Ghaleb Bencheikh : Le Coran ne raconte absolument pas la vie du Prophète Mahome
Ghaleb Bencheikh : Le Coran ne raconte absolument pas la vie du Prophète Mahomet [Interview] Le Coran. Beaucoup en parlent, sans jamais l’avoir ni étudié ni lu, y compris des musulmans. Avec le livre le Coran expliqué, de Ghaleb Bencheick, l’auteur propose une lecture guidée du Coran : il délivre l’histoire, les mots-clés, les grands récits et les grands principes de ce texte fondateur de la religion musulmane. Vivant, il repose sur de nombreuses citations et il permet de comprendre les positions du Coran sur les principales questions de société. Ghaleb Bencheick, fils du Cheikh Abbas Bencheikh el Hocine, recteur de la Grande Mosquée de Paris de 1982 à 1989 tient une chronique hebdomadaire sur France Culture est islamologue. « J’essaie de tenir un discours rationnel et intelligent sur le fait islamique. Cela dépasse le cadre de la théologie stricte. C’est au-delà. Je souhaite que pour la France, qu’il y ait des universités qui l’enseignent, et la France aura ainsi l’Islam qu’elle mérite. Un Islam de beauté, d’intelligence, d’humanisme… à défaut elle aura un Islam d’épouvante et de barbarie et de médiocrité. Il est également connu pour animer, « Questions d’islam », le dimanche, de 7 h 5 à 8 h, sur France Culture. À l’occasion de la sortie de son livre, nous l’avons interrogé, sur le Coran, sur l’islam, sur quelques questions qui dérangent en France. Entretien. Breizh-info.com : Pourquoi avoir écrit ce livre, Le Coran expliqué ? Ghaleb Bencheikh : C’est une commande de mon éditeur (Eyrolles). Nous en sommes à la deuxième édition (il a été épuisé à 10 000 exemplaires). Cette édition a été légèrement remaniée, augmentée, réactualisée. Mais est-ce que le Coran est réellement fait pour être expliqué ? C’est en effet la vie du prophète Mahomet, et par définition, personne ne peut savoir si ce qui y est raconté est authentique… Le Coran n’est pas fait pour être expliqué, mais médité, interprété, compris, relu, récité. Le titre n’est pas de moi. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne raconte absolument pas la vie du prophète Mahomet. Il n’y est cité que quatre fois, au plus. Étonnement, Moïse et Jésus sont cités beaucoup plus. Marie également. Ce n’est pas le récit de la vie du Prophète. Pour les croyants et les croyantes de l’islam, c’est Dieu qui s’adresse aux hommes via un messager, qui se trouve être un homme, le Prophète. Il y a beaucoup de choses dans le Coran, c’est pour ça que l’idée était de le présenter d’une manière froide, apaisée, calme, objective, distanciée. En Europe, cela a été fait dès le XII siècle, avec l’Abbé de Cluny, Pierre le Vénérable. Breizh-info.com : Pouvez-vous nous parler des différentes interprétations du Coran, qui ont mené au sunnisme, au chiisme, au wahhabisme, au soufisme… ? Comment est-ce qu’on s’y retrouve ? Ghaleb Bencheikh : Un texte, a fortiori lorsque l’auteur n’est plus là et lorsqu’on n’a ni ponctuation ni ton, ça se comprend. Qui dit comprendre dit interpréter. Si on devait uniquement se baser sur le texte, il y a différentes compréhensions. C’est ce qu’on appelle l’amphibologie (lorsqu’une phrase dit une chose et son contraire). Si je dis « je loue un appartement », on ne sait pas si je suis le bailleur ou le locataire. Si je dis « l’hôte a honoré son hôte ». On ne sait pas qui invite et qui est invité… Des exemples de phrases équivoques. Dans toutes les langues, dans tous les textes, dans tous les discours, il y a ce type de passages, et le Coran n’y échappe pas. Surtout après la mort du prophète, il va y avoir lieu à des interrogations, à des incompréhensions. Cela explique ces différentes écoles. Un texte vivant comme celui-là s’interprète au fil du temps. Indépendamment de cela, il y avait aussi des considérations de gestion des affaires de la cité. C’est la commanderie des croyants comme on dit. Certains pensent qu’il faut un successeur au Prophète. Certains pensent que cela doit être sur le plan religieux comme politique, d’autres pensent que c’est uniquement sur le plan politique (profane), car la révélation est interrompue avec la mort du prophète. Voilà encore un cas de discussion. Cela explique la question des chiites et des sunnites. Les chiites sont les partisans d’Ali, le gendre et cousin du Prophète. Ils pensaient qu’il vaut mieux que la direction des affaires de la communauté reste dans la famille. Les sunnites (ceux qui suivent la tradition) ne veulent pas d’une affaire dynastique. Le Soufisme, ce sont les mystiques. Les spirituels. Le Wahhabisme est venu bien plus tard, au 18e siècle. Cela porte le nom d’Ibn Abdel Wahab. Il s’agit d’une réforme plutôt rigoriste, obscurantiste, rétrograde, une vision drastique de la religion. Breizh-info.com : Aujourd’hui, les Français se posent de nombreuses questions à propos de l’islam et de certaines prescriptions qui seraient contenues dans le Coran. Est-ce qu’il condamne l’homosexualité ? Ghaleb Bencheikh : Que nos concitoyens français se posent des questions est bien normal. Si on en arrive à tuer au nom de ce Coran il vaut mieux se poser des questions. Oui, hélas j’ai envie de dire, le Coran condamne l’homosexualité. « Ne pratiquez pas l’œuvre des gens de l’hôte, c’est une abomination ». Ce qu’on oublie c’est que le Coran se veut le continuateur de la Torah, et de l’Évangile. Ce n’est pas une nouveauté. On en a tiré ensuite à travers l’histoire que l’homosexualité était une abomination ; de nos jours, les progressistes disent que c’est un discours qu’il faut relativiser à son contexte. Mais les salafistes, les radicaux, pensent que les homosexuels sont quelque chose d’abominable. Mais encore une fois, ce n’est pas qu’islamique ou coranique, c’est dans la continuité de ce qu’il y a dans les deux traditions religieuses ayant précédé. Breizh-info.com : Quelle est la place de la femme en islam, selon le Coran ? Ghaleb Bencheikh : Vous faites bien de dire selon le Coran. L’histoire de la burka par exemple, du voile intégral, de l’excision n’est pas coranique, par exemple. Moi je distingue le niveau ontologique du niveau juridique. Niveau ontologique, l’homme et la femme sont égaux. Au niveau de la dignité de l’être humain. Ils procèdent d’une même âme unique, c’est Dieu qui les a créés… En revanche, sur l’approche juridique, il y a une minorité, inacceptable de nos jours. Au niveau de l’héritage, on donne deux parts pour l’homme, une pour la femme. Au niveau du témoignage, il y a deux femmes qui témoignent pour un homme. La polygamie (virtualité) est autorisée, même limitée à quatre épouses. De nos jours, dans nos sociétés sécularisées, démocratiques, le droit, qui est une émanation rationnelle des hommes, doit être une émanation des hommes. On n’applique pas ce qui a été valable à un moment donné. C’était un progrès à l’époque que la femme puisse avoir un héritage de la moitié de l’homme. Aujourd’hui ce n’est plus acceptable. Il y a lieu, en contexte islamique, ou chez les théologiens, de progresser, d’évoluer, de faire un travail de réforme. Il n’y a pas lieu de transiger. Si nous sommes dans nos sociétés européennes, il y a simplement lieu d’appliquer la loi, et pas la loi sacrée ou coranique. Breizh-info.com : Est-ce que le Coran condamne bien le fait de renier sa religion pour une autre (apostasie) ? Ghaleb Bencheikh : Aussi étonnant que cela puisse l’être, même s’il y a des passages durs contre les renégats, les mécréants, celui qui veut changer sa religion le peut, coraniquement parlant. Ce sont les hommes qui condamnent à mort l’apostat. Pourtant, le verset 54 sourate 5 dit « Ô les croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion… Allah va faire venir un peuple qu’il aime et qui l’aime, modeste envers les croyants et fier et puissant envers les mécréants, qui lutte dans le sentier d’Allah, ne craignant le blâme d’aucuns blâmeur. Telle est la grâce d’Allah. Il la donne à qui il veut. Allah est immense et omniscient. » Ou encore Sourate 10 versets 99 : « Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est — ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? » En réalité ; on fait dire ce qu’on veut à un texte, et puis derrière, il y a la construction humaine dans l’histoire. À l’époque, ce qu’on appelle le paradigme hégémonique (la domination, l’empire) entrainait certaines interprétations. Mais l’histoire ne peut pas être figée. C’est comme le fait de punir un déserteur, par la mort. Je rappelle également que l’apostasie est punie de mort dans l’Ancien Testament. Comme il y a toujours des porosités, des filiations entre la Torah et l’Évangile, on trouve le comportement humain dedans. Je reviens comme je l’ai dit tout à l’heure pour la femme au droit positif. Et dans ce droit positif, il y a la liberté de conscience. On le comprend c’est très bien, on ne le comprend pas tant pis on l’impose aux citoyens musulmans vivant dans les contrées démocratiques. Ailleurs cela uploads/Litterature/ ghaleb-bencheikh-le-coran-ne-raconte-absolument-pas-la-vie-du-prophete-mahomet.pdf
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- Publié le Nov 13, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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