1 Plusieurs de ces thèses et d’autres sur «l’arabe classique» et la langue de l
1 Plusieurs de ces thèses et d’autres sur «l’arabe classique» et la langue de la poésie orale arabe sont présentées et discutées, in Michael Zwettler, The Oral tradition of classi- cal Arabic poetry, Colombus, Ohio State University Press, 1978, chap. III, p. 97-187. MÉTHODES ET DÉBATS LANGUE ET CORAN: UNE LECTURE SYRO-ARAMÉENNE DU CORAN par CLAUDE GILLIOT Christoph Luxenberg, Die syro-aramäische Lesart des Koran. Ein Beitrag zur Entschlüsselung der Koransprache, Berlin, Das Arabische Buch, 2000, 14,5 21 cm., IX+311 p., 49 DM. L’étude révolutionnaire de C.L., intitulée : Lecture syro-araméenne du Coran, dont le sous-titre est : Contribution au déchiVrement de la langue du Coran, ne devrait pas passer inaperçue. Toutefois, avant de la présen- ter, il convient de la replacer dans le cadre des recherches et des théo- ries sur la langue et le style du Coran. C’est pourquoi ce compte rendu sera divisé en cinqs parties : 1. Quelques thèses sur la langue du Coran. 2. L’écriture arabe et «l’histoire» de la rédaction du Coran. 3. Restituer le «Coran primitif» (l’entreprise de Günther Lüling). 4. La lecture syro- araméenne du Coran de C.L. 5. Perspectives. 1. Quelques thèses sur la langue du Coran1 La langue du Coran, malgré les progrès faits dans la recherche, donne toujours de la tablature aux philologues. Non qu’elle serait «inimi- table», car «l’inimitabilité» supposée du Coran est un article de foi qui entraîne l’adhésion de qui y croit, et un linguiste ne saurait le faire sien, mais parce qu’il s’y trouve des formes et des structures qui entrent diYcilement dans le système de l’arabe dit «classique», ou de l’arabe tout court. Ces rara ou expressions idiomatiques furent la cause que, © Koninklijke Brill NV, Leiden, 2003 Arabica, tome L,3 Also available online – www.brill.nl méthodes et débats 387 4. La lecture syro-araméenne du Coran de C.L. Et voici que, plus de soixante-dix ans après la parution de l’article du grand maître syriacisant de Manchester et près de six lustres après la sortie du livre de l’universitaire d’Erlangen, un sémitisant, excellent connaisseur et de l’arabe, et du syriaque, écrivant sous le pseudonyme de Christoph Luxenberg, s’est décidé à livrer au public le fruit de ses recherches, dans un ouvrage qui ne devrait pas passer inaperçu et qui est intitulé : Lecture syro-araméenne du Coran, avec en sous-titre : Contribution au déchiVrement de la langue du Coran21. Si Luxenberg se réclame de Mingana (p. 3-4), on est étonné de ne le point voir mentionner le nom de Lüling. Pourtant il a en commun avec lui, sur le plan de la méthode et de la technique textuelle, de pro- céder dans bien des cas à la correction du diacristisme et du vocalisme de la Vulgate coranique, essentiellement dans des textes de la période mecquoise de Mahomet. Mais là s’arrête, dirons-nous, la comparaison avec l’entreprise de Lüling, car celle de Luxenberg est à la fois uni- quement philologique et dépourvue de toute visée théologique ou polé- mique, et méthodologiquement plus rigoureuse que celle de son prédé- cesseur. C.L. prend pour point de départ la situation linguistique qui a dû régner dans l’Arabie de Mahomet durant les premières décennies du VIIe siècle. Les signes équivoques de l’alphabet arabe en usage à cette époque pouvaient, en eVet, comme nous l’avons vu, donner lieu à diVérentes lectures (p. 15-19). Mais, d’autre part, le syro-araméen était alors la langue de culture dominante dans toute l’Asie occidentale, et il considère qu’elle a dû exercer une inuence sur les autres langues de la région qui n’étaient pas encore des langues d’écriture. Nous ajou- terons que La Mecque avait des contacts avec la ville de î“ra, nom araméen, qui était située dans le sud de l’Irak actuel, et qui était un siège épiscopal dès 41022. De plus, selon certaines sources musulmanes, 21 V. les recensions suivantes : Rainer Nabielek, «Weintrauben statt Jungfrauen : Zu einer neuen Lesart des Korans», INAMO (Informationsprojekt Naher und Mittlerer Osten) (Berlin), 23/24 (Herbst/Winter 2000), p. 66-72 ; Id., «Weintrauben statt Jung- frauen als paradiesische Freude», 17 pages, version longue du compte rendu précédent, envoyée par e-mail par la rédaction de la revue INAMO ; Mona Naggar, «Wie ara- mäisch ist der Koran ? Ein provocatives Buch zur Deutung “unklaren” Stellen», NZZ (Neue Zürcher Zeitung), 3 avril 2001, p. 54 ; Karl-Heinz Ohlig (Professeur à l’Université de Saarbrücken), «Eine Revolution der Koran-Philologie», deux pages sur Internet : http://ekir.de/cairo/NOK2001/Info_luxenberg.htm 22 Sur les chrétiens de î“ra, v. Jean Fiey ( Jean), Jalons pour une histoire de l’Église en 388 méthodes et débats les habitants de ÿˆ"if et les Qoreïchites ont appris «l’art d’écrire» des chrétiens de cette ville, et le premier Qoreïchite à l’apprendre aurait été Sufyˆn b. Umayya23. Dans sa tentative d’élucider les passages linguistiquement controver- sés du Coran, Luxenberg procède par étapes, selon une méthode toute de rigueur. Il consulte tout d’abord le grand commentaire coranique de ÿabar“ (m. 923) et le Lisˆn al-’Arab, an de vérier si les traduc- teurs occidentaux du Coran n’ont pas omis de tenir compte de l’une ou l’autre explication plausible proposée par des commentateurs ou des philologues arabes. Il cherche ensuite à lire sous la structure arabe un homonyme syro-araméen qui aurait un sens diVérent, mais qui convien- drait mieux au contexte. Si cela ne se peut faire, il procède à un pre- mier changement des points diacritiques qui, le cas échéant, auraient été mal placés par les lecteurs arabes, an de parvenir à une lecture arabe plus idoine. Si cette démarche n’aboutit toujours pas, il eVectue un second changement des points diacritiques, en vue de parvenir éven- tuellement à une lecture syro-araméenne, cette fois, plus cohérente. Si toutes ces tentatives ont échoué, il fait appel à un ultime recours : déchiVrer la vraie signication du mot apparemment arabe, mais inco- hérent dans son contexte, en la retraduisant en syro-araméen, pour déduire du contenu sémantique de la racine syro-araméenne le sens le mieux adapté au contexte coranique (p. 10-15). La rigueur de la méthode est indéniable, et comme l’auteur y conjoint une insigne maîtrise et de l’arabe, et du syriaque, il réussit à élucider bon nombre d’expressions réputées «obscures», et maints passages mal lus ou mal compris et à propos desquels personne n’avait encore euré le melon sous la queue! La moisson est abondante, et il conviendra dans chaque cas d’éprouver le froment qui en est issu, mais, en de Iraq, Louvain, (Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium. Subsidia), 36), (Corpus scriptorum Christianorum orientalium, 3/10), 1970, XII+154 p., dans l’index des noms de lieux ; ’Ërif ’Abd al-ýan“, Ta"r“¢ al-î“ra f“ l-<ˆhiliyya wa l-islˆm, Damas, Dˆr Ruknˆn, 1414/1993, 867 p., p. 471-492 ; p. 45-74, sur les couvents et les églises. Moins déve- loppé : Ysuf Rizq ýan“ma, al-î“ra, al-mad“na wa l-mamlaka al-’arabiyya, Bagdad, Maktabat Nakr al-úad“ a, 1936, 353 p., p. 31-52. Gustav Rothstein, Die Dynastie der La¢miden in al-î“ra. Ein Versuch zur arabisch-persischen Geschichte zur Zeit der Sasaniden, Berlin, Verlag von Reuther & Reichard, 1899, VII+152 p., p. 18-28, pourra être consulté, mais doit être complété, et parfois revu, par les données de Fiey et de ýan“ma. 23 A. Mingana, «The transmission of the Koran», The Journal of the Manchester Egyptian and Oriental Society, 1916, puis in MW, 7 (1917), p. 223-232 ; 402-414, ici p. 412/repris in Ibn Warraq (ed.), The origins of the Koran. Classic essays on Islam’s Holy Book, Amherst (New York), Prometheus Books, 1998, 411 p., ici p. 112. méthodes et débats 389 nombreux endroits, il convainc qu’il y a derrière le vocable ou le passage étudié une «variante» (disons une origine) syro-araméenne, i.e. syriaque. L’on se bornera à donner un exemple qui illustrera la pertinence du travail de l’auteur, malheureusement ici sans sa démonstration philolo- gique très soignée. Il s’agit de cette crux interpretum qu’est la sourate 108 (dite al-KawÆar, «L’Abondance») (p. 269-276). On y a mis en italique les vocables qui font problème : En vérité, Nous t’avons donné l’Abondance. Prie donc en l’honneur de Ton Seigneur et sacrie! En vérité, celui qui te hait se trouve être le Déshérité (traduction Blachère). Tous les chercheurs, ou presque, reconnaissent que cela ne fait pas sens. Les exégètes musulmans, quant à eux, ont de très longs développe- ments sur cette sourate qui montrent seulement leur embarras ; la rime et le sens du «mystère» aidant, ils y voient pourtant une merveille. Ils se perdent, entre autres, en conjectures et supputations sur kawÆar, y voyant notamment le nom d’un des euves du paradis! Cela devient dans la lecture syro-araméenne de Luxenberg : Nous t’avons donné [la vertu] de la persévérance ; prie donc ton Seigneur et persiste [dans la prière] ; ton adversaire [Satan] est [alors] le vaincu. A l’origine de cette courte sourate, se trouve une liturgie syriaque, réminiscence de la première épître de saint Pierre 5, 8-9, chez Luxenberg d’après le texte de la pshitta (traduction syriaque de la Bible), et qui est aussi la lecture de l’oYce des complies dans le bréviaire romain. On pourrait produire également sa lecture de la sourate 96 (p. 276- 285), à comparer uploads/Litterature/ gilliot-c-langue-et-coran-pdf.pdf
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- Publié le Oct 26, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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