Hans Blüher POUR UNE RENAISSANCE DE L’ACADÉMIE PLATONICIENNE (Die Wiedergeburt

Hans Blüher POUR UNE RENAISSANCE DE L’ACADÉMIE PLATONICIENNE (Die Wiedergeburt der platonischen Akademie) Vie d’Hans Blüher1 Hans Blüher naît le 17 février 1888 à Freiburg, en Silésie – où son père est pharmacien – et meurt le 4 février 1955 à Berlin. En 1897, il s’installe à Berlin avec ses parents, et fréquente le lycée de Steglitz. C’est là que le mouvement des Wandervögel ("Oiseaux migrateurs"), voué à la randonnée, prend son essor, au beau milieu de 1 La présente notice biographique ouvre l’ouvrage “POUR UNE RENAISSANCE DE L’ACADÉMIE PLATONICIENNE” suivi de: “EMPÉDOCLE OU LE SACREMENT DE LA MORT VOLONTAIRE” (© L’Avrillée, Paris, 1998) 2 l’industrialisation tambour battant voulue par le Reich wilhelminien. Ce mouvement de jeunesse est tout à la fois une révolution contre la culture des parents, une échappée loin de l’autorité du corps enseignant – lequel prétend maintenir la jeunesse sous sa coupe et s’efforce d’interdire les corporations d’élèves –, un besoin d’autonomie libératrice, et un ressourcement dans la nature sauvage. Alors que le mouvement est tout jeune encore, Blüher s’y joint. Passionné de photographie, il éternise sur ses plaques les paysages cimmériens qui étalent leur froide beauté dans le nord de l’Allemagne: « Lorsque, devant moi, le soleil voilé par la vapeur du matin point au-dessus d’une clairière brumale … » Les randonneurs ne sont alors qu’une quinzaine. À l’approche de la première guerre mondiale, ils seront plusieurs dizaines de milliers. Blüher décide de se faire leur historien, et entreprend son “Wandervogel, Histoire d’un Mouvement de Jeunesse”, tout d’abord pour faire pièce à une tendance bourgeoise à l’intérieur du mouvement, laquelle entend vider le Wandervogel de son caractère insurgé en le réduisant à une banale association d’excursionnistes. Après le lycée, Blüher étudie la philosophie, la philologie, la physique et les sciences naturelles aux universités de Bâle et de Berlin. À sa majorité, c’est-à-dire à 21 ans, gagné à un athéisme de même fondement intellectuel que celui de Schopenhauer et Nietzsche, Blüher fait supprimer des registres de l’état-civil l’inscription qui le déclare de religion protestante. Il reviendra sur cette décision sous le Troisième Reich. En 1912, Blüher s’apprête à publier son “Wandervogel, Histoire d’un Mouvement de Jeunesse”. Or, l’œuvre produit au jour une réalité officiellement indésirable: le rôle de l’éros inter-masculin dans la confraternité qui rassemble les garçons. Il est donc prévisible qu’elle fera l’effet d’une bombe. Blüher, désireux de recueillir, avant publication, des avis autorisés sur les interprétations psychologiques avancées dans son ouvrage, rencontre Sigmund Freud. Celui-ci, qui a quarante ans et brille des 3 premiers rayons d’une gloire internationale, est intéressé par le livre au point de chercher un éditeur pour le jeune homme de 23 ans sans titre ni fonction qui en est l’auteur (ce qui n’aboutira pas, car ces éditeurs exigeront des changements). Freud entretient avec Blüher une importante correspondance, et porte ce jugement sur l’homme et l’œuvre: « Vous êtes une forte intelligence, un observateur pénétrant et un homme de courage, sans beaucoup d’inhi-bitions. Ce que j’ai lu de vous est plus sensé que l’essentiel de la littérature homosexuelle, et mieux fondé que la plupart des écrits médicaux » (10 juin 1912). Les théories de Freud avaient déjà fait découvrir à Blüher l’inconscient, lui fournissant une notion essentielle à la compréhension des phénomènes mentaux et sociaux qui entourent l’inversion sexuelle: le refoulement. Blüher conservera toute sa vie estime et admiration pour Freud, qui, de son côté, ouvre les colonnes des revues de psychologie à Blüher, afin que celui-ci y expose ses vues sur l’éros inter- masculin. Néanmoins, Blüher gardera un jugement très défavorable sur la psychanalyse: « Je me rendis compte très tôt que la psychanalyse est matérialiste, et participe à la destruction de la civilisation européenne, […] que c’est la négation des valeurs les plus élevées. » Et de conclure: « Les névroses ne s’expliquent pas hors du système de Freud, mais je m’aperçus bien vite que, quant aux remèdes, la psychanalyse n’est d’aucun secours. » Blüher écrira de son côté un traité médical sur l’effet des névroses (“Traité de l’Art de guérir”, 1925), et sera le seul non-médecin admis au sein de la Société allemande de Psychothérapie. En 1912 toujours, paraît le troisième tome de “Wandervogel, Histoire d’un Mouvement de Jeunesse”. Il alimente d’âpres discussions autour des feux de camp. La presse polémique, et la partie de l’encadrement Wandervogel qui brigue une reconnaissance officielle est atterrée. Heureusement, l’œuvre enlève les suffrages de la critique qui compte: le poète Oskar Schirmer jugera que ce récit, «qui embrasse toute la vérité 4 précisément parce qu’il est poésie», est désormais un monument de la littérature allemande; un universitaire de Cambridge, le Dr Bussman, estimera que «Blüher révolutionne la langue allemande». Blüher est renvoyé de l’université sans diplôme suite à la publication de plusieurs textes contestataires (notamment “Ulrich von Wilamowitz et l’Esprit allemand”, publié en 1916. Wilamowitz, alors recteur de l’Université de Berlin, ayant voulu salir l’amour grec, l’étudiant Blüher se permit d’écrire: «Si j’étais un Grec de l’Antiquité redescendu sur terre et que j’entendisse M. Wilamowitz tenir de tels propos sur mes sentiments fondamentaux, je préférerais causer par signes avec les charretiers allemands, plutôt que d’échanger un seul mot de grec avec ce monsieur.»). Il s’intéresse de près à la Libre Communauté scolaire de Gustav Wyneken. En 1917, Blüher théorise, dans “Le rôle de l’érotique dans la société masculine”, les contributions respectives de la famille et de la société masculine à la construction de l’État (réflexion commencée dans “Wandervogel, Histoire d’un Mouvement de Jeunesse”). Le livre choque. La police interdit à Blüher de prendre la parole dans les réunions publiques. C’est que Blüher dévoile dans cette étude un phénomène social puissant, illustré par le Wandervogel mais malvoulu dans nos sociétés modernes, qu’on peut résumer comme suit: les institutions de l’État, purement masculines, sont le résultat d’un éros spécifique (qui n’implique pas forcément la libido sexuelle), d’une impulsion à vouloir vivre ensemble. Les mâles d’une collectivité sont ainsi poussés à se retrouver à part de la famille, pour faire œuvre commune dans une entente tacite et informelle, en sorte d’apporter une âme et un sens au destin de cette collectivité. Au contraire, la famille, cellule tournée vers ses propres intérêts de survie, a un but utilitaire: assurer matériellement la continuité des générations. Blüher accède à la notoriété. Gottfried Benn et Theodor Däubler 5 entrent en relation avec lui. Rainer Maria Rilke le découvre et l’admire. À la fin de la guerre, l’effondrement de l’Allemagne est concomitante de la victoire de la révolution bolchevique en Russie. Certains préparent la même révolution en Allemagne. Le royaume de Prusse, origine de l’Empire allemand, n’existe plus en tant que nation politique. Les retentissantes attaques menées par Blüher contre la morale sexuelle christiano-bourgeoise laissent à penser qu’il sera un homme de la gauche victorieuse. Ainsi, il est invité à Munich par Salomon Kosmanovski (alias Kurt Eisner), qui vient de déposer la dynastie bavaroise millénaire et de se proclamer premier ministre. Deux figures de la militance de gauche, le philosophe Martin Buber et l’anarchiste Gustav Landauer, avec lesquels Blüher entretient un débat amical, controversent avec des militants encore plus à gauche sur l’opportunité d’instaurer un régime de soviets en Allemagne et sollicitent la participation de Blüher. Il prend alors conscience que ces idées drainent des foules qui représentent un matériel humain marqué au mauvais coin, et répond par une carte postale sur laquelle il s’affirme royaliste et conservateur. Il a choisi son camp, et décide de s’impliquer politiquement. À Munich, il renoue avec la Jeunesse libre-allemande, créée en 1913 par une action commune de groupes principalement Wandervögel afin de faire vivre une culture propre à la jeunesse. Cette Jeunesse libre-allemande est la cible de récupérations politiques (plus tard, le fractionnisme la démembrera). Blüher s’engage contre la politique politicienne et pour faire droit aux valeurs élitaires de la seule jeunesse. Il entreprend une tournée de conférences auprès des jeunes gens des ligues. « À cette époque », se rappellerat-il plus tard, « se rassemblait autour de moi une jeunesse qui avait de la prestance et portait souvent l’uniforme, des garçons bien nés, au cœur bien placé. » C’est pour eux qu’il publie: “Apophtegmes: la Jeunesse libre-allemande comme Classe dans l’État”. Il mobilise pour la contre- révolution, et participe aux Corps francs. 6 En 1918, il rencontre une jeune fille des troupes féminines du Wandervogel, surnommée par lui Peregrina – la pèlerine –, mystique et inspirée. Entourée d’une cour de jeunes filles assidues, elle paraît à Blüher une « reine », c’est-à-dire la réplique féminine du héros, lequel dynamise les sociétés masculines. C’est à son instigation que Blüher se réconcilie avec le christianisme, et met en chantier ses ouvrages christiques. (Notons que le christianisme, chez Blüher, s’écarte fortement de l’interprétation éthique et spirituelle que lui veulent les Églises, en sorte de revenir, en un certain sens, à une vision antique qui déifie la nature humaine.) Peregrina sera le grand amour féminin de sa vie. Néanmoins, elle le quittera au bout de deux ans pour un banquier. Plus tard, Blüher épousera une femme uploads/Litterature/ hans-blueher-renaissance-de-l-x27-academie-platonicienne.pdf

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