Ree. Se. ph. ih. 72 (1988) 605-829 BULLETIN DE PATROLOGIE par G.-M. de Durand A
Ree. Se. ph. ih. 72 (1988) 605-829 BULLETIN DE PATROLOGIE par G.-M. de Durand Alexandrins. - Depuis qu'il a figuré presqu 'immédiatement apôtres et les disciples dans un certain De viris illusiribus , Philon a certainement droit à une place en tête d'une chronique dédiée à des ouvrages patristiques ou patrologiques. Ce n'est pas toutefois du côté des successeurs, essentiellement chrétiens on le sait, du juif alexandrin que regarde le livre de R. Goulet1. Bien plutôt il se met en quête de prédécesseurs éventuels; et il en découvre qui sont de taille. La thèse, car c'est vraiment une thèse au plein sens du terme, soutenue ici est en effet celle de l'existence d'un commentaire cursif du Pentateuque (et jusqu'à preuve du contraire de lui seul (p. 518) entre les livres sacrés juifs) antérieur à Philon. Le texte biblique y était suivi pas à pas : peu ou point de rapprochements étaient opérés avec des passages éloignés. Chaque détail faisait l'objet d'une transposition allégorique. Lorsqu'un développement est construit à l'aide de versets pris çà et là, lorsque certains traits sont ou passés sous silence ou bien utilisés au sens littéral, R.G. voit là des interventions personnelles de Philon (cf. p. 418, 119 et aussi 440). Force était bien en effet à ces exégètes de tout transposer, car la littéralité du texte était à leurs yeux sans valeur, systématiquement dépréciée en outre par eux pour ses absurdités et incongruités en vertu de cette méthode dont J. Pépin a souligné mieux que personne la présence presque constante chez les allégoristes2. Le produit cherché et obtenu n'était pas une synthèse philosophique totalement cohérente, mais le dégagement insistant d'un certain nombre de grands thèmes soit moraux soit métaphysiques en relation vitale avec la problématique et les prises de position courantes chez les penseurs grecs de la même époque, soit la fin de la période hellénistique ; aussi R.G. parle-t-il du «syncrétisme philosophique» de cette source de Philon (cf. p. 387 et déjà p. 170, n. 5). Sans représenter donc un système, ce corps de 1. Richard Goulet, La Philosophie de Moïse , Essai de reconstitution d'un commentaire philosophique préphilonien du Pentateuque. Paris, Vrin (coll. «Histoire des doctrines de l'Antiquité classique» 11), 1987; 16 x 24, 621 p. 2. A ce propos R.G. nous remet en mémoire, p. 318-319 une très curieuse anecdote rapportée par Philon. Il s'agit apparemment d'un exégète qui aurait accompli sur un ton trop sarcastique cette première démarche de l'exégèse allégorique dans le cas des changements de noms et dont l'irréligion avait été sanctionnée par un suicide. Si le récit, véridique ou romancé qu'importe, vise vraiment l'un des auteurs de la source allégorisante de Philon, il dénoterait chez ce dernier une attitude beaucoup plus réprobatrice à l'endroit de ses prédécesseurs que ne l'indique la peinture des Thérapeutes. 606 G.-M. DE DURAND doctrine dénotait pourtant des tendan sinon l'hédonisme, en éthique et vers l valeur des biens extérieurs et corporels é tenus à une place subordonnée, ils fai bonheur de l'homme (cf. p. 155 et 226 dégénérescences d'émotions parfaitemen sage n'avait donc à viser qu'à la métriopathie. D'autre part, dûment allégorisé, le Dieu biblique se réduisait à une Raison droite «principe rationnel transcendant (mais par rapport aux individus humains, sans doute, plutôt qu'au cosmos) et universel du comportement humain» (p. 154), à un symbole du monde intelligible (p. 499). Cette construction que R.G. incline à trouver géniale, un tout petit peu peut-être parce que c'est sa découverte, mais davantage à cause de l'ampleur du projet3, serait l'œuvre d'un groupe plutôt que d'un individu, et ce groupe pourrait être identifié au moins avec un fort degré de probabilité à celui des Thérapeutes (p. 528). Les traits plus religieux disséminés dans la description du De vita contemplativa ne seraient qu'un de ces repeints innombrables pratiqués par Philon. Car celui-ci aurait eu avec les auteurs du commentaire cursif des contacts assez personnels pour qu'il reçût communication d'une œuvre semi-clandestine et pour qu'il soit profondément impressionné par cette vaste entreprise. Aussi quand après une phase où il ne rêvait que d'être un philosophe parmi d'autres (p. 557, mais d'obédience platonicienne et n'est-ce pas déjà un léger décalage par rapport aux «Thérapeutes» ou « Allégoristes»?), il est revenu à un sentiment plus aigu de la spécificité de la religion de ses pères (et R.G. n'hésite pas à lâcher le mot de «conversion», p. 562), Philon a-t-il commencé par se fixer une tâche d'apologète; moyennant quoi il s'est trouvé enserré dans des règles de jeu déterminées par autrui (p. 87). Il a cherché à prouver par la pratique que la méthode d'exégèse utilisée par ses maîtres et amis pouvait être employée avec des résultats moins délétères pour la valeur religieuse des livres mosaïques que ceux atteints dans le Commentaire. Il a pensé néanmoins pouvoir conserver de nombreux éléments de ce dernier à condition d'opérer constamment des retouches. D'où le caractère extraordinairement sinueux de ses développements qui dérivent dans le sens platement moralisant indiqué le plus souvent par ses prédécesseurs jusqu'au moment où il tente de redresser la barre vers des explications plus empreintes de piété. Maintes fois aussi à cette occasion il réintroduit des interprétations littéralistes, vu que pour lui «l'allégorie n'est pas la condition sine qua non d'une lecture intelligente de la Bible» (p. 504). Un cas majeur est celui d' Exode 3,14 , où pour R.G. Philon est 3. Cette haute estime doit être basée en partie sur l'affirmation (p. 351) que «l'allégorie des Physiciens était une construction savante qui décelait une progression dans l'histoire générale d'Israël et savait rattacher aux différents livres du Pentateuqu les étapes d'une thématique d'ensemble.» Cf. aussi p. 377, n. 1 : par rapport à cett exégèse d'un très haut niveau intellectuel, l'œuvre conservée de Philon n'est qu'un parodie. On est donc pleinement justifié de démolir cette bicoque pour retrouver les soubassements classiques grandioses qulelle occulte : p. 295. Si amusante que soit la comparaison imaginée par R.G., on peut se consoler encore en pensant que les dégâts créés par lui ne sont pas aussi irréversibles que ceux commis par les archéologues. Mai on voudrait être plus sûr que ces infrastructures puissantes existaient bien réellement, alors que Philon n'atteste guère que des exégèses de détail. La mise en relief de ce que l'on appelle souvent dans les commentaires antiques un scopos (auquel équivaut probablement le mot kephalaion employé dans la note de la p. 376) va-t-elle de soi dan une œuvre qui nous est présentée comme suivant le texte pas à pas, plutôt qu'elle ne prend un coup d'œil d'ensemble? BULLETIN DE PATROLOGIE 607 toujours revenu à l'événement de révélation histor que le commentaire antérieur avait dû opérer une totale «au profit d'une conception purement o (p. 357). Un autre exemple de rectification fon Logos, rétrogradé du rang suprême au rôle d'inter des traces de ses origines grecques plutôt que réelle tel point de départ incontournable des adaptat n. 3). A la longue cependant, et plus exactement ap de la Genèse4, Philon se serait lassé, il aurait c Commentaire. Aussi nos données sur celui-ci s'effi s'acharne à en suivre les traces le plus loin possi qu'on pourra juger un peu trop poussé, mais qu portrait spirituel de Philon, campé fermement V Explication des saintes lois et de manière plu Quaestiones , Philon juxtapose les exégèses littér ce Philon, en somme, que les Pères prennent la dit que de cette ouverture sur l'avenir R.G. ne s pathétique, car il a fait, douloureusement sans depuis par tant de fils d'Israël de son altérité nations, et secondairement aussi parce qu'il s'est passablement vaine de récupération d'une œuvre do fait beaucoup diminuer l'importance6, le Philon pr un penseur d'envergure («il n'y a pas de philoso idées» déclare R.G., p. 566, par une utilisation plut formules). Même ses affirmations au sujet de l'inco plutôt réaction pietiste viscérale que doctrine cohé ble (p. 390). La perspective du présent ouvrage ailleurs de mettre en lumière cette valeur reli particulièrement enclin à être sensible aujourd'hui. convictions pouvait-elle de toute manière redim bricolage qu'on nous fait découvrir ici?6 Après la considérable réduction de stature infligé R. Goulet, on est tout disposé à se demander com homme a pu exercer tant d'influence sur ses succe juifs d'ailleurs. Mais encore faut-il mesurer exactement cet ascendant. Annewies van den Hoek s'applique à la tâche à propos d'un cas majeur, 4. Dans les Quaestiones R.G. pense retrouver les traces d'une section perdue du Commentaire, qui se serait intéressé aussi aux passages généalogiques (p. 227) et dans le commentaire de Didyme sur la Genèse , il signale une ou deux références qui ne renvoient à rien dans l'œuvre conservée de Philon et dont l'une pourrait se rapporter à un traité portant là encore sur des généalogies : p. 12, n. 4. 5. Cette très faible diffusion du Commentaire, admise par R.G. lui-même (cf. dernière phrase de la p. 531), ne va pas, à vrai dire dans le sens de sa thèse : pourquoi ne pas laisser disparaître sans attirer l'attention sur lui un ouvrage en fait uploads/Litterature/ g-m-de-durand-bulletin-de-patrologie-pdf 1 .pdf
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- Publié le Jul 28, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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