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3/12/21 19:21 Histoire du naturisme - Introduction - Presses universitaires de Rennes https://books.openedition.org/pur/22874 1/12 1 Presses universitaires de Rennes Histoire du naturisme | Arnaud Baubérot Introduction p. 9-15 Entradas de índice Índice geográfico : France Texto completo « Retournons à la nature ! Avec l’abondance, l’homme retrouvera la joie,car dans "l’État naturel" il n’y a pas de phtisiques, il n’y a pas de névrosés, il n’y a pas de prostituées, mais il y a de l’air pur dans la forêt profonde et de la place pour chacun au grand soleil », affirmait à l’extrême fin du xixe siècle l’anarchiste « naturien » Émile 3/12/21 19:21 Histoire du naturisme - Introduction - Presses universitaires de Rennes https://books.openedition.org/pur/22874 2/12 2 3 4 Bisson1 « Revenons à la nature et régénérons nous », s’exclamait à son tour le médecin culturiste Georges Rouhet, à la veille de la Grande Guerre2. Quinze ans plus tard, le publiciste Marcel Kienné de Mongeot, principal promoteur du nudisme en France, déclare encore : « Chaque fois que nous faisons une infraction aux lois de la Nature, nous commettons un crime de lèse-humanité, puisque nous détruisons la puissance de vie de nos cellules et que nous sommes nous-mêmes des cellules de la société dont nous amoindrissons ainsi la vigueur et la santé3 ». Indissolublement liée au couple dégénération-régénération, la thématique du retour à la nature joue dans l’histoire des sociétés occidentales un rôle que l’on ne peut négliger, tant par les discours que par les expériences et les réalisations qu’elle suscite. Parmi ceux-ci, le naturisme, vaste projet de réforme des modes de vie par le retour à la nature qui émerge en France à l’aube du xxe siècle, occupe une place originale en raison de la variété des milieux sociaux qu’il concerne et de la diversité des formes par lesquelles se manifeste son ambition régénératrice. De cette originalité, cependant, découle la principale difficulté à laquelle se heurte l’élaboration d’une histoire du naturisme contemporain. En effet, il n’existe pas, dans les décennies qui précèdent la Grande Guerre, de mouvement naturiste unifié, attaché à la promotion d’une doctrine et d’un ensemble de pratiques sociales clairement identifiées. C’est en vain que l’on rechercherait dans la littérature de l’époque des critères clairs et définitifs permettant de dire ce qu’est le naturisme et ce qu’il n’est pas. Pourtant, on retrouve sous la plume d’un certain nombre d’auteurs — des médecins généralement - l’expression d’une vision particulière de l’homme, des règles qui s’imposent à la conduite de son existence et de ses rapports avec son environnement qui, rompant avec les conceptions dominantes, justifie un programme de réforme des mœurs généralement qualifié de « naturiste » par ses partisans. Cette vision repose sur l’idée selon laquelle le corps humain est doué d’une force vitale, d’une capacité propre à résister 3/12/21 19:21 Histoire du naturisme - Introduction - Presses universitaires de Rennes https://books.openedition.org/pur/22874 3/12 aux maladies et à se maintenir en bonne santé. Héritée de la médecine néo-hippocratique et vitaliste des Lumières, cette thèse a perduré tout au long du xixe siècle, incitant les médecins qui la partageaient à la prudence, voire à l’abstention en matière thérapeutique. Fragilisée par la révolution pasteurienne et la démonstration du rôle pathogène des microbes, elle se voit renouvelée et consolidée par les découvertes de l’immunologie. À l’aube du xxe siècle, la position défendue par quelques ténors de la faculté de médecine, apôtres de l’hygiène sociale, qui soutiennent que les maladies résultent moins des offensives microbiennes que de l’incapacité des organismes affaiblis à leur résister, alimente un certain scepticisme quant à l’intérêt des traitements chimiques. Par ailleurs, marqués par une tradition hygiéniste séculaire aussi bien que par l’abondante littérature qui, depuis le Traité des dégénérescences du docteur Morel4, rumine le thème de la décadence biologique des populations, ces médecins s’attachent à établir un lien formel entre modes de vie modernes et affaiblissement des capacités de résistance de l’organisme. Parce qu’il est de moins en moins soumis à la nécessité de l’effort physique et à la stimulation vivifiante des éléments naturels, parce qu’il ne peut plus recharger son énergie vitale à leur contact ou parce qu’il enfreint continuellement les lois de la nature, l’homme moderne s’affaiblit, se rabougrit, dégénère. Le retour à la nature semble alors le seul remède à la décadence contemporaine. Quelle que soit la manière dont les auteurs naturistes envisagent cette « nature », celle-ci est toujours associée, d’une part, à la certitude que le contact des éléments naturels est propice à la santé du corps et de l’esprit et, d’autre part, à l’idée qu’un ensemble de lois intangibles - les « lois naturelles » - s’imposent à la raison. Le naturisme s’envisage alors comme un programme de réforme hygiénique des modes de vie dont l’objectif affirmé est de rendre les mœurs conformes à ces lois. Quels que soient les auteurs ou les groupements que l’on considère, le naturisme est donc toujours associé à la modération dans l’alimentation, à l’abandon des substances toxiques ou 3/12/21 19:21 Histoire du naturisme - Introduction - Presses universitaires de Rennes https://books.openedition.org/pur/22874 4/12 5 excitantes — et plus particulièrement de la viande, de l’alcool et du tabac -, à l’allégement du vêtement, à l’entretien de la propreté corporelle, à la pratique des exercices physiques et à l’exposition régulière du corps aux éléments naturels. Ainsi, en dépit de l’absence d’une définition stricte et unanimement partagée de ce qu’est le naturisme, en dépit même de la grande diversité des milieux qui adhèrent à ce projet de régénération, on peut parvenir à cerner un courant naturiste dont l’unité, sinon l’homogénéité, repose sur un ensemble de convictions et de comportements communs. Derrière la diversité des formes que peuvent prendre la critique du progrès et le projet de régénérer l’homme par la nature se profile l’aspiration, formulée plus ou moins clairement, au retour à un ordre ancien rompu par l’entrée dans la modernité. Séduisantes - et probablement pertinentes -, certaines approches anthropologiques ont souligné le caractère récurrent de cette thématique, nous invitant à discerner dans la quête de l’état naturel la permanence de grands mythes universels de l’humanité5 : la nostalgie du paradis perdu, l’espérance en l’avènement d’un Âge d’or et la volonté de retour à l’état de nature originel. Il n’en reste pas moins — et les anthropologues ne sont pas les derniers à l’admettre - que ces mythes sont portés par des groupes humains particuliers, en des lieux et à des époques divers, et sont donc travaillés et façonnés sans cesse par le contexte dans lequel ils s’expriment. S’il est vain de prétendre ajouter une pierre au débat sur l’universalité des mythes, du moins peut-on affirmer sans crainte que les croyances, les espérances et les réalisations que contribuent à produire les mythes qui animent les sociétés humaines restent toujours historiquement, socialement et culturellement déterminés. En prenant le naturisme pour objet d’étude, nous ne prétendons donc pas rechercher les indices de la permanence d’un mythe universel dans la société contemporaine ni tenter de déterminer de quelle manière un ensemble de thèmes se combine dans différents récits mythiques. De telles entreprises dépassent à la fois notre ambition et nos compétences. En revanche, nous 3/12/21 19:21 Histoire du naturisme - Introduction - Presses universitaires de Rennes https://books.openedition.org/pur/22874 5/12 6 7 avons voulu étudier la façon dont certains groupes sociaux, dans la France des trois premières décennies du xxe siècle, en viennent à adhérer au mythe du retour à la nature, et comment cette adhésion donne lieu à un ensemble de croyances et de pratiques sociales spécifiques à travers lesquelles se dessinent les contours d’une sous-culture particulière. Notre postulat de départ, selon lequel l’aspiration au retour à la nature qui fonde le naturisme revêt un caractère mythique, nous impose de préciser ce que nous entendons par mythe. Nous pouvons l’appréhender à travers trois dimensions qui le caractérisent. Il est tout d’abord un récit portant sur le monde, son origine, son organisation et sur la place de l’homme dans l’univers. Il est, ensuite, un objet de croyance à travers lequel s’élaborent des représentations collectives. Ces représentations, enfin, sont à la source de normes de comportement et de pratiques sociales spécifiques6 Certes, une telle définition est loin d’embrasser toute la richesse et la complexité des constructions mythiques et de leurs liens avec les formes sociales dont elles constituent les soubassements7. Nous la retenons néanmoins en ce qu’elle nous paraît la plus appropriée à l’objectif que nous poursuivons à travers l’histoire du naturisme contemporain. Cette définition, en effet, nous conduit à accorder plus d’importance à la fonction et aux effets sociaux des mythes qu’à leur sens, leur structure interne et leur éventuelle permanence. Elle permet donc d’envisager le mythe à travers ses enjeux culturels et sociaux et de le considérer non seulement comme un système de représentations collectives — sans se préoccuper du sens ni de l’organisation des symboles qu’il met en jeu —, mais également comme un élément de la dynamique sociale. Le thème de la régénération par le retour à la nature repose sur un récit légendaire. Certes, il n’existe pas un corpus uploads/Litterature/ histoire-du-naturisme-arnaud-bauberot.pdf
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- Publié le Oct 13, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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