Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences his

Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques Résumés des conférences et travaux 147 | 2016 2014-2015 Études ottomanes Études ottomanes Conférences de l’année 2014-2015 Nicolas Vatin Édition électronique URL : http://ashp.revues.org/1810 ISSN : 1969-6310 Éditeur École pratique des hautes études. Section des sciences historiques et philologiques Édition imprimée Date de publication : 1 septembre 2016 Pagination : 49-54 ISSN : 0766-0677 Référence électronique Nicolas Vatin, « Études ottomanes », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 147 | 2016, mis en ligne le 21 septembre 2016, consulté le 12 décembre 2016. URL : http://ashp.revues.org/1810 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. Tous droits réservés : EPHE Résumés des conférences 49 ÉT U DES OT TOM A N ES Directeur d’études : M. Nicolas Vatin, correspondant de l’Institut Programme de l’année 2014-2015 : I. Lecture et commentaire des Ġazavât-ı Ḫayre-d-dîn Paşa ; lecture et commentaire de documents des archives du baile de Venise. — II. Initiation à l’ottoman. On a continué la lecture et le commentaire des Ġazavât-ı Hayre-d-dîn Paşa (Geste de Hayre-d-dîn Paşa), biographie des frères Barberousse rédigée par Seyyîd Murâd 1. L’année 2014-2015 a été consacrée aux folios 162ro à 184ro, qui couvrent une période allant de l’été 1529 à l’été 1530. Après la prise du Peñon d’Alger, la victoire remportée sur la flotte espagnole de Rodrigo de Portuondo par un des lieutenants de Hayre-d-dîn, Aydın Re’îs (Caccia- diavolo), est un succès d’autant plus remarquable que les bateaux musulmans étaient encombrés par des réfugiés mudéjares abandonnant l’Espagne pour l’Afrique du Nord. Mais cet apparent handicap était la marque de la faveur divine due à de pieux musul- mans. De retour à Alger, Aydın Re’îs rend hommage à Hayre-d-dîn, qui lui était apparu en rêve : c’est à ses conseils et ses prières qu’est dû le succès. Ainsi que nous l’avions relevé l’année dernière, Hayre-d-dîn est implicitement hissé au niveau d’un saint. Cette pieuse atmosphère demeure sensible dans la suite : le héros ne manque pas d’élever des prières et de s’en remettre à Dieu au moment de partir en mer (168ro-vo) et le narrateur nous rappelle que, avant de s’élancer vers Cherchell attaquée par Andrea Doria pour le compte de Charles Quint, il n’oublie ni la prière du matin, ni la lecture de son passage quotidien du Coran (177ro). Le récit raconte successivement l’envoi d’une frégate portant des informations et de riches cadeaux à Soliman ; la réponse de celui-ci, qui adresse à Hayre-d-dîn un firman lui demandant d’envoyer un homme en France pour se renseigner sur le roi, sa politique et la valeur de ses engagements ; les réactions d’inquiétude de Charles Quint après la chute du Peñon d’Alger et la proposition faite par Doria d’aller, avec sa flotte et vingt galères du roi de France, tenter d’expulser Hayre-d-dîn de la région ; la réplique de ce dernier qui, informé, lance une campagne qui ravage les côtes enne- mies ; l’attaque de Cherchell par Doria ; la poursuite de la flotte chrétienne par Hayre- d-dîn qui se place en embuscade aux îles d’Hyères pour surprendre l’ennemi sur son passage, mais qui, découvert en raison de l’évasion de prisonniers, part en direction de Gênes et, au passage, attaque et incendie La Napoule. Comme toujours, on est frappé par la qualité de l’information fournie par les Ġazavât, la comparaison avec la documentation occidentale permettant de préciser la chronologie ou de rétablir d’éventuelles inexactitudes. C’est ainsi que le récit de 1. Présentation du texte, de l’auteur et des manuscrits, dans mon rapport pour l’année 2008-2009. Nous travaillons sur le fac-similé reproduit, avec un apparat critique, par Aldo Gallotta, « Il Ġazavât-ı Hayreddîn Paşa di Seyyîd Murâd », Studi Magrebini XIII (1981). 50 Annuaire – EPHE, SHP — 147e année (2014-2015) l’attaque de Cherchell est conforme à ce que nous disent les sources chrétiennes, de même que celui des opérations sur les côtes françaises. Il n’est pas jusqu’à l’angoisse prêtée à Charles Quint 1, certes en grossissant le trait, qui ne semble faire écho à la lettre du 16 janvier 1530 par laquelle ce dernier signalait à la reine Isabelle le carac- tère inquiétant de la situation : le roi de Tlemcen avait changé de camp ; Barberousse et les corsaires étaient menaçants ; ils avaient causé de grands dégâts aux côtes espa- gnoles et détruit la flotte qui devait les protéger 2. De même, notre auteur n’ignore pas que la remise à Doria d’une flotte française est une conséquence du traité de Cambrai, puisqu’il fait dire à François Ier (167ro) : « Dès lors que nous venons de conclure une bonne paix avec le roi d’Espagne, ne créons pas une nouvelle occasion de conflit. » La comparaison des sources permet néanmoins de repérer des inexactitudes. C’est ainsi que les Ġazavât signalent que le roi de France remit vingt bateaux, et non treize, comme ce fut le cas 3, ce qui l’amène à évaluer l’ensemble de la flotte de Doria à qua- rante voiles, au lieu de vingt huit : le narrateur exagère-t-il sciemment les effectifs de l’ennemi, ou ne faut-il pas plutôt supposer que, Hayre-d-dîn n’ayant pas été présent en personne à Cherchell, il y a ici une tentative de reconstruction historique à partir d’in- formations partiellement erronées ? Une autre erreur manifeste concerne l’envoi d’une frégate faisant parvenir informations et cadeaux à Soliman au lendemain de la victoire sur Portuondo, donc à l’été 1529. Pour intégrer ce geste à son récit, notre auteur le pré- sente de façon assez cohérente comme dicté par la volonté chez Hayre-d-dîn de faire valoir ses mérites 4. Cependant, non seulement des chroniqueurs contemporains (Lüṭfî Paşa, Celâlzâde) n’en font pas état – ce qui peut s’expliquer par le peu d’importance qu’on accorde aux activités de ce corsaire dans le grand ouest –, mais Kâtip Çelebi 5, dans le récit principalement fondé sur les Ġazavât qu’il rédige au xviie siècle, choisit de ne pas tenir compte d’une information qu’il jugeait apparemment douteuse. De fait, les informations recueillies par Marino Sanudo nous informent d’un envoi qui évoque celui décrit par les Ġazavât, mais un an plus tard : c’est le 31 octobre 1530 que 1. « Eh bien, Seigneurs, quel doit être notre sort avec ce Turc qui se fait appeler Barberousse ? Car si nous quittons nos pays et partons en quelque direction, il l’apprend en quelques jours et, comme [son siège] est proche, il en est informé, si bien qu’il envoie au plus vite ses bateaux et fait ruiner nos pays et provinces, fait charger sur ses bateaux et emmener nos sujets dans son propre pays et sa propre province. Enfin si nous envoyons par voie de mer quelque part quelques bateaux, soit pour le service, soit pour le commerce, il leur interdit de faire route et les prend, s’en empare et repart (…). Nous voici sans moyen et épuisés de son fait. Bref des actions de lui comme celle-ci ont mis mon cœur en sang. Si l’on ne prend pas cette fois de bonnes mesures à son sujet et s’il n’est pas puni, il finira par ruiner et conquérir ces lieux et par en convertir toute la population à sa religion. Trouvez donc un remède contre lui. » (165ro-166ro). 2. M. Fernandez Alvarez, Corpus documental de Carlos V, I (1516-1539), Salamanque, 1973, p. 191. 3. Lettre de Charles Quint du 23 janvier (Fernandez Albarez, Corpus documental, p. 202). L’une des quatorze galères envoyées, pestiférée, avait dû être laissée à Toulon (Garnier, L’alliance impie. François Ier et Soliman le Magnifique contre Charles Quint, Paris, 2008, p. 29). 4. « Quand Son Excellence Hayre-d-dîn Beg se fut acquis un nouveau renom par de pareilles ġazâ non seulement en régions arabes et espagnoles, mais encore dans tous les pays francs, quand il eut fait souffrir à ceux-ci tant de souffrances et de peines, on souhaita qu’il annonçât et fît savoir au seuil de félicité et à la cour de prospérité tous les actes de ġazâ qui méritaient et justifiaient d’être portés à sa connaissance et en outre qu’il donnât certaines informations secrètes sur les vils mécréants ; c’est ce qu’il fit alors, armant deux galères et envoyant des hommes [à lui] de confiance au seuil de félicité. » (163ro). 5. History of the Maritime Wars of the Turks, translated from the Turkish of Hagi-Khalifeh, by James Mitchell, Londres, 1831. Résumés des conférences 51 le vice-chancelier de l’ordre de Malte signale avoir été informé du passage, un mois auparavant, d’un galion portant à Istanbul quarante garçons, trois lions et un léopard 1 : il ne peut s’agir que du bâtiment que le baile de Venise vit arriver quelques semaines plus tard à Istanbul, avec à son bord trois lions et une tigresse, quinze garçons et un envoyé de Hayre-d-dîn 2. Du reste, la réponse de Soliman cherchant à évaluer la confiance qu’on pouvait accorder à François Ier serait surprenante au lendemain de la signature du traité de Cambrai. L’année suivante, après uploads/Litterature/ ghazawat-kheiddine-pdf.pdf

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