19FRLIG11 page 1/7 FRANÇAIS (Série L) Durée : 4 heures Coefficient : 3 Note aux
19FRLIG11 page 1/7 FRANÇAIS (Série L) Durée : 4 heures Coefficient : 3 Note aux candidats : Vous lirez soigneusement les quatre textes ci-joints. Vous répondrez ensuite à la question et enfin, vous choisirez l’un des trois travaux d’écriture proposés. Toutes vos réponses devront être rédigées et organisées. Dès que ce sujet vous sera remis, assurez-vous qu’il est complet. Ce sujet comporte 7 pages numérotées de 1/7 à 7/7. BACCALAURÉAT GÉNÉRAL Session 2019 L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé 19FRLIG11 page 2/7 OBJET d’ÉTUDE : Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours CORPUS : Texte A : Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes, 1913. Texte B : G. Limbour, Les Vanillers, 1938. Texte C : J.M.G. Le Clézio, Le Chercheur d’or, 1985. Texte D : P. Modiano, L’Horizon, 2010. 19FRLIG11 page 3/7 Texte A : Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes, 1913. Le roman commence par l’arrivée de la famille du personnage-narrateur à Sainte-Agathe, où le père, instituteur, vient d’être affecté. Le hasard des « changements », une décision d’inspecteur ou de préfet nous avaient conduits là. Vers la fin des vacances, il y a bien longtemps, une voiture de paysan, qui précédait notre ménage, nous avait déposés, ma mère et moi, devant la petite grille rouillée. Des gamins qui volaient des pêches dans le jardin s’étaient enfuis silencieusement par les trous de la haie… Ma mère, que nous appelions Millie, et qui 5 était bien la ménagère la plus méthodique que j’aie jamais connue, était entrée aussitôt dans les pièces remplies de paille poussiéreuse, et tout de suite elle avait constaté avec désespoir, comme à chaque « déplacement », que nos meubles ne tiendraient jamais dans une maison si mal construite… Elle était sortie pour me confier sa détresse. Tout en me parlant, elle avait essuyé doucement avec son mouchoir ma figure d’enfant 10 noircie par le voyage. Puis elle était rentrée faire le compte de toutes les ouvertures qu’il allait falloir condamner pour rendre le logement habitable… Quant à moi, coiffé d’un grand chapeau de paille à rubans, j’étais resté là, sur le gravier de cette cour étrangère, à attendre, à fureter petitement autour du puits et sous le hangar. C’est ainsi, du moins, que j’imagine aujourd’hui notre arrivée. Car aussitôt que je 15 veux retrouver le lointain souvenir de cette première soirée d’attente dans notre cour de Sainte-Agathe, déjà ce sont d’autres attentes que je me rappelle ; déjà, les deux mains appuyées aux barreaux du portail, je me vois épiant avec anxiété quelqu’un qui va descendre la grand’rue. Et si j’essaie d’imaginer la première nuit que je dus passer dans ma mansarde, au milieu des greniers du premier étage, déjà ce sont d’autres nuits 20 que je me rappelle ; je ne suis plus seul dans cette chambre ; une grande ombre inquiète et amie passe le long des murs et se promène. Tout ce paysage paisible — l’école, le champ du père Martin, avec ses trois noyers, le jardin dès quatre heures envahi chaque jour par des femmes en visite… — est à jamais, dans ma mémoire, agité, transformé par la présence de celui qui bouleversa toute notre adolescence et 25 dont la fuite même ne nous a pas laissé de repos. 19FRLIG11 page 4/7 Texte B : G. Limbour, Les Vanillers, 1938. Dans une chambre où elle est alitée en raison d’une maladie, une femme est troublée par un parfum inconnu. Elle fouille dans un tiroir pour en trouver la source. Cependant, parmi tout ce bric-à-brac, collaient aux plumes, aux poils du manchon1, de longues choses sales qu’elle ne reconnaissait pas. Elle avait beau chercher, non, elle ne se rappelait pas avoir jamais porté ces sortes de bigoudis poisseux, tant de bigoudis noirs et gras comme des peignes jamais nettoyés. Elle en prit un avec répulsion, le plia entre ses doigts, le cassa et en fit couler une purée 5 odoriférante et noirâtre. C’était donc cela, le parfum ! Elle éprouvait un vertige comme lorsque enfant elle respirait des senteurs nouvelles et il lui semblait qu’un grand trou qu’elle ne pouvait combler, s’ouvrait dans sa mémoire. Il était là, le parfum, paisiblement couché comme un animal inconnu endormi dans sa fourrure chaude et qu’elle craignait d’éveiller en le 10 caressant de la main, mais qui relevait la tête et la regardait avec une familiarité qui l’effrayait, car elle ne l’avait jamais rencontré. Elle promenait avec plaisir sous son nez l’extrémité de ses doigts. Que pouvaient bien être ces curieux bâtonnets ? de petits serpents embaumés, de grandes chenilles confites ou de ces longs pleurs qu’on voit mélancoliquement pendre aux arbres ? peut- 15 être la petite fille les avait-elle jetés là depuis longtemps ? Elle en prit quelques-uns, se releva péniblement et se recoucha. Vers le soir, comme le jardin prenait une ardente teinte rouge et que le monde semblait un immense gong de cuivre sur lequel le soleil frappait un coup d’une violence infernale, le prélude de la danse indienne, elle se souvint subitement de ces vilaines 20 gousses bêtes comme des haricots verts qu’elle détachait machinalement, à la lisière de la forêt, d’arbustes dont elle ne connaissait pas le nom et qu’elle cassait pour en jeter les morceaux sur le chapeau de son mari qui l’agaçait. Elles avaient macéré dans le vinaigre du temps, au fond du tiroir aux souvenirs où elles avaient pris la teinte des dents cariées. 25 Maintenant, complice de l’odeur qui rôdait dans la chambre, elle était heureuse comme une sorcière qui vient de découvrir un philtre, cependant que, satisfait d’être reconnu, le parfum se retirait de ses sens fatigués et s’évanouissait avec discrétion. 1 manchon : fourrure servant à protéger les mains du froid. 19FRLIG11 page 5/7 Texte C : J.M.G. Le Clézio, Le Chercheur d’or, 1985. Il y a aussi la voix de Mam. C’est tout ce que je sais d’elle maintenant, c’est tout ce que j’ai gardé d’elle. J’ai jeté toutes les photos jaunies, les portraits, les lettres, les livres qu’elle lisait, pour ne pas troubler sa voix. Je veux l’entendre toujours, comme ceux qu’on aime et dont on ne connaît plus le visage, sa voix, la douceur de sa voix où il y a tout, la chaleur de ses mains, l’odeur de ses cheveux, sa robe, la lumière, l’après- 5 midi finissant quand nous venions, Laure et moi, sous la varangue1, le cœur encore palpitant d’avoir couru, et que commençait pour nous l’enseignement. Mam parle très doucement, très lentement, et nous écoutons en croyant ainsi comprendre. Laure est plus intelligente que moi, Mam le répète chaque jour, elle dit qu’elle sait poser les questions quand il le faut. Nous lisons, chacun son tour, debout devant Mam qui se 10 berce dans son fauteuil à bascule en ébène. Nous lisons, puis Mam interroge, d’abord sur la grammaire, la conjugaison des verbes, l’accord des participes et des adjectifs. Ensuite elle nous questionne ensemble, sur le sens de ce que nous venons de lire, sur les mots, les expressions. Elle pose ses questions avec soin, et j’écoute sa voix avec plaisir et inquiétude, parce que j’ai peur de la décevoir. J’ai honte de ne pas comprendre 15 aussi vite que Laure, il me semble que je ne mérite pas ces instants de bonheur, la douceur de sa voix, son parfum, la lumière de la fin du jour qui dore la maison et les arbres, qui vient de son regard et de ses paroles. […] Pourtant, je ne pourrais pas dire aujourd’hui ce qu’était vraiment cet enseignement. Nous vivions alors, mon père, Mam, Laure et moi, enfermés dans notre 20 monde, dans cet Enfoncement du Boucan limité à l’est par les pics déchiquetés des Trois Mamelles, au nord par les immenses plantations, au sud par les terres incultes de la Rivière Noire, et à l’ouest, par la mer. Le soir, quand les martins2 jacassent dans les grands arbres du jardin, il y a la voix douce et jeune de Mam en train de dicter un poème, ou de réciter une prière. Que dit-elle ? Je ne sais plus. Le sens de ses paroles a 25 disparu, comme les cris des oiseaux et la rumeur du vent de la mer. Seule reste la musique, douce, légère presque insaisissable, unie à la lumière sur le feuillage des arbres, à l’ombre de la varangue, au parfum du soir. […] Mam est belle en ce temps-là, je ne saurais dire à quel point elle est belle. J’entends le son de sa voix, et je pense tout de suite à cette lumière du soir au Boucan, 30 sous la varangue, entouré des reflets des bambous, et au ciel clair traversé par les bandes de martins. Je crois que toute la beauté de cet instant vient d’elle, de ses cheveux épais et bouclés, d’un brun un peu fauve qui capte la moindre étincelle de lumière, de ses yeux bleus, de son visage encore si plein, si jeune, de ses longues mains fortes de pianiste. 35 1 Dans l’océan indien, une varangue uploads/Litterature/ franc-ais-l-g1.pdf
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- Publié le Mai 12, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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