CNED TERMINALE HUMANITÉ-LITTÉRATURE-PHILOSOPHIE 1 SÉQUENCE 1 ÉTAPE 2 : LA LEÇON

CNED TERMINALE HUMANITÉ-LITTÉRATURE-PHILOSOPHIE 1 SÉQUENCE 1 ÉTAPE 2 : LA LEÇON Partie B - Quel système éducatif un état démocratique doit-il mettre en place pour favoriser l’émancipation ? En France, c’est avec la loi Jules Ferry du 28 mars 1882 que l’instruction devient obligatoire, de l’âge de 3 ans jusqu’à l’âge de 13 ans d’abord puis étendue jusqu’à 14 ans en 1936, 16 ans en 1959 et enfin 18 ans en 2020. Ici, l’adjectif « obligatoire » n’est en rien pourvu d’une connotation péjorative, bien au contraire. L ’obligation ne doit pas être subie par l’enfant qui va bénéficier de cette instruction mais se présente comme un devoir des adultes qui rendent possible l’accès aux différents savoirs. Chez Jules Vallès, le personnage de l’enfant vit dans une société où l’instruction n’est pas obligatoire – nous sommes dans les années 1840 – et c’est encore le cas à la date de parution de L’Enfant, en 1878. Que l’éducation soit vécue ou revécue par l’écriture, c’est donc à l’école des privilégiés que Jacques Vingtras/Jules Vallès ont été instruits et c’est encore celle que connaît l’adulte-écrivain. La figure du père-maître – personnage fictif et véritable – se doit alors d’incarner une certaine forme de patriarcat. Mais la situation est bien plus complexe, comme nous le verrons dans le premier point. Durant la Troisième République, la figure essentielle de l’instituteur s’impose. Soumise à une loi, l’éducation devient dépendante d’une institution dont le rôle marquera l’histoire de la France sur divers plans comme vous le découvrirez tout au long de cette étape. Toutefois, l’éducation ainsi légiférée ne devient pas pour autant chose aisée ; elle est même davantage interrogée, placée sous les projecteurs de la pédagogie et les enjeux d’une transmission égalitaire et respectueuse. L’étude des approches sociologiques du XX e siècle que nous vous proposerons, fera émerger cette lutte permanente contre les injustices qui persistent même dans le cadre d’une loi et qu’il faut constamment combattre. 1. La figure autoritaire du père-maître : Le patriarcat fragilisé Aux enfants « tyrannisés par leurs maîtres ou rossés par leurs parents » : c’est à eux que Jules Vallès dédie son œuvre. Dans ce propos liminaire, le père est doublement représenté. En effet, le personnage de M. Vingtras est à la fois maître et parent, tyran et violent. Cependant, contrairement à la mère qui bat l’enfant, la figure paternelle est coupable d’une violence plus sourde, spectatrice passive des coups donnés par son épouse. Reprendre le parcours du père dans ce premier volet de la trilogie nous permettra donc d’interroger conjointe- ment les figures paternelle et enseignante qui ne seront ni dans l’éducation, ni dans la transmission mais qui ainsi, paradoxalement, permettront l’émancipation du jeune Vingtras. Dans le chapitre inaugural dédié à l’épouse Vingtras (cf. A.3.), la première évocation du père est celle d’un homme blessé. Alors qu’il fabrique un chariot pour son jeune fils, il s’enfonce un outil tranchant dans la main. Immédiatement, la mère rejette la faute sur Jacques et l’enfant de devenir ainsi l’innocent- coupable qu’il restera longtemps, surtout aux yeux de celle qui lui a donné naissance… Mais qui est véritablement ce père « blessé » ? Quelle est son histoire ? Si le récit suit bien le parcours de l’« enfant », le parcours du père nous est dévoilé conjointement. CNED TERMINALE HUMANITÉ-LITTÉRATURE-PHILOSOPHIE 2 Toujours dans ce chapitre I, une analepse mentionne les origines paysannes du père et son abandon du séminaire pour devenir bachelier : « Mon père – celui qui devait être mon père – n’y est pas resté, a voulu être bachelier arriver aux honneurs… » La formule entre crochets peut se lire de deux manières : à cet instant, le « père » ne l’est pas encore mais le lecteur peut s’interroger sur la réalisation effective de ce devoir ; sera-t-il vraiment, après la naissance de Jacques, un « père » ? Dans le chapitre III, M. Vingtras père est devenu « professeur élémentaire », un maître détesté par ses élèves, détestation qui ressurgit sur le fils du maître fréquentant la même école… Quinze chapitres plus loin, si le père obtient de « nouvelles fonctions » et que cette promotion débouche sur un départ pour Nantes, rien ne change dans son rapport aux élèves qu’il effraie toujours. Tout se perd et rien ne se transforme. Cependant, du côté de Jacques, la peur a disparu et c’est le début de l’émancipation : « Je n’appartiens plus à mon père ». Ce « départ » qui donne son titre au chapitre XVIII sera suivi, au chapitre XXII, d’un autre départ – cette fois seulement du père et du fils – et qui est davantage une fuite. Une liaison adultère du jeune Vingtras a été découverte et le met en danger… La faute se loge désormais du côté du fils qui reste seul dans la capitale et qui s’échappe peu à peu de tout système éducatif. Arrêt sur image : Quand le vent de la révolte se lève… Figure 1. « Une émeute », Honoré Daumier, 20 novembre 1845. Caricature publiée dans le Charivari. CNED TERMINALE HUMANITÉ-LITTÉRATURE-PHILOSOPHIE 3 Dans le chapitre « Le retour », Jacques revient à Nantes et sa décision est prise : il arrêtera ses études et « VEU[T] ÊTRE OUVRIER 1 », inversant le mouvement émancipateur du père qui a tout fait pour sortir du monde paysan dont il était originaire. Les derniers efforts autoritaires du père sont vains ; la mise au point « Vous êtes mon fils, je suis votre père » n’atteindra pas sa cible et restera lettre morte… Toutefois, L ’Enfant ne s’arrête pas avec ce « retour » ; dans « La délivrance », la relation père-fils se complexifie. Dans cet ultime chapitre du livre, il est encore question de ruptures : le père est un homme trompé par sa femme, il « manque » la classe puis les voisins prétendent que « le fils Vingtras […] a voulu assassiner son père ». Un temps, Jacques Vingtras y a pensé et en a même rêvé. Incarcéré, c’est la pensée de Paris qui sauve ce Jacques devenant Rastignac : « j’irai à Paris après […] Je défendrai les DROITS DE L ’ENFANT 2, comme d’autres les DROITS DE L ’HOMME 3. Je demanderai si les pères ont liberté de vie et de mort sur le corps et l’âme de leur fils ». Mais ce parricide n’était que rumeur et c’est innocenté que Jacques sort de prison. Que va-t-il désormais faire ? Un extrait à épingler… « « Tu vas me quitter ! » dit-elle 4 en sanglotant. Je veux me lever tout de suite pour ramasser un peu mes livres, faire ma petite malle, et je lui demande mes habits. Ce sont ceux du duel. Ma mère les apporte. Elle aperçoit mon pantalon avec un trou et taché de sang. « Je ne sais pas si le sang s’en ira…la couleur partira avec, bien sûr… » Elle donne encore un coup de brosse, passe un petit linge mouillé, fait ce qu’il faut – elle a toujours eu si soin de ma toilette ! – mais finit par dire en hochant la tête : « Tu dois, ça ne s’en va pas… Une autre fois, Jacques, mets au moins ton vieux pantalon ! » » L ’Enfant, extrait du chapitre XXV « La délivrance », 1878. Quelques années plus tard…De L’Enfant à L’Insurgé Dans ces quelques lignes extraites de L’Insurgé, dernier volet de la trilogie, Jacques évoque ses « blessures » d’enfance, stigmates de la jeunesse perdue : « J’ai pris des morceaux de ma vie, et je les ai cousus aux morceaux de la vie des autres, riant quand l’envie m’en venait, grinçant des dents quand des souvenirs d’humiliation me grattaient la chair sur les os – comme la viande sur un manche de côtelette, tandis que le sang pisse sous le couteau. Mais je viens de sauver l’honneur à tout un bataillon de jeunes gens qui avaient lu les Scènes de Bohème 5 et qui croyaient à cette existence insouciante et rose, pauvres dupes à qui j’ai crié́ la vérité́ ! […] Je ne les plaindrai pas, moi qui ai déchiré́ les bandages de mes blessures pour leur montrer quel trou font, dans un cœur d’homme, dix ans de jeunesse perdue ! » L ’Insurgé, extrait du chapitre III, 1886. 1 En majuscules dans le texte. 2 Idem. 3 Idem. 4 Jacques est avec sa mère. 5 La lecture des Scènes de Bohème renvoie à l’œuvre de Henri Murger Scènes de la vie de Bohème qui paraît en 1851. MON MARQUE-PAGE N° 2 – Le chapitre XXV « La délivrance » : Tache de sang, tache du père, tâche du fils… Dans une version moderne du père déshonoré à venger, Jacques se mue en Rodrigue pour se battre en duel contre le frère d’un élève frappé par M. Vingtras. Blessé, c’est avec un pantalon taché de sang que le personnage entre « dans la vie d’homme ». CNED TERMINALE HUMANITÉ-LITTÉRATURE-PHILOSOPHIE 4 À vous uploads/Litterature/ 7lp06te0120-etape-2-partie-b.pdf

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