Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 1, n° 2, Décembre 202

Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 1, n° 2, Décembre 2020 ISSN: 2658-9206 3 QUELQUES PROCEDÉS DE TRADUCTION DE L’ARABE VERS LE FRANÇAIS : CAS DU « DISCOURS DECISIF »1 D’AVERROES ---------- SOME TRANSLATION PROCESSES FROM ARABIC TO FRENCH: CASE OF AVERROES’ “DECISIONAL DISCOURSE” Noureddine SAMLAK FLAM, Université Cadi Ayyad, Maroc nourdoo@hotmail.com Fatima Ez-Zahra BENKHALLOUQ FLAM, Université Cadi Ayyad, Maroc f.benkhallouq@hotmail.com Résumé : Le présent article a pour objectif de mettre en lumière quelques traits d‟analogie et de différence affectant la traduction du « Discours décisif » d‟Averroès de l‟arabe vers le français par Marc Geoffroy à travers une analyse des différentes techniques de traduction mises en œuvre. Pour ce faire, nous avons fait appel à une analyse contrastive de quelques extraits de l‟ouvrage originaire en arabe et leurs traductions en français sur le plan lexical (choix du lexique, des noms propres, des noms communs, etc.), syntaxique (structure des phrases, choix des parties du discours, des formes et des types de phrases, etc.), sémantique (glissement de sens, interprétation et représentation sémantiques, etc.) et stylistique (figures rhétoriques, niveaux de langue, etc.) afin d‟avoir un regard critique sur les choix du traducteur et les procédés traductologiques mis en œuvre. Mots-clés : traduction, Averroès, étude comparée, arabe, français, différences, analogies. Abstract : The purpose of this article is to highlight some features of analogy and difference affecting the translation of Averroes "Decisive Discourse" from Arabic into French by Marc Geoffroy through an analysis of the different translation techniques used artwork. To do this, we used a contrastive analysis of some extracts from the original work in Arabic and their translations into French on the lexical level (choice of lexicon, proper names, common names, etc.), syntactic ( structure of sentences, choice of parts of speech, forms and types of sentences, etc.), semantics (meaning shifting, semantic interpretation and representation, etc.) and stylistics (rhetorical figures, language levels, etc.) in order to have a critical look at the translator's choices and the translation processes implemented. Keywords: translation, Averroes, comparative study, Arabic, French, differences, analogies. Introduction Depuis plusieurs siècles, et même de nos jours, la traduction occupe une place très importante en sciences humaines et en d‟autres domaines de connaissances grâce à sa contribution à l‟ouverture de l‟Homme sur des cultures étrangères (dans le cas des traductions d‟autres langues) et à l‟ouverture de celui-ci également sur sa propre culture (dans le cas des 1 Averroès, Discours décisif, Trad. par Marc Geoffroy, Edition bilingue de GF Flammarion, Paris, 1996. Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 1, n° 2, Décembre 2020 ISSN: 2658-9206 4 traductions d‟une même langue). De ce fait, le caractère et la démarche complexes des techniques traductologiques, adoptées par les spécialistes de ce domaine, ont suscité plusieurs controverses par rapport aux différents procédés de traductions, des théories et des choix adoptés par les traducteurs ainsi que leur degré d‟implication ou de distanciation tout au long de ce processus. La traduction de l‟arable vers le français, ou vice-versa, relève plusieurs difficultés relatives aux caractéristiques grammaticales et sémantiques de chacune de ces langues surtout lorsque le texte à traduire se veut à la fois philosophique et juridique tel que Fasl al- maqal d‟Ibn Rushd objet de cette étude. Le choix de ce texte n‟est pas aléatoire, car comme toutes les œuvres d‟Averroès cet ouvrage jouit d‟une importance capitale quant à l‟étude de la légitimité ou non de la philosophie dans l‟analyse des phénomènes sacrés et précisément ceux relatifs à la religion islamique. Il a été traduit plusieurs fois à travers l‟Histoire dans plusieurs langues voire notamment en français en adoptant, à chaque fois, des procédures différentes selon les époques et les objectifs des traducteurs. De ce fait, à quel point, les techniques déployées par Marc Geoffroy, dans cette version française proposée de Fasl al-maqal, offre une fidélité plus ou moins considérable à la langue source ? Quelles contraintes peut-on relever face à la manipulation de deux idiomes différents dans le but de gagner le défi d‟une traduction répondant à la fois aux exigences esthétique et sémantique qui s‟imposent pour une traduction réussie ? Dans le présent article, nous allons nous focaliser sur les paragraphes de 1 à 6 de la première partie de l‟ouvrage qui traite, selon Averroès, la question de rechercher, dans la perspective de l'examen juridique, « si l'étude de la philosophie et des sciences de la logique est permise par la Loi révélée, ou bien condamnée par elle, ou bien encore prescrite soit en tant que recommandation, soit en tant qu'obligation »1. Afin d‟élucider les différentes techniques traductologiques adoptées par Geoffroy, il est important de comprendre d‟abord la visée textuelle d‟Ibn Rushd. Nous allons présenter, dans la première partie, les différentes notions de base relatives à la traduction et plus particulièrement au cas du passage de l‟arabe vers le français en relevant quelques caractéristiques de chacune de ces langues. Nous passerons, dans la deuxième partie, à une présentation du corpus textuel et de la méthodologie d‟analyse qui relève de la linguistique contrastive. Nous terminerons enfin par une analyse de quelques cas de transpositions et de modulations adoptées par le traducteur en recourant, à chaque fois, à une comparaison des structures de la langue source : LS (l‟arabe) et de la langue cible : LC (français) 1. Quelques notions de base 1.1 A propos de la traduction La traduction peut être définie, selon Dubois, comme l‟opération qui consiste à « faire passer un message d’une langue de départ (langue source) dans une langue d’arrivée (langue cible). Le terme désigne à la fois l’activité et son produit : le message cible comme « traduction » d’un message source, ou « original ». »2 Il s‟agit d‟une activité humaine universellement reconnue qui désigne l‟action, la manière de traduire et concerne les textes écrits alors que pour l‟oral on parle plutôt d‟interprétariat. Le verbe « traduire » est introduit en français au XIème siècle et trouve son origine au latin traducere qui provient de l‟arabe « Turjuman, issu lui-même de l’assyrien ragamou.»3 Dans le tome 12 du livre d‟Ibn Mandhûr, 1 D‟après Alain de Liberia dans son introduction de l‟ouvrage objet de notre étude. 2 Dubois Jean (1994), Dictionnaire de linguistique, Ed Larousse, Paris, p 486 3 Guidère Mathieu (2010), Introduction à la Traductologie : penser la traduction hier et aujourd’hui, Ed De Book supérieur, Paris, p16 Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 1, n° 2, Décembre 2020 ISSN: 2658-9206 5 Lisân al-Arab, ce terme désigne « Celui qui explique »1. Abdullah ibn Abbas, l‟un des compagnons du Prophète, « fut surnommé Turjumân al-Qur’ân (littéralement, le traducteur du Coran; autrement dit, l’exégète), car il était un illustre connaisseur du Coran »2. Le recours à la traduction a été privilégié à toutes les époques pour plusieurs raisons (découvrir des cultures, transmettre des savoirs, défendre des idées, etc.) et avec l‟apparition des études linguistiques, vers la moitié du siècle passé, sa systématisation a commencé en s‟ouvrant sur les démarches scientifiques et les recherches dans plusieurs domaines (philosophie, sociologie, littérature, linguistique, psychologie, etc.). Ce qui a donné naissance à une nouvelle discipline appelée « Traductologie » ou « science de la traduction » fondée en 1972 par le canadien Brian Harris. Cependant, et malgré son caractère scientifique actuel, les mécanismes de la traduction, selon Oustinoff, demeurent méconnus, car on « la croit réservée aux seules spécialistes. Son domaine est en réalité bien plus vaste : avant d’être l’affaire des traducteurs ou des interprètes elle constitue dans son principe, une opération fondamentale du langage. » 3 Elle est fondée sur l‟empirisme, la pratique traductionnelle, l‟observation des faits4 en plus d‟autres manifestations écrites (littéraire, journalistique, technique) ou orales (consécutive, simultanée, etc.). Plusieurs théories s‟appliquent alors à la traduction, on distingue selon Dubois, « la traduction littéraire de la traduction technique, ce qui correspond non seulement à une dichotomie touchant la nature des textes à traduire et le type de traduction qu’on en attend, mais aussi à un clivage d’ordre socioprofessionnel et économique. »5 Il existe également d‟autres théories largement connues dans ce domaine telle la théorie des sourciers et celle des cibistes : les uns privilégiaient le « texte source » les autres le « texte cible » (ou la « culture source » et « la culture cible ») A ce propos, Friedrich Schleiermacher souligne : « ou bien le traducteur laisse l’écrivain le plus tranquille possible et fait que le lecteur aille à sa rencontre, ou bien il laisse le lecteur le plus tranquille et fait que l’écrivain aille à sa rencontre »6. 1.2 Traduction et fonction syntaxiques en arabe et en français Le concept « d‟équivalence » ou de « correspondance » entre les langues était toujours au cœur de débat entre linguistes et traducteurs partout dans le monde. Pour les spécialistes de la traduction arabe, malgré le caractère sacré de cette langue considérée comme langue coranique et idiome liturgique (en raison de l‟inimitabilité du Coran « i’jaz al-qur’ân ») et malgré « la non-correspondance entre les structures des différents langues, il est toujours possible de traduire, car le « sens » uploads/Litterature/ great-article-page-10-wroh.pdf

  • 10
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager