, frigide) soit parce qu’il n’existe pas de masculin (ventouse), soit encore parce qu’un seul mot peut caractériser à lui seul l’homme ou la femme (fripouille). Règle générale : Dans l’écriture, on obtient souvent le féminin en ajoutant un e à la fin de la forme masculine. Abruti- abrutie 6 Ahuri- ahurie Balourd- balourde … Exception : comment fait-on pour les formes masculines qui ne possèdent pas de féminin comme pour les mots: goujat, gringalet, grison, guignol, ignare, impuissant, malfrat, plaisantin,… ? Doit-on alors recourir aux suffixes ? Par exemple dit-on gringalette ou encore goujatte ? Le mot impuissant ne peut que caractériser un homme par exemple. Comment peut-on expliquer le féminin de ignare -> ignarde alors que la finale masculine ne comprend pas de -d ? Du point de vue phonétique, les féminins qui, dans l’écriture, se caractérisent seulement par l’addition d’un e muet, 1° Tantôt sont identiques au masculin S’il se termine au masculin par une voyelle orale dan l’écriture Défoncé- défoncée Toqué Ŕ toquée Écervelé- écervelée S’ils se terminent au masculin par une consonne articulée Lourd Ŕ lourde 2° Tantôt se caractérisent par l’addition d’une consonne si le masculin se termine dans l’écriture par une consonne muette Idiot [ o]Ŕ idiote [ ot] Les adjectifs terminés par e au masculin ne varient ni dans l’écriture ni dans la prononciation quand ils sont employés au féminin. Gnome Débile Racaille 7 Fiente Cette règle est appliquée par exemple aux adjectifs « ivrogne », « sauvage » qui ont un féminin en Ŕesse quand ils sont pris comme des noms mais aussi pour les noms ayant un suffixe en Ŕaire comme par exemple : centenaire, lunaire… Hist. _ Dans les adjectifs de formation populaire, l’e final du masculin peut résulter du jeu des lois phonétiques. Dans d’autres cas, la forme féminine s’est substituée à la forme masculine. Dans beaucoup d’adjectifs de formation savante, -e a remplacé la finale Ŕ us, -is du latin : stupide ( brutus), bègue ( balbus),… En même temps que par l’addition d’un e, certains féminins se caractérisent, dans l’écriture par le redoublement de la consonne finale du masculin : Redoublement du l : 1° Pour les adjectifs en Ŕ el [εl] et en Ŕ eil [ εj] ainsi que pour nul : fiel , fielle Exception : et que fait-on des autres adjectifs qui se terminent autrement que par -el ou Ŕeil, il n’y a pas de redoublement ? Comme par exemple pour maboul Ŕ maboule. Redoublement du n : Pour les adjectifs en Ŕ en, - on : Chien- chienne , Con- conne, Dragon- dragonne, laideron Ŕ laideronne ; pigeon Ŕ pigeonne 8 EXCEPTION : dondon Ŕ dondone ;… Les autres adjectifs en Ŕ an, les adjectifs en Ŕ in , - ain, - ein, - un ne redoublent pas l’n : artaban Ŕ artabane, faquin Ŕ faquine, malandrin Ŕ malandrine, hautain Ŕ hautaine, … Remarque : Du point de vue de la prononciation, les adjectifs terminés au masculin par une voyelle nasale subissent deux modifications au féminin : apparition d’une consonne nasale [n] et dénasalisation de la voyelle. [õ] → [ο] : con Ŕ conne [ ε] a deux aboutissements : [ ε] dans les adjectifs terminés par Ŕ ain, _ ein, - en : hautain [ otε], hautaine [ otεn] [ i] dans les adjectifs terminés par Ŕ in : faquin [ε ] Ŕ faquine [ in Redoublement du t : 1° Pour les adjectifs en Ŕ et : benêt - benette 2° Pour les adjectifs : fiot , sot , cabot , fayot », : fiotte, sotte, cabotte, fayotte Les autres adjectifs en Ŕ ot et les adjectifs en at ne redoublent pas le t : fat, fate ; idiot, idiote ; nabot, nabote Exception : uploads/Litterature/ feminisation-insultes-et-gros-mots.pdf

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