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HAL Id: halshs-01565233 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01565233 Submitted on 19 Jul 2017 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. “ L’humour débridé de George Sand en privé : le secret bien conservé des premières pantomimes de Nohant ” Amélie Calderone To cite this version: Amélie Calderone. “ L’humour débridé de George Sand en privé : le secret bien conservé des premières pantomimes de Nohant ”. Cahiers George Sand, Les Amis de George Sand, 2017. ￿halshs-01565233￿ 1 L’humour débridé de George Sand en privé : le secret bien conservé des premières pantomimes de Nohant Amélie Calderone [version auteur] « - Tiens, un album de Madame Sand ? Oh ! Madame Sand n’est pas gaie ; ça va être ennuyeux… Comme Pandolphe, comme Comme il vous plaira, etc. » Lettre à Maurice Dudevant-Sand, [Nohant, 9 juin 1858], Correspondance, XIV, p. 765. George Sand en a conscience : s’il est une réputation tenace que les critiques de son époque lui ont forgée, c’est celle d’une auteur incapable de faire rire, surtout lorsqu’elle ambitionne de se mêler de théâtre. En mars 1852, Les Vacances de Pandolphe, une comédie inspirée de la commedia dell’arte, est donnée au Gymnase-Dramatique. La pièce est éreintée par les feuilletonistes. Le blâme principal est presque toujours le même : Sand, en mêlant la comédie italienne au marivaudage et au sentimentalisme « rurodramatique », a laissé s’échapper la drôlerie et la fantaisie des masques transalpins. Si Jules Janin reproche à l’auteur de s’être compromis dans la farce et la tabarinade1, Gautier a contrario déplore que la Sand dramaturge « se [fasse] un parti pris de froideur, de sobriété, d’insignifiance qui doute et déroute2 » : à ses yeux, un « souffle janséniste dessèche toutes [l]es belles fleurs » de son inspiration naturelle. Auguste Lirieux, dans Le Constitutionnel, argumente également en ce sens : son « arlequin de style3 » est un « petit concert philosophico-sentimental » et « le décor si gai et tout ce joli petit monde fantastique, tourne invinciblement à la mélancolie comme si l’on était dans le Berry4 ». Le jugement est sans appel : « On répond que Mme Sand n’a pas de comique ; nous le savons, de reste. Qu’elle ne fasse pas d’arlequinade, alors, qu’elle s’en tienne au sentiment ! ». C’est ainsi la moralité inhérente à la pièce qui se voit condamnée : […] Mme Sand a voulu démontrer : que la richesse est un embarras pour le cœur, et que les gens honnêtes sont le point de mire dans intrigans ; - forte démonstration morale dans une arlequinade, où la démonstration par les cabrioles et les coups de batte a surtout du succès. Mais il n’y a plus seulement de batte ! Il n’y a pas d’arlequin5 ! 1 Janin parodie Boileau critiquant au chant III de son Art poétique le Molière des Fourberies de Scapin : « Dans ce sac ridicule où Pierrot s’enfarine,/ Je ne reconnais plus l’auteur de Valentine ! » (Journal des Débats, 8 mars 1852, p. 3). 2 La Presse, 9 mars 1852, p. 1. 3 Le Constitutionnel, 10 mars 1852, p. 1, l’auteur souligne. Idem pour la citation qui suit. 4 Le Constitutionnel, 10 mars 1852, p. 2. Même source pour la référence suivante. 5 Le Constitutionnel, 10 mars 1852, p. 3. 2 Sand est, à la vérité, en grande partie responsable de cette réputation : elle met tout en œuvre pour réaliser ses « projets de moralisation douce et honnête, pour lesquels le théâtre est un grand moyen d’expansion6 ». Est-ce alors à dire que l’auteur serait incapable de produire des comédies drôles ? Assurément pas, si l’on en croit les premières pièces qu’elle compose pour le théâtre de Nohant, et qu’elle s’est toujours refusée à publier et à divulguer. Ces œuvres, pan refoulé de sa création dramatique, sont peuplées d’Arlequins, de Pierrots, de Cassandres et autres Scaramouches. Elles déploient une vis comica libre et débridée, inspirée des fantaisies de la farce, du théâtre de Molière ou de la commedia dell’arte. La veine grotesque et bouffonne, parfois même scatologique, qui caractérise ces œuvres, est inattendue chez une George Sand que la postérité a trop souvent réduite à ses ambitions moralisatrices. Elle est la preuve que Madame Sand, contrairement à ce qu’écrit Lirieux, « avait » du comique, quoiqu’elle ait œuvré pour que son image publique soit préservée de cet humour réservé aux happy few de Nohant. Farce et commedia à Nohant : un humour sandien méconnu Le 8 décembre 1846, le théâtre de Nohant est inauguré avec Le Druide peu délicat. Comme nombre des pièces qui seront inventées pour satisfaire les désirs d’un divertissement familial, le texte est peu détaillé : il se présente sous forme de résumé de l’action, scène par scène. Les canevas s’épaissiront au fil du temps, et laisseront parfois même place à la rédaction de dialogues. Délestée de toute ambition de faire œuvre littéraire, Sand y adopte une parole libre, et un langage parfois cru : les « coups de pied au cul » sont monnaie courante en ces productions, comme dans Cassandre persuadé7 (joué le 9 décembre 1846), ou dans La Barbe bleue8 (représentée le 25 décembre 1847). Influencée par divers théâtres populaires qu’elle mêle – veine moliéresque, pantomime, farce et commedia notamment – qui incarnent à ses yeux le retour aux origines du jeu et de la composition dramatiques, elle peuple ses scénarii de Scapin dansant avec le capitaine Fracasse (dans Thomiris reine des Amazones9), de Colombines « faisant la nique », ou de Cassandres pleurant (dans Cassandre persuadé10). Les scènes « de coups de pied, de danses et de passes11 » y sont « à volonté ». Les corps s’exhibent sur les tréteaux de Nohant jusque dans leurs dimensions les plus grotesques : Cassandre « tombe sur le nez12 », tandis qu’Arlequin, qui s’improvise médecin, « extirpe à Sbrigain une fausse dent, une énorme dent qui fait l’admiration de la société13 ». L’on ne s’étonnera ainsi pas de voir que de l’imagination sandienne naissent les scènes les plus bouffonnes telle celle où, Pierrot étant pris pour le maître de chapelle Kreysler, donne une leçon de musique et « accompagne [un morceau] en battant la mesure à faux et en gesticulant à la manière d’un maestro, puis […] rit, puis […] baille, [et] s’endort tout 6 George SAND, Lettre à Armand Barbès, Nohant, 27 août 1850, dans George SAND, Correspondance, Georges LUBIN (éd.), Paris, Garnier, « Classiques Garnier », 25 vol., 1964-1991, vol. IX, p. 671. Désormais abrégé en Corr., suivi du numéro de volume et des références de la source utilisée. 7 George SAND, Cassandre persuadé, dans Roberto CUPPONE, Théâtre inédit, documents et dessins de George Sand et Maurice Sand, Moncalieri, Centro Interuniversitario di Ricerche sul Viaggio in Italia, 1997, t. II, p. 27. Cette édition sera désormais notée TI. 8 George SAND, La Barbe bleue, scène 2. Manuscrit, Bibliothèque Historique de la Ville de Paris (BHVP), Fonds Sand, O 21, 10 feuillets. 9 George SAND, Thomiris reine des Amazones, II, 4, dans TI, p. 45. Thomiris est jouée le 11 décembre 1846. 10 George SAND, Cassandre persuadé, I, 3, dans TI, p. 28 ; et I, 4, p. 29. 11 Ibid., II, 1, p. 30. Idem pour la citation suivante. 12 George SAND, Cassandre persuadé, I, 1, dans TI, p. 28. 13 George SAND, Arlequin médecin, III, 3, dans TI, p. 102. La pièce est donnée le 1er novembre 1849. 3 debout14 » avant de se voir « tombe[r] sur le nez » – réveil brutal par le « grand éclat de voix » de son élève oblige. Ivrognes et goinfres se multiplient en ces œuvres d’une fantaisie immodérée pouvant aller jusqu’à l’humour scatologique. À cet égard, la « violente colique15 » du roi des Gaulois du Druide peu délicat doit se lire le germe à partir duquel se déploiera le truculent premier acte de Scaramouche brigand, qui connaît d’après Sand un « grand succès16 » le 10 décembre 1846. Le valet poltron, chargé de surveiller nuitamment la maison de campagne de son maître, est pris d’un besoin urgent. Les répliques ne font pas dans l’euphémisme : « Pouah ! Quelqu’un pue avec ça ! Serait-ce moi ? Ah fi ! Je vais m’embrener si ça continue17. » Face à la nécessité, Scaramouche, après avoir vainement envisagé un meuble puis la cheminée, n’a plus le choix : Il tient son derrière à deux mains et finit par s’aviser du pâté qu’il a vidé. Il prend la croûte, fonctionne, et recouvre ensuite le pâté avec son couvercle. Comme ivre de la liberté de création qu’elle s’autorise ici, Sand paraît uploads/Litterature/ humour-de-sand.pdf

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