Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottaw

Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/lespassionsdesmaOOdele 2% pw* 76 LES PASSIONS DES MARTYRS IMPRIMATUR Mechliniae 6 decembris 1920 J. Thys, can„ lib. cens. Wettercn (Belgique), Imprimerie de Jules De Meester & Fils LES PASSIONS DES MARTYRS ET LES GENRES LITTÉRAIRES PAR Hippolyte DELEHAYE, S. I. BOLLAND1STE BRUXELLES Bureaux de la Société des Bollandistes 22, Boulevard Saint-Michel 1921 PRAESIDI ET SOCIIS COLLEGII BEATAE MARIAE MAGDALENAE IN ACADEMIA OXONIENSI PREFACE Ce livre n'est ni une histoire des persécutions ni un aperçu complet des sources historiques où elle est racontée. Notre seul but a été de faire valoir, en formulant les réserves et les distinc- tions nécessaires, la branche spéciale de la litté- rature chrétienne constituée par les Actes des martyrs. Cette classe de documents est, comme on sait, fort mélangée. On y trouve réunis, et trop sou- vent confondus, le meilleur et le pire, et le moin- dre tort causé par tant de productions médiocres ou positivement malsaines n'est pas d'avoir dimi- nué le respect dû à certains récits dignes de de- meurer dans la mémoire de toutes les générations chrétiennes. Nous croirions avoir rendu un utile service aux lecteurs moins familiarisés avec les méthodes de la critique hagiographique si nous avions réussi à leur donner le moyen de discerner entre des textes vénérables, comme la Passion de saint Polycarpe ou les Actes des saintes Perpétue et Félicité, et VIII PREFACE ces amplifications prétentieuses qui, mérite litté- raire à part, pourraient être mises sur la même ligne que les Martyrs de Chateaubriand. Ces pages, qui datent de 1917, ont peut-être vieilli avant de voir le jour. Elles se ressentent certainement des conditions exceptionnelles dans lesquelles il a fallu les rédiger d'abord, les im- primer ensuite. Nous nous permettons de le rap- peler, parce que nous avons conscience de devoir compter sur l'indulgence du lecteur. Suivant notre habitude, les sigles BHG, BHL, BHO, désignent les trois séries de la Bibliotlieca hagiograplnca des Bollandistes. Cette abréviation nous a permis d'être précis sans encombrer de notes un travail déjà trop long. Bruxelles, jeté de la Toussaint, 19^0. LES PASSIONS DES MARTYRS ET LES GENRES LITTÉRAIRES INTRODUCTION Un recueil d'actes des martyrs peut se comparer à un musée d'antiques. On songe, en le feuilletant, à ces galeries où les marbres de toute provenance s'entas- sent au hasard des acquisitions, à la fortune des lo- caux, sans souci apparent des époques ni des pays d'origine. Pour un chef-d'œuvre, on y voit vingt piè- ces médiocres, et d'autres dont l'antiquité seule justifie la présence dans un sanctuaire de l'art. Là aussi le public se laisse guider dans ses préféren- ces par une esthétique superficielle qu'il ne faut pas lui demander de raisonner. S'il se doute vaguement que ces beaux marbres ne sont pas d'un même siècle ni d'une même école, il ne sent aucun besoin de s'ini- tier aux recherches qu'une longue familiarité avec les monuments de l'antiquité permet aux archéologues de conduire à bon terme. Ne demandez pas à l'amateur si la statue qu'il admire est un original de Praxitèle, une copie, une réplique ? Quel moyen a-t-on, vous ré- pondra-t-il, de s'en assurer ? S'il entend dire, à pro- pos de ce buste, que c'est bien là le portrait de Pé- riclès et non point une étude d'atelier, un sourire discret vous fera comprendre qu'on ne se prononce 2 LES PASSIONS DES MARTYRS pas sur des ressemblances que nul n'a le pouvoir de contrôler-. L'ignorance des méthodes inspire au public lettré qui s'intéresse aux récits hagiographiques des sentiments analogues. Sur des indices sans consistance, il fait son choix ; il admire ou condamne sans appel. Si, à ce con. naisseur qui se fie à son coup-d'œil, vous signalez des défauts, vous lui gâtez le plaisir, vous dérangez la conception historique qu'il s'est faite d'après ces textes. A tel autre vous indiquez des qualités qui ont échap- pé à son inexpérience. Il juge plus commode de s'en tenir à sa première impression et de déclarer que l'on ne saurait tirer parti d'une littérature si incertaine par tant de côtés. Quel qu'en soit l'objet, l'enthousiasme irréfléchi est aussi déraisonnable que le dédain systématique. Mais une erreur d'appi'éciation sur un document écrit, est, au point de vue de l'histoire, de plus grande consé- quence que l'estimation peu judicieuse d'une œuvre artistique. Sans déprécier les efforts que l'on fait pour initier le public instruit aux méthodes et aux résultats de l'archéologie, n'est-il pas plus nécessaire de lui ap- prendre à classer les textes hagiographiques, à les lire d'une façon intelligente, en un mot de mettre à sa portée les progrès de la critique ? La simple inspection d'un inventaire quelque peu dé- taillé des manuscrits d'une grande bibliothèque, sous la rubrique Vitae et passiones sanctorum, suffit à donner une idée de la richesse de cette littérature. Sans par- ler du nombre des exemplaires d'un même ouvrage attestant, à travers les siècles, un succès sans cesse renouvelé, on est frappé de la variété des formes sous INTRODUCTION 3 lesquelles nous est parvenue l'histoire des saints et de leur culte. Les actes des saints se groupent, d'après les sujets, en trois catégories bien tranchées : Passions des mar- tyrs, Actes des apôtres, Vies des saints. Si l'on considère surtout la forme littéraire, on dis- tinguera les simples récits, les. éloges ou panégyriques, les dialogues, comme ceux de Palladius et de Sulpice Sévère, les lettres parmi lesquelles les encycliques de l'église de Smyrne et de l'église de Vienne et de Lyon, ainsi que les lettres qui servent de complément à la vie de S. Martin. On pourrait ajouter encore une classe très spéciale, celle des apocalypses, qui ne se réclament pas seulement d'une série de personnages de l'Ancien Testament, mais de la Sainte Vierge, de plusieurs apôtres, de S. Christophe. Les documents qui se rapportent moins à l'histoire qu'au culte des saints sont le? Inventions de reliques, les Translations de reliques, les Miracles. Il s'en faut que cette nomenclature indique toutes les variétés d'écrits hagiographiques qui se succèdent dans les grands légendiers. A côté des pièces d'un caractère nettement défini, il en est d'autres de na- ture composite dont les titres indiquent assez l'allure. Ainsi outre la simple passio ou uapiûpiov, il y a le £ioç Kal uap-rùpiov qui indique un genre hybride, non moins que le genre qui s'intitule Yévvn,criç, àvarpocpri, Pioç koù uapTÙpiov. La vie du saint est ordinairement annoncée sous le titre de (3ioç koù TroXiieia, parfois elle se complète par un recueil de miracles : (Moç koù ttoXi- Teia kcù GaùuotTa. Les actes apocryphes des apôtres ne se donnent pas toujours comme de simples TrpdEetç, 4 LES PASSIONS DES MARTYRS mais encore comme des voyages ou tournées aposto- liques, Trepioboi. Le panégyrique lui-même n'est pas nécessairement pur de tout mélange puisqu'on ren- contre les TrpdHeiç kcù Trepioboi ârKuuuiuj cruuTreTTXeYuévai '. L'énumération qui précède n'est point sans utilité, mais elle ne nous introduit guère dans la question des genres littéraires si importants à définir avec préci- sion. Les catégories que nous venons d'indiquer sont purement extérieures. Après avoir reconnu qu'un ré- cit est une vita et passio plutôt qu'une passion pure et simple, la question de sa valeur intrinsèque reste en- tière, puisque sous la même rubrique on conçoit fort bien un texte historique, une œuvre d'imagination, une compilation d'éléments divers. Il sert de peu de rattacher une pièce hagiographique à un genre qui n'est point fixé dans un cadre rigide, ni astreint 'à des lois auxquelles l'écrivain a voulu se plier. Du moment qu'il est prouvé qu'un auteur a voulu se lier à une con- vention, sa parole acquiert une portée bien différente de celle qu'aurait la simple expression de sa pensée. Faut-il donner des exemples ? Un poète du moyen âge a décrit dans un dialogue, l'état de la curie Ro- maine au moyen âge *. On rangera, si l'on veut, son poème dans la classe des dialogues versifiés, et cela pourra suffire pour satisfaire l'instinct de symétrie des esprits superficiels. Mais voici que deux savants, sans se connaître, publient le livre, l'un le considérant comme une satire de la cour pontificale, l'autre com- me une apologie. Grande perplexité des lecteurs au « Analecta Bolland. t. XIII, p. 311. 2 Analecta Bolland. t. XXXII, p. 344. INTRODUCTION 5 courant d'une pareille divergence de vues. Un troisiè- me éditeur est venu récemment mettre tout le monde d'accord en reconnaissant dans l'un des interlocuteurs le censeur de la curie, tandis que l'autre est chargé de la contre-partie. Une étude plus attentive des inten- tions de l'auteur, la détermination préalable du genre auquel il avait voulu s'astreindre, aurait évité, on le voit, de graves malentendus. Un romancier que nous pourrions nommer, fut bien étonné, un beau jour, de voir citer à l'appui d'une thèse historique, un épisode entièrement imaginaire em- prunté à un de ses livres. Il put prendre cette mépri- se^ pour un hommage involontaire rendu à son talent de peintre. D'autres auront reconnu la légèreté du compilateur qui avait négligé de uploads/Litterature/ h-delehaye-les-passions-des-martyrs-et-les-genres-litteraires-bruxelles-1921.pdf

  • 13
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager