Revue de l'histoire des religions Ibn 'Atâ' Allâh. La sagesse des maîtres soufi
Revue de l'histoire des religions Ibn 'Atâ' Allâh. La sagesse des maîtres soufis Pierre Lory Citer ce document / Cite this document : Lory Pierre. Ibn 'Atâ' Allâh. La sagesse des maîtres soufis. In: Revue de l'histoire des religions, tome 216, n°4, 1999. pp. 489- 491; https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1999_num_216_4_1087 Fichier pdf généré le 04/01/2019 COMPTES RENDUS 489 - elles délimitent et maintiennent les frontières entre les trois communautés. Ceux qui en paient le prix, évidemment, sont les victimes de cette violence, que ce soit la prostituée chrétienne brûlée ou le juif empoisonné pour avoir voulu se convertir au christianisme. Il existe encore un autre type de violence, la violence « sacrée » : l'attaque ritualisée contre les calls (quartiers juifs) de certaines villes catalanes pendant la semaine sainte. Dans plusieurs villes ces attaques étaient régulières ; souvent y participaient des abbés et des chanoines (et non pas seulement des marginaux, comme l'avaient affirmé d'autres historiens). Ces attaques consistaient généralement à lapider les portes et l'enceinte du call. Les violences contre les personnes étaient rares et généralement accidentelles, elles éclataient le plus souvent entre les attaquants et les agents royaux quand ceux-ci intervenaient pour défendre le call. Ces rites théâtralement organisés n'ont pas pour but la mort ou la conversion des juifs, ils représentent plutôt une vengeance symbolique du meurtre du Christ, imputé aux juifs. Parfois des musulmans participent aux côtés des chrétiens à ces attaques. Est-ce que ces rituels (finalement peu violents) contiennent in nuce les annonces des horribles massacres de 1348 et de 1391, comme le prétendent certains? Ou est-ce quej comme le suggère l'auteur, cette violence, loin d'exclure le juif, définit sa place dans la convivencia catalane ? La violence quotidienne (juridique ou privée) serait donc à la base d'une convivencia précaire, elle sert à délimiter les catégories sociales, non pas à les bouleverser. Dans son épilogue, l'auteur reconnaît que tout cela n'explique guère pourquoi cette convivencia précaire n'a pas duré, pourquoi la violence quotidienne et limitée a cédé à la conversion forcée, au massacre et à l'expulsion. Mais cette riche étude sera désormais une lecture obligatoire pour tous ceux qui s'intéressent à ces problèmes. John TOLAN, Université de Nantes. Ibn 'Atâ' ALLAH, La sagesse des maîtres soufis, traduit de l'arabe, annoté et présenté par E. Geoffroy, Paris, Éditions Grasset & Fasquelle, 1998, 25,5 cm, 314 p. («Les Écritures sacrées»), 130 F. Les recherches des islamisants sur la mystique musulmane se sont portées assez spontanément vers plusieurs domaines attirant plus naturellement le lectorat occidental. Il s'est agi tout d'abord de la poésie persane ('Attâr, Hâfez) dès le début du XIXe siècle, puis du soufisme dans son aspect doctrinal et historique (monographies de Massignon sur Hallâj, de Ritter sur 'Attâr par ex.). Des travaux 490 COMPTES RENDUS plus récents tentent d'explorer la vie spirituelle et matérielle des membres de confréries. L'écart séparant ces deux types de recherches ont conduit à opposer un « soufisme populaire » à une mystique plus élaborée des lettrés. Une- telle distinction se justifie sans doute du fait de la diversité même du tissu social où s'est implantée la pratique du soufisme, mais elle rend mal compte d'une part de l'éclectisme du recrutement des confréries et surtout de la circulation des idées qui en résulte. Le mérite de la présente traduction est de mettre à la portée du lectorat français un texte de portée « médiane » précisément, le Latâ'if dl-minan, qui est l'un des ouvrages les plus lus de la tradition shâdhilie, elle-même dominante dans l'Afrique du Nord et présente dans plusieurs autres régions du monde musulman. L'auteur, Ibn 'Atâ' Allah (Égyptien, m. en 1309), était un lettré, juriste de formation, affilié à l'enseignement du maître andalou al-Mursî à la suite d'une sorte de conversion (évoquée p. 140-143), et devenu après le décès de ce dernier en 1287 le troisième grand maître de la chaîne initiatique shâdhilie. Son ouvrage, s'adressant à un public large, est éloigné des spéculations parfois fort abstraites d'un Ibn 'Arabî ou de ses disciples, et cherche surtout à présenter la sainteté en acte, illustrée par un grand nombre de récits édifiants. Nous n'avons cependant pas affaire ici à une hagiographie naïve. Certains passages font appel à des éléments de doctrine, comme ses références à l'œuvre de Tirmidhî (p. 36-37, 106, 139), ou encore ses sentences d'une grande simplicité résumant ce que deviendrait bientôt la théorie soufie de l'unicité de l'existence : « Le soufi est celui qui en son être intime considère les créatures comme la poussière qui vole dans l'air ni existantes ni inexistantes ; seul le Seigneur des mondes sait ce qu'il en est » (citation de Shâd- hilî, p. 223). Ailleurs, il rapporte des interprétations ésotériques de passages coraniques données par son maître al-Mursî (chap. V). De façon plus générale, Ibn 'Atâ' Allah insiste sur l'idée de l'existence d'une hiérarchie invisible de saints gouvernant le monde terrestre, et il y consacre du reste de substantiels Prolégomènes. Tout le texte est soutenu, étayé par une vision précise de la sainteté, de la walâya - et plus particulièrement par le rôle du saint suprême, Pôle de l'univers. Son propos final est de montrer que la tradition shâdhilie est la dépositaire la plus évidente de cette sainteté, et que les maîtres fondateurs Abu al-Hasan al-Shâdhilî puis Abu al-'Abbâs al-Mursî ont bien occupé la fonction de Pôle. Le titre complet de l'ouvrage, propose E. Geoffroy, pourrait être traduit par Les touches subtiles de la grâce, ou des vertus spirituelles du shaykh Abu al-'Abbâs al-Mursî et de son maître Abu al-Hasan al-Shâdhilî. Il s'agit donc bien de justifier l'éminence d'une lignée spirituelle. Ceci dit, la teneur de plusieurs chapitres est plutôt d'ordre de la piété, et relève de la spiritualité appliquée : quel doit par exemple COMPTES RENDUS 491 être le rapport du disciple ou du maître shâdhilî face aux questions d'ascèse et de richesse ? Peut-il porter des marques distinctives de son affiliation ? La réponse est apportée par touches, par citations parcellaires et anecdotes (p. 51-52, 198, 225, 241-242, 256) soulignant bien la spécificité shâdhilie en la matière : le soufi véritable se doit d'éviter l'ascèse systématique, qui n'est qu'un moyen détourné de s'attacher au bas monde, et vivre dans une sobriété sans ostentation. Ces citations des maîtres, et principalement bien sûr d'al- Mursî, côtoient un grand nombre de récits de leurs miracles ou faits prodigieux accompagnant les événements de leur vie. Des songes divers de portée spirituelle viennent également s'intégrer aux données « diurnes » de l'enseignement transmis. Un mot enfin concernant la qualité du travail de traduction et de commentaire. Éric Geoffroy, qui enseigne l'arabe et la civilisation islamique à l'Université de Strasbourg, est un connaisseur eminent de la mystique musulmane médiévale (cf. son Soufisme en Egypte et en Syrie sous les derniers Mamelouks et les premiers Ottomans, 1995; et Djihâd et contemplation. Vie et enseignement d'un soufi au temps des Croisades, 1997). La précision de la traduction française (établie non seulement à l'aide des trois éditions courantes, mais aussi de deux manuscrits anciens), la présence de notes discrètes mais éclairantes sont utilement complétées par une Postface mettant en valeur les enjeux de la position d'Ibn 'Atâ' Allah au sujet de la sainteté. Mentionnons aussi l'utilité des index des noms propres et des termes techniques en arabe. Bref, nous avons affaire ici à un bel exemple de ce que les spécialistes peuvent accomplir pour fournir en textes classiques le lectorat intéressé, sous une forme claire, agréable à lire, et scientifiquement sûre. Pierre Lory, École Pratique des Hautes Études. Victor KLAGSBALD, A l'ombre de Dieu, Louvain, Éditions Peeters, 1997, XXXI- 150 p. Existe-t-il un art juif ou n'y a-t-il que des artistes juifs, d'excellente qualité sans doute, mais généralement peu soucieux, quelle que soit la mesure de leur intérêt pour le judaïsme ou celle de leur attachement à ses communautés, de se définir comme artistes juifs. On savait certes qu'il existait un art cérémoniel juif, mais on s'attachait surtout à montrer son caractère utilitaire et combien il avait subi l'influence de l'art chrétien contemporain, ce qui permettait bien entendu de lui refuser toute créativité et de le réduire, dans le meilleur des cas, à un rôle de témoin et d'illustrateur de la vie uploads/Litterature/ ibn-x27-ata-x27-allah-la-sagesse-des-maitres-soufis.pdf
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- Publié le Nov 07, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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