À lire également en Que sais-je ? COLLECTION FONDEE PAR PAUL ANGOULVENT Philipp
À lire également en Que sais-je ? COLLECTION FONDEE PAR PAUL ANGOULVENT Philippe Moreau Defarges, La Mondialisation, n o 1687. François-Charles Mougel, Séverine Pacteau, Histoire des relations internationales, de 1815 à nos jours, n o 2423. Claude Mollard, L’Ingénierie culturelle, n o 2905. Patrick Savidan, Le Multiculturalisme, n o 3236. Pascal Ory, L’Histoire culturelle, n o 3713. Alexandre Defay, La Géopolitique, n o 3718. ISBN 978-2-13-080841-1 ISSN 0768-0066 Dépôt légal – 1 re édition : 2013, mars 2 e édition : 2018, février © Presses Universitaires de France / Humensis, 2018 170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. INTRODUCTION I. – Pourquoi la mondialisation culturelle ? Aujourd’hui, dans l’actualité quotidienne du travail ou du loisir, personne ne semble échapper à la mondialisation sous ses diverses facettes. Ce mot attrape-tout présente en effet le mérite de désigner l’expérience universelle et protéiforme « d’extension et d’intensification à l’échelle du monde des relations sociales » (Anthony Giddens). Cependant, la mondialisation a surtout inspiré les économistes 1, les spécialistes de géopolitique 2 quand le monde a semblé se réunifier après 1989, voire les anthropologues conscients, depuis les années 1960 (Lévi-Strauss notamment et ses préoccupations alors devant l’explosion démographique), d’une planète en complet mouvement. Or, la mondialisation culturelle aux XIXe et XXe siècles, révélée, par exemple, par l’extension planétaire des échanges scientifiques et des migrations touristiques ou par le déploiement de grands événements sportifs, reste relativement peu décrite de manière synthétique. Chaque spécialiste (étude des médias, des religions, des arts, des sciences, etc.) accomplit légitimement sa part de description et d’analyse au sein de son domaine propre. Mais une perspective générale semble nécessaire pour faire converger tous ces traits culturels dispersés et en tirer un tableau d’ensemble. Non que nous ayons pourtant une interprétation d’ensemble commode à fournir. L’explication monocausale de la mondialisation culturelle depuis les années 1980 par le surgissement d’un « capitalisme flexible » (David Harvey) est séduisante, quoique vague et incertaine : il n’existe pas de primauté d’un facteur causal économique sur un autre, mais des relations réciproques entre facteurs et des décalages perpétuels entre eux. Mondialisation culturelle et expan- sion capitaliste ne se confondent pas : le marché ne constitue qu’une modalité de l’échange parmi d’autres. Toutefois, les deux processus peuvent coïncider, voire parfois se recouper fortement (le capitalisme favorise l’individuation via le salariat et la consommation au détriment des solidarités de réciprocité ou de redistribution) ou plus incidemment (la concurrence sur les technologies de l’information en abaisse les coûts et favorise donc les communications de masse), mais aussi diverger (les migrations de travail sont souvent freinées contrairement à la mondialisation financière). La compression du monde produite par les technologies a débouché en tout état de cause sur l’intensification de la conscience de vivre dans un monde « unique ». C’est l’analyse de cette nouvelle unicité culturelle et de son imaginaire qui structure les comportements que nous placerons au cœur de l’ouvrage. Elle s’appréhende aussi bien sur les terrains de la haute culture (idéologies laïques, religions, arts et sciences) que sur ceux de la culture quotidienne (mœurs alimentaires, consommation des médias, loisirs). Regarder une chaîne télévisée étrangère, faire ses études à l’étranger (Erasmus depuis 1987), accomplir régulièrement des voyages lointains, apprécier localement les talents de grands artistes qui œuvrent et exposent un peu partout dans le monde, telles sont quelques-unes des pratiques culturelles qui dessinent aujourd’hui une « modernité de grand large » 3 selon l’anthropologue Arjun Appadurai. II. – Une ou plusieurs « mondialisation(s) » ? Toutefois, la mondialisation, entendue au sens très général de liaisons et de circulations entre des zones géographiques plus ou moins lointaines, est un processus historique très ancien et aux visages successifs. Ce livre veut précisément différencier du phénomène actuel de mondialisation ce qui a toujours existé dans l’histoire, notamment dans la vie des grands empires (hellénistique, romain, musulman, chinois, espagnol), portés par des grands flux d’échanges (économico-culturels, politico-culturels) et par de vastes circulations de savoirs et de croyances. Ces rencontres se réalisaient à basse intensité, aux pas du chameau et du cheval ou selon les aléas des courants marins pour la jonque, la caravelle ou le trois-mâts (l’expédition de Magellan dura trois ans [1519-1522] au début du XVIe siècle tout comme celle de James Cook dans la seconde moitié du XVIIIe siècle). L’élément radicalement nouveau d’intensification des échanges s’est produit d’abord au début du XIXe siècle (première mondialisation-globalisation), puis à la fin du XXe siècle (seconde mondialisation-globalisation). Aussi, afin de clarifier cette distinction de fond, nous recourons au choix d’un vocabulaire différencié afin d’opposer ce qui est, d’une part, le phénomène ancien de la « mondialisation » au sein de l’espace eurasiatique, mais qui se trouve examiné systématiquement depuis seulement vingt à trente ans par une historiographie désormais moins occidentalo-centrée 4, aiguillonnée incontestablement par le climat intellectuel créé par l’actuelle globalisation. Et d’autre part, nous avons le phénomène inédit, depuis presque deux cents ans, de la « mondialisation-globalisation ». Le terme anglais de globalization sera donc partiellement repris pour désigner la situation d’un monde désormais très largement interconnecté sous trois aspects clés : intensité des liaisons et constitution d’un univers de la mobilité, échelle unique des pratiques (un événement au Bangladesh comme le microcrédit a eu son écho immédiat en Norvège dans quelques villages de pêcheurs), organisation des relations en réseaux denses (réseaux diasporiques, scientifiques, entrepreneuriaux). Un mot de Paul Valéry au début du XXe siècle, banal et définitif, « rien ne se fera plus que le monde entier ne s’en mêle », désignait déjà la mutation en cours. Là où jadis on avait affaire à de la diffusion culturelle, on parlera dorénavant d’interconnexion étroite et de monde réticulé. Cette omniprésence du terme « réseau » dans la vie contemporaine renvoie à ce que le sociologue Marcel Mauss appelait un « fait social total » : le terme réseau exprime d’un coup toute la structure plus ou moins cachée du réel, tant dans l’économie que dans l’univers socioculturel. Ainsi, alors que le XVIe siècle européen avait certes conçu l’imaginaire du monde unique avec le globe terrestre (projection de Mercator en 1569), il faudra attendre les câbles sous-marins, au milieu du XIXe siècle, pour permettre de relier véritablement les espaces du monde. En 1871, en trois minutes, Londres et Calcutta furent mises en contact, et la seconde apprit de la première les résultats du Derby d’Epsom. Avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication à la fin du XXe siècle, le sentiment d’appartenir à un même monde a encore gagné en intensité : on le sait, avec les médias interconnectés, le monde est devenu un « village » (Mac Luhan) où le soleil ne se couche jamais quand institutions (les Bourses interconnectées) ou parti- culiers tournent sans cesse sur les gonds de la technologie électronique. III. – Les interprétations de la mondialisation- globalisation On l’a signalé plus haut, mais évoquer l’univers financier conduit certains analystes à imputer les traits de l’actuelle mondialisation- globalisation culturelle aux agissements du capitalisme « flexible ». Ce monde nouveau est dépeint parfois sous les traits de l’uniformité la plus achevée, celle de la « cocacolonisation » ou du Mcworld (Benjamin Barber) qui contracte les deux entités McDonald et de Macintosh (Apple). Pour d’autres, l’accent est mis, à l’inverse, sur les phénomènes de balkanisation culturelle, voire de « choc des civilisations » (Samuel Huntington). Nous avons choisi de mettre l’accent sur toutes les interprétations qui s’efforcent de proposer une analyse d’ensemble. Analyses en termes de convergence, de choc des civilisations, d’impérialisme, d’hybridation ou de « glocalisation » (mélange du global et du local), ces cinq interprétations, dont chacune apporte des éléments intéressants, nous permettront de mesurer véritablement effets et impacts de cette vaste interconnexion culturelle de l’univers afin de cerner les types de pratiques sociales ou de subjectivités engendrés par la mondialisation-globalisation. Pour ce faire, l’ensemble des sciences sociales sont convoquées à la table de travail, l’histoire bien sûr dans toutes ses dimensions, mais aussi la sociologie, l’anthropologie ou la géographie. CHAPITRE I HISTOIRE DES MONDIALISATIONS AVANT 1820-1840 : MONDIALISATION ARCHAÏQUE ET PROTOMONDIALISATION Le processus de la mondialisation existe depuis que l’homme est entré dans l’histoire, au moment où la construction de systèmes politiques, économiques, religieux, techniques et culturels supralocaux engendre toute une série de décloisonnements. On a pu dater l’origine de cette première dynamique mondiale, dite « mondialisation archaïque », de l’âge du bronze, à partir de 4000 av. J.-C. jusqu’au début du XVIIe siècle. Bien sûr, au sein d’une aussi longue période temporelle, guerres et épidémies contribuent régulièrement à entraver ou freiner les interactions. Cependant, des flux d’échanges et d’emprunts culturels se généralisent dans ce vaste espace eurasiatique où l’usage du papier, l’imprimerie ou la fabrication de la soie passèrent d’est en ouest alors que la fabrication du verre ou l’utilisation de la perspective en peinture firent le trajet inverse. Vient ensuite la « proto- mondialisation » jusqu’à la fin XVIIIe siècle caractérisée par une emprise croissante des États européens sur le monde 1. À chacune de ces uploads/Litterature/ francois-chaubet-la-mondialisation-culturelle-jericho.pdf
Documents similaires
-
19
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 23, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.7640MB