201 Fatima Zohra Habchi Doctorante, Université de Batna اﻟﻤﻠﺨﺺ : ﻋﻦ طﺮﯾﻖ ﺧﯿﺎل ﻣ

201 Fatima Zohra Habchi Doctorante, Université de Batna اﻟﻤﻠﺨﺺ : ﻋﻦ طﺮﯾﻖ ﺧﯿﺎل ﻣﺘﻨﺎﻗﺾ، ﺗﺘﺨﺬ اﻟﺮواﺋﯿ ﺔ آﺳﯿﺔ ﺟﺒﺎر ﻓﻲ رواﯾﺘﮭﺎ ﻟﯿﺎﻟﻲ ﺳﺘﺮاﺳﺒﻮرغ ﻛﺘﺎﺑﺔ أدﺑﯿﺔ ﺟﺪ ﺟﺪﯾﺪة ﺗﺨﻠﻂ ﻣﻦ ﺧﻼﻟﮭﺎ ﻦﺑﯿ رواﺋﻲ ﻋﺎﻟﻢ اﻟﺤﻘﯿﻘ ﺔ وﻋﺎﻟﻢ ﺑﯿﻦ ، لﺎﻟﺨﯿ ا اﻟﻤﺮﺟﺢ واﻟﻤﺤﺘﻤﻞ ، ﺑﯿﻦ اﺬاﻟ ﺗﯿﺔ و اﻟ ﻤﻮﺿﻮﻋﯿﺔ ، ﺑﯿﻦ واﻷدب واﻟﺘﺎرﯾﺦ ﺘﻨﺠﺢﺳﻞھ . ﻓﻲ ﺟﻌﻞ ھﺬا اﻟﺘﺒﺎدل اﻟ ﺮﻣﺰي ﺑﯿﻦ اﻟ ﺨﻄﺎب اﻟ ﺮواﺋﻲ اﻟﺒﺤﺖ اﻟو ﺨﻄﺎب اﻟﺘﺎرﯾﺨﻲ اﻟﺒﺤﺖ ﻣﺸﺮوﻋﺎ ﺎ أدﺑﯿ ﺣﻘﯿﻘﻲ ؟ اﻟﻜﻠﻤﺎت اﻟﻤﻔﺘﺎﺣﯿﺔ : اﻟﺘﺎرﯾﺦ، اﻟﺤﺪود، اﻟﺤﻮار، ا ﻟﺘﺠﺎﻧﺲ . Dans Les Nuits de Strasbourg, Assia Djebar place cette ville au centre même du récit. Personnage-lieu principal, Strasbourg, accompagne notre lecture aux plans spatial, historique mais aussi linguistique. L’importance de Strasbourg pour la construction de la trame narrative se reflète dans l’utilisation de son nom dès le titre de l’œuvre. Ensuite, la ville apparaît dans le prologue, qui a pour fonction de présenter les événements antérieurs à l’action proprement dite. Le lecteur se trouve plongé dans le passé de la ville, précisément au cours de l’année 1939 : « Le 2 septembre 1939. L’on attend donc les Messerschmitt, Synergies Algérie n° 5 - 2009 pp. 201-208 Au-delà des frontières littéraires : Les Nuits de Strasbourg de Assia Djebar Résumé : A travers un imaginaire ambivalent, la romancière Assia Djebar appréhende dans Les Nuits de Strasbourg une toute nouvelle écriture littéraire où elle joue à confondre le monde fictionnel et le monde réel, l’invraisemblable et le vraisemblable, le subjectif et l’objectif, le littéraire et l’histoire. Réussira- t-elle à faire de cet échange symbolique entre le discours proprement fictionnel et le discours proprement historique une véritable entreprise littéraire ? Mots clés : Histoire – frontières – dialogue – métissage – écriture polyphonique. Abstract : Through an ambivalent imaginary, the novelist Assia Djebar apprehends in her novel Les Nuits de Strasbourg a new side in which she alternates between the fictional world and the real world, between the unlikely and likely, between subjective and objective, between literary and history. Will she be able to make this symbolic exchange between the fictional speech and the historical speech a true literary work? Key words: history, borders, dialogue, polyphonic writing. 202 les chars, la cavalerie et l’infanterie germaniques ». Les épisodes historiques de cette période cruciale sont convoqués au fil de séquences de gestes, d’images et de lieux parcourant le roman pour conférer au texte son caractère réaliste. Par ailleurs, sous cette représentation réaliste de la situation de Strasbourg au cours de la Deuxième Guerre Mondiale, un autre discours se construit se nourrissant de la même substance : le discours fictionnel. On passe alors, de la ville de Strasbourg comme topos de la mémoire réelle de la ville, à sa figuration, sa prise (présence en texte) comme espace de fiction. L’auteure, par une forme délibérée de transgression, joue à confondre deux systèmes de pensée : l’un réel, l’autre fictionnel. Le processus de la représentation littéraire s’effectue ainsi de la manière suivante : au fur et à mesure que la mémoire progresse dans l’exploration du passé - même si celui-ci n’a pas été vécu par l’auteure - l’horizon de sa recherche s’amplifie, les souvenirs recueillis s’interpellent les uns, les autres, et, là se déploie l’imaginaire : les espaces se récréent, se rejoignent ; des relations inattendues naissent, s’imposent et, dans cet enchaînement constamment renouvelé d’échos, de voix, la structure fictionnelle reproduit l’histoire en la réécrivant. Paradoxalement, les deux univers se côtoient dans et à travers le récit, puisant leur inspiration à (à l’intérieur de) la même matrice : l’écriture. Dans cette démarche volontairement contradictoire, peut-on envisager qu’un échange symbolique entre le discours proprement historique et le discours proprement fictionnel puisse être l’apanage d’une véritable entreprise littéraire ? Strasbourg : lieu de mémoire spatiale Situer sa fiction dans cette métropole n’est sans doute pas un hasard pour Assia Djebar puisque par sa situation géographique, Strasbourg bénéficie d’une localisation parfaite à la frontière entre les mondes latin et germanique. Longtemps appelée « ville des passages », « ville des routes », Strasbourg fut de tout temps un lieu de rencontre et de croisement de cultures et de religions différentes. Ainsi, cette ville-frontière voit durant des siècles le passage de pouvoirs politiques (les troupes allemandes), d’éminents personnages historiques et littéraires et des émigrants venus de partout. Au cours d’une discussion, le protagoniste principal du roman, Thelja, raconte à son amant François que de nombreuses futures reines ou impératrices de France sont passées, autrefois, par Strasbourg. Il y a eu d’abord « (…) la gentille et naïve Polonaise, Marie Leczinska », il y eut ensuite l’Autrichienne, « la si belle Marie-Antoinette » et la troisième, Autrichienne aussi, « …Marie-Louise, la princesse livrée par son père à l’ « ogre » que haïssent toutes les monarchies de la vieille Europe » (pp. 194- 196). Le passage d’autres personnages est aussi mentionné dans cet espace narratif, les écrivains allemands célèbres tels que Goethe, Buchner ou français comme Hugo, Nerval et René Char ou encore le britannique Elias Canetti mais aussi, plus souvent installés dans la durée, des « Français musulmans ». Cette même ville va être le théâtre de rencontres d’autres personnages venus des quatre coins du monde. Ils sont eux mêmes des êtres nomades, ils ne sont nulle part chez eux mais en même temps leur chez-soi se construit dans un mouvement, dans un perpétuel va-et-vient, dans cette non-fixation ; l’errance constitue leur seule possibilité de résidence dans un non-lieu, dans cet espace strasbourgeois ouvert à une vie faite d’allers et de retours constants. Synergies Algérie n° 5 - 2009 pp. 201-208 Fatima Zohra Habchi 203 Ni racines, ni attaches : les personnages de cet espace de mouvements et de déplacements se complaisent à vivre en bohémiens et cela leur procure un sentiment libérateur qui les détache de tous liens, de toutes charges risquant de les restreindre et de les sédentariser à jamais. Leur discours même se territorialise et déterritorialise en même temps pour se particulariser par des mots inconstants, éthérés et éphémères. La parole « parle », « se tait », « se cherche », et puis dans une longue quête de soi, elle « s’arrête » brusquement. Elle est de la sorte dépourvue de toute linéarité, de toute régularité qui la stabilise ou même l’équilibre, elle échappe à nos sens, elle devient ainsi parole en mouvement : (…) et un feutre noir inscrivait ta parole en diagonale, en courbes semi-circulaires, avec sur la marge des esquisses de paysages tracées à la va-vite… (p. 63). Le choix d’une existence partagée entre deux rives, se retrouve dans le couple d’Eve et de Hans qui comme Tristan, auquel Eve le compare, passe une fois par semaine le Rhin pour voir son Iseult. Les deux rives se conjuguent l’instant d’une communion intime. Eve décrit sa trajectoire ainsi : C’est lui qui vient à moi chaque week-end et souvent un autre jour non fixé à l’avance ! Il traverse le Rhin. Il arrive à l’entrée de Strasbourg, à Haute-Pierre, Maille Béatrice. (p. 69- 70). Cette vie conçue dans cet inter-rivages ainsi qu’Assia Djebar le nomme ailleurs, procure au couple le plaisir de pouvoir garder chacun leur liberté de mouvement et de transit pour ne pas se sentir dépendants l’un de l’autre, car c’est en raison de ce sentiment de contrainte qu’Eve n’a pu supporter dans son pays d’origine, un mari et un enfant trop oppressants pour elle, qu’elle a décidé de fuir laissant derrière elle une famille pour savourer l’allégresse d’une vie nomade. A la différence de ce couple qui a établi des attaches entre deux rivages, loin de son lieu d’origine, la protagoniste Thelja refuse de s’engager dans ce genre de relation conjugale avec François. Elle insiste sur les mots « éphémère », « vagabonde » pour montrer qu’elle ne compte pas rester longtemps dans cette ville des passages. Ce qu’elle cherche en terre étrangère est une liberté totale de circuler : (…) Oh Dieu, l’ivresse de déambuler, de goûter l’errance, plongée dans une telle intensité ! Jamais, pourvu que je marche, je ne cesserai de me sentir légère… (p. 51). Strasbourg : Lieu de mémoire historique Si l’on tente de suivre le cours de l’Histoire, de s’arrêter à quelques épisodes de l’Histoire de Strasbourg, on remarque que la situation naturelle de Strasbourg a fait que la ville connaît au cours des siècles une situation identitaire scindée entre une appartenance allemande et française. Tout commence à partir de l’année 1648, à l’issue du traité de Westphalie, l’Alsace revient à la France, mais Strasbourg reste ville libre, impériale, pas pour longtemps toutefois à partir de 1681, elle est assiégée par les troupes de Louis XIV. Strasbourg capitule et devient française. A la suite de la défaite française de 1870 et du traité de Francfort de 1871, l’Alsace et la Moselle deviennent Reichsland, Au-delà des frontières littéraires : Les Nuits de Strasbourg de Assia Djebar 204 c’est à dire « terre d’Empire », et par cela, Strasbourg devient à nouveau allemande, en capitulant le 28 septembre 1870. Elle est ensuite libérée uploads/Litterature/ habchi.pdf

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