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HISTOIRE DE LA STYLISTIQUE https://philo- lettres.fr/old/litterature_francaise/histoire_de_la_stylistique.ht m Naissance de la rhétorique La rhétorique grecque La rhétorique romaine La rhétorique contemporaine NAISSANCE DE LA RHÉTORIQUE. Selon une légende, la rhétorique serait née en Sicile, vers 465 avant J-C, en réaction à la tyrannie d'Hiéron de Syracuse. Le premier nom connu est celui de Korax (probablement un surnom, car le nom signifie "corbeau" !), qui aurait édité un recueil de conseils concernant l'éloquence judiciaire. Il s'agit bien alors, comme l'affirme Socrate, d'un "savoir-faire", destiné à aider les plaideurs à gagner leur procès. Korax, ainsi que son élève Tisias, enseignent la rhétorique dans la première moitié du 5ème siècle. Ils sont sans doute à l'origine des principales parties du discours : l'exorde, la narration, la discussion, la péroraison, et peut-être de la notion de vraisemblance, dont les Sophistes et les rhéteurs feront grand usage : un homme est accusé d'avoir frappé un voisin. Est-il faible ? l'accusation est invraisemblable : il n'aurait pu le faire. Est-il fort ? Elle ne l'est pas davantage, puisqu'il était certain d'être accusé... Puis l'éloquence gagne la Grèce continentale, notamment grâce à deux personnages surtout connus au travers des œuvres de Platon : Protagoras (486-410) et Gorgias (485-374). Protagoras aurait codifié les règles de la dialectique, c'est à dire l'art d'opposer deux thèses. Disciple de Démocrite, et abdéritain comme lui, il aurait aussi distingué les types de discours (vœu, interrogation, réponse, injonction...) et les temps des verbes. Il aurait été expulsé d'Athènes après un discours où il aurait montré qu'il était impossible de démontrer l'existence des Dieux. Il affirmait par ailleurs que sur n'importe quel sujet, il est possible de démontrer aussi bien une thèse que la thèse adverse. Gorgias, quant à lui, enseigne la dimension proprement littéraire de l'art oratoire, notamment par l'usage des figures et des tropes, si l'on en croit Suidas et Denys d'Halicarnasse (cf. Les Présocratiques, édition de la Pléiade, Gallimard 1988, p. 1010 et suivantes) ; ce serait lui aussi, d'après Diodore de Sicile, qui aurait conseillé aux Athéniens la désastreuse expédition de Sicile, sa ville, Léontium, étant menacée par les Syracusains. La rhétorique, à ses yeux proches de la poésie, n'est plus seulement un savoir-faire purement pratique : elle acquiert ses lettres de noblesse, devenant même un instrument de pouvoir, voire même un instrument de connaissance : Gorgias affirme en effet, que quiconque ne connaîtrait pas le juste et l'injuste, les apprendrait chez lui ! cf. Gorgias, p. 150. C'est ce qui vaudra à la rhétorique la condamnation de Socrate et de Platon : la rhétorique, qui n'est ni moyen de connaissance, ni moyen du seul pouvoir qui compte, celui de vivre selon la justice, n'est rien d'autre qu'un art du mensonge, de la flatterie : comme la cuisine par rapport à la médecine, la rhétorique "vise à l'agréable sans souci du meilleur. Un art ? J'affirme que ce n'en est pas un, rien qu'un savoir-faire [...], rien qu'une pratique qui agit sans raison." Et plus loin, Platon met la rhétorique sur le même plan que l'art du maquillage : "chose malhonnête, trompeuse, vulgaire, servile, et qui fait illusion..." (465a, p. 162). La condamnation est sans appel ! La rhétorique n'en mourut pas, au contraire. Le rhétoricien non plus : il vécut de 105 à 109 ans selon les sources. Isocrate (436- 338), célèbre orateur et disciple de Gorgias, enseigne une prose claire, efficace ; pour lui, l'enseignement de la rhétorique ne se sépare pas d'une solide formation morale : en apprenant à régler son discours, on apprend aussi à régler sa vie... LA RHÉTHORIQUE GRECQUE La fin du 5ème siècle et la première moitié du 4ème siècle, qui voient les derniers feux de la démocratie athénienne, avant que celle-ci ne soit engloutie dans les conquêtes de Philippe de Macédoine, puis d'Alexandre le grand, voient aussi l'émergence de l'art oratoire comme genre littéraire à part entière ; de très grands orateurs se partagent la vedette : Antiphon (479- 411) ; Lysias (440-378) dont le frère fut assassiné par les "Trente tyrans", avocat ; Démosthène (384-322, qui consacra la plus grande partie de sa vie à tenter d'alerter ses concitoyens sur les dangers de l'expansionnisme macédonien ; et son adversaire Eschine (389-314)... Isocrate, enfin, dont on a parlé plus haut. Tous ces orateurs, qui mettent leur art au service soit des tribunaux (comme "logographes" : la profession d'avocat n'existait pas à Athènes, et l'on devait se défendre soi-même ; mais l'on pouvait faire appel à des professionnels qui écrivaient le discours que l'on n'avait plus qu'à prononcer... Lysias et Isocrate furent d'excellents logographes), soit au service de causes politiques et patriotiques. C'est alors que les règles de l'art oratoire se codifient peu à peu. Il reviendra à Aristote de les synthétiser. La période hellénistique : Voici ce qu'en dit Cicéron dans le Brutus : At uero extra Graeciam magna dicendi studia fuerunt maximique huic laudi habiti honores illustre oratorum nomen reddiderunt. Nam ut semel e Piraeo eloquentia euecta est, omnes peragrauit insulas atque ita peregrinata tota Asia est, ut se externis obtineret moribus, omnemque illam salubritatem Atticae dictionis et quasi sanitatem perderet ac loqui paene dedisceret. Hinc Asiatici oratores, non contemnendi quidem ne celeritate nec copia, sed parum pressi et nimis redundantes. Traduction : Hors de la Grèce propre, le goût de l'éloquence se répandit beaucoup et les honneurs prodigués à cet art donnèrent de l'éclat au nom des orateurs. Une fois que, sortie du Pirée, l'éloquence eût été portée au dehors, elle parcourut toutes les îles et voyagea à travers l'Asie entière, si bien qu'au contact d'autres mœurs elle prit un vernis exotique, perdit toute cette pureté de langage, ce qu'on pourrait appeler cette santé qu'elle avait en Attique, et en vint presque à ne plus savoir parler naturellement. De là naquirent les orateurs Asiatiques, dont l'imagination et l'abondance ne sont certes pas à mépriser, mais dont le style est peu serré et trop redondant. (Brutus, XIII, 51, traduction de Jules Martha, éditions Les Belles Lettres, 1931.) LA RHÉTHORIQUE ROMAINE L'époque romaine perpétue la rhétorique et la poétique telles qu'elles ont été définies par Aristote : citons les exemples de Cicéron (106-43 av. J-C) (dont le Pro Milone est un exemple d'école d'un discours politique, et qui a beaucoup écrit sur l'art oratoire : De Oratore, L'Orateur, Brutus...), de Quintilien (30-98 ap. J-C), Sénèque et Tacite (55-120 ap. J-C). Dans son Brutus, Cicéron dresse le panorama de l'éloquence romaine jusqu'à lui-même ; il commence par analyser ses sources grecques : les "orateurs attiques". Il admire Lysias, tout en critiquant l'atticisme, qu'il juge "trop sec" ; Chez les chrétiens, le trivium (grammaire, rhétorique, dialectique) devient le fondement de la culture occidentale du Vème eu VIIIème siècle, et l'art du discours (ars dicendi) en est la pièce maîtresse : l'orateur doit savoir "instruire, charmer, et convaincre", disait Saint-Augustin. Après avoir été largement enseignée dans l'antiquité gréco- romaine, puis à la Renaissance (traités de Gibert, de Crevier, suivis plus tard par Dumarsais et Fontanier), la rhétorique sera remplacée par le cartésianisme et le rationalisme scientifique. Entre temps, au moyen-âge, elle est devenue une matière théorique, détachée du réel, enseignée dans les monastères. Au 17ème et 18ème siècle, la rhétorique est une discipline enseignée dans le cadre des "humanités". Avec la classe de poésie, elle compose un cycle d’études supérieures préparant la classe de philosophie. Elle est alors considérée comme une science du style. Qu'est-ce que la rhétorique ? Pour l'ensemble de ce chapitre, nous devons beaucoup à un petit ouvrage de Georges MOLINIÉ : La Stylistique, éditions PUF, coll. Que Sais-je, 1989. Il existe trois types de rhétorique : La plus ancienne, celle dont il est question ici ainsi que chez Aristote, est liée à l'argumentation : la pratique langagière qui correspond est l'art oratoire, qui vise à la justification et à la persuasion par le discours : on voit bien là en quoi les valeurs de "vérité" et de "justice" sont au cœur de la définition platonicienne de la rhétorique ! Cette rhétorique (qui se poursuivra à Rome et jusqu'au Moyen-Âge, comporte elle-même plusieurs parties : o l'invention (sélection des "topoi", des motifs, les plus efficaces en fonction des circonstances) o la disposition, ou l'art d'organiser son discours - avec la succession très codifiée de la "captatio benivolentiae", de l'exposé du sujet, de la réfutation de la thèse adverse... nos dissertations à "plan dialectique" (thèse, antithèse, synthèse) sont les héritières de cette "disposition" ; o l'élocution, ou arrangement du style : c'est alors qu'apparaît la théorie des "niveaux de langue", en trois sous-groupes : simple ou familier, neutre ou courant, noble ou soutenu. La rhétorique des figures trouve sa source dans la Poétique d'Aristote ; elle aboutira aux manuels dont les plus connus sont le Traité des Tropes, du Du Marsais (18ème siècle) et Les Figures du discours, de Fontanier. Plus récemment, le groupe liégeois de linguistes formalistes, m, a proposé une organisation sémantique générale de ce vaste ensemble protéiforme. L'un des derniers avatars de cette rhétorique des figures (qui consiste d'ailleurs essentiellement à uploads/Litterature/ histoire-de-la-stylistique.pdf

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