INTRODUCTION J'avais dix ans quand mes parents s'installèrent près de Milly-la-

INTRODUCTION J'avais dix ans quand mes parents s'installèrent près de Milly-la-'Forêt. Il y avait des rochers dans les bois qui entouraient la maison, et j'eus très vite envie de grimper dessus. Puis, peu à peu, je m'éloignai à la recherche de nouvelles escalades jusqu'au jour où je découvris de mystérieuses flèches de couleur. J'en conclus que d'autres grimpaient là et pourtant je ne voyais pas la moindre prise où m'accrocher. C'est aux Trois-Pignons que je vis pour la première fois des individus semblant «léviter» sur des parois lisses et verticales. A force d'obstination, je parvins moi aussi à m'élever sur certains passages fléchés de vert et je compris alors qu'il y avait des «trucs» que je n'arriverais jamais à découvrir seul. Le premier me fut révélé par un copain de classe : les bottes de caoutchouc n'étaient pas conseillées car il existait des chaussures spéciales permettant ces miracles d'adhérence dont je rêvais. Mon ami m'expliqua ensuite que les chaussures ne suffisaient pas. Il y avait une technique pour les utiliser. — Même tes doigts, tu ne dois pas les placer n'importe comment. Des années ont passé et chaque fois que je reviens aux Trois-Pignons ou au Cuvier, je repense au temps que j'ai perdu en voulant découvrir seul l'art de l'escalade. Mais les premiers rochers que j'ai vaincus restent parmi mes souvenirs les plus émouvants. UN PEU D'HISTOIRE Durant les débuts de l'alpinisme, les hommes s'intéressaient essentiellement aux sommets ; en France, au mont Blanc en particulier, car il dominait tous les autres. A l'époque, le principe était de vaincre le sommet en recherchant pour ce faire la voie la plus facile. Grâce à l'évolution du matériel et des mentalités, la plupart des sommets furent vaincus ; on s'intéressa alors aux faces, mettant ainsi en évidence le fait que la valeur d'une ascension et sa difficulté dépendaient du chemin suivi. D'une façon générale, par exemple, une face nord est plus froide qu'une face sud qui voit plus souvent le soleil, d'où un surcroît de difficulté. Par la suite, une proportion importante des faces ayant été vaincue, les grimpeurs ouvrirent dans les mêmes faces des itinéraires parallèles. A ce stade, ce n'est plus la recherche de la facilité pour vaincre un sommet qui dominait, mais bien celle de la difficulté. Les premiers alpinistes tenaient donc plus de l'explorateur, tandis que leurs successeurs pratiquaient plutôt un jeu ou un sport dans un cadre à la sauvagerie mieux maîtrisée, du fait des acquis de leurs prédécesseurs. Dans le même temps, le matériel utilisé s'améliorait et la technique d'escalade se raffinait. Jusque dans les années 1950, seuls les pitons étaient utilisés ; ceux-ci ne pouvant être placés que dans des fissures, les passages raides et dépourvus de fissures étaient alors impossibles à pitonner. Mais l'apparition des pitons à expansion ou golots permit de forcer n'importe quel passage rocheux. Ces golots fonctionnent suivant le même principe que les spits utilisés dans le bâtiment. Les spits donnent un point d'attache dans du béton compact. Certes un facteur temps intervient (il faut environ une demi-heure pour planter un golot), mais cette technique supprime l'incertitude de la victoire qui fait la saveur de l'alpinisme. Heureusement, le sport n'est pas perdu pour autant car, dès lors qu'apparaît le concept de style, le «jeu» peut continuer. Avant 1940, déjà, Pierre Alain et quelques autres «grands» de l'histoire de l'alpinisme français pratiquaient à Fontainebleau la varappe, c'est-à-dire l'escalade de petits blocs de rochers sans danger d'une hauteur moyenne de 4 m. Les grimpeurs de Fontainebleau encouraient à l'époque les sarcasmes des guides de montagne de Chamonix qui qualifiaient la varappe de ridicule et sans rapport avec la montagne. Quelle ne fut pas leur stupéfaction lorsque Pierre Alain, ce clown, cet acrobate, comme ils disaient, réussit avec brio la première ascension de la face nord des Drus, dans les Alpes, depuis longtemps convoitée. Et ce ne fut pas là la seule course de montagne dans laquelle Pierre Alain et les autres «Bleausards» damèrent le pion aux guides chamoniards. C'était le début de l'escalade de bloc (ou varappe) qui, on ne s'en doutait pas, allait devenir plus tard une activité en soi et non plus seulement un entraînement pour la montagne. Aux Etats-Unis, après les années 50 qui connurent la frénésie de l'escalade artificielle poussée à l'extrême, l'escalade naturelle reprit peu à peu ses droits. Quelques grimpeurs de l'époque essayèrent de refaire certaines voies d'artificielle où le matériel avait été laissé en place en ne se servant des pitons que pour l'assurage (ou protection) sans se hisser ou se reposer ; le problème consistait donc à ne se servir que des prises naturelles du rocher — sans prendre de risques inutiles pour autant. Cette forme d'escalade dite «libre» devait rapidement connaître un engouement sans égal qui fait maintenant des Etats-Unis l'un des royaumes du free-climbing. En Angleterre, on peut dire que l'escalade libre est une tradition. Depuis longtemps déjà les grimpeurs précisaient s'ils avaient utilisé telle sangle ou tel piton comme point d'aide ou comme repos. C'est aussi actuellement l'un des pays d'élection pour les amateurs de free-climbing. LES DIFFÉRENTS JEUX Le profane confond toujours les différentes activités d'escalade. Leur seul dénominateur commun est l'inutile (comme dans tous les sports d'ailleurs), et le mouvement vers le haut. Ces «jeux» ou activités n'ont pas vraiment de rapports entre eux mais, pour les classer, on peut utiliser le principe du grimpeur- écrivain américain Tito Téjada Florès. On peut considérer que chaque jeu est fait d'un système de handicaps qui préservent la potentialité d'incertitude de ce jeu. Ainsi, il est normal de mettre une échelle en travers de la crevasse d'un glacier en Himalaya — ce n'est pas ça qui garantira la victoire — tandis que, sur un bloc de 4 m, mettre une échelle garantira le succès, rendant alors le problème inintéressant. Les quatre jeux, par ordre de difficulté et de moyens qu'ils mettent en œuvre, sont les suivants : Le bloc Par définition, c'est l'escalade de rochers de faible hauteur (en général celle d'où on peut sauter) sans utilisation de moyens artificiels tels que cordes, pitons, etc. Le système de handicap est maximum. La falaise Rocher d'une hauteur suffisante pour demander l'emploi d'une corde et d'un matériel extérieur pour l'assurage en cas de chute. La hauteur peut varier de 20 à 200 m. Il existe en général un petit chemin pour redescendre. En somme il n'y a pas d'engagement. Le handicap consiste à ne pas utiliser le matériel pour la progression mais seulement pour la protection. Bloc et falaise constituent ce qu'on appelle communément l'escalade. La montagne Ici, l'escalade devient presque secondaire. En revanche, une course en montagne comprend des dangers dits objectifs : chutes de pierres, avalanches, foudre, froid, brouillard... La course ne se termine pas au sommet : une fois celui-ci vaincu, il faut redescendre, ce qui est parfois aussi difficile que de monter. Il y a ici engagement. Le handicap consiste à ne pas laisser de cordes fixes. L'expédition II s'agit d'une ascension dans l'un des massifs les plus lointains et les plus hauts. En général, elle fait appel à des moyens humains et matériels très importants. Les ascensions supposent le plus souvent l'installation de camps intermédiaires, de dépôts de vivres et de matériel. Intrinsèquement, l'escalade y est facile comparée à la montagne, la falaise ou le bloc ; mais, globalement, l'altitude, l'isolement, le manque d'oxygène augmentent considérablement la difficulté. Il n'y a pas vraiment de handicap. Seul moyen interdit : l'hélicoptère. L'ESCALADE Sujet de ce livre, ce terme regroupe comme on l'a vu deux activités différentes : le bloc et la falaise. Expression la plus dépouillée de l'escalade, le bloc pose un problème bien défini : un rocher, un homme, et sur le rocher un itinéraire que l'homme doit suivre, avec la possibilité de sauter à tout moment. La deuxième activité est l'escalade libre en falaise. Ici le jeu devient un peu plus complexe car des facteurs psychotechniques entrent en ligne de compte. Par ailleurs, outre les techniques d'escalade, il faut connaître les techniques d'assurage, qui font de cette activité un sport absolument sans danger. En aucun cas il ne faut comparer les risques que présente la falaise avec ceux qu'offrent la montagne ou les expéditions, tant la nature de ces pratiques est différente. D'une façon générale il n'y a aucune contre-indication médicale ni d'âge pour ces différentes activités, hormis les restrictions triviales dues à la nécessité de pouvoir sauter d'une hauteur de 3 m sur un sol pas trop dur (sable le plus souvent). D'un coût assez modique, c'est une activité de plein air que tous peuvent aborder. I. LA VARAPPE OU LE BLOC On désigne sous ces deux noms1 l'escalade de tout rocher de faible hauteur (entre 2 et 15 m). L'utilisation de cordes, d'échelles ou de tout autre moyen artificiel est prohibée. C'est une très bonne école d'apprentissage pour la falaise et la montagne, mais ce n'est pas uniquement ça ! C'est aussi une activité en soi, avec ses adeptes du week-end, ses spécialistes qui peuvent grimper uploads/Litterature/ ghid-l-x27-escalade.pdf

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