1 Introduction au Centiloquium Par Giuseppe Bezza [Après de longues années de r
1 Introduction au Centiloquium Par Giuseppe Bezza [Après de longues années de recherche accomplies avec Franco Martorello qui a établi le texte arabe du Centiloque, Giuseppe Bezza vient de faire publier, sous le titre Commento al Centiloquio tolemaïco, sa traduction tant attendue des textes arabe et grec du Centiloquium, accompagnée de leur commentaire, de notes, d’un glossaire, d’une bibliographie, et d’une introduction qui fait le point sur la question de la paternité du Centiloque, si discutée pendant des siècles. G. Bezza a eu accès à des documents exceptionnels qui présentent un intérêt astrologique immense. Ce livre possède une grande valeur. Vous trouverez ci-dessous ma traduction de cette Introduction au Centiloquium rédigée par Giuseppe Bezza. Danièle JAY] Dans sa préface à l’édition critique du texte grec du Centiloquium, Emilina Boer faisait observer qu’il n’était pas possible d’établir avec certitude qui était l’auteur de cet opuscule, un Syrien, un Grec ou un Arabe. Après soixante ans, on peut encore se ranger à cette amère conclusion et les hypothèses qui peuvent être avancées doivent encore attendre une étude consciencieuse de la tradition concernant ce petit texte écrit dans les trois langues : arabe, grecque, latine. Dans la mouvance arabe et au Moyen-Age latin, on faisait le rapprochement entre le Centiloquium, œuvre authentiquement considérée ptolémaïque, et le Quadripartitum, de sorte que le premier constituait le complément naturel du second. Déjà, dans sa préface au Quadripartitum, Ibn Ridwan faisait observer que celui qui lit le texte ptolémaïque sans s’arrêter sur la signification cachée de ses jugements, en ne découvrant pas les nombreux corollaires implicites de chaque théorème, est comme celui qui passe à côté d’un arbre riche et chargé de fruits, qu’il ne cueille pas1. Et, dans sa préface au Centiloquium, Corrado Hemgartner note que cette oeuvre contient le fruit de tous les livres d’astrologie, et en particulier celui de tout ce que Ptolémée a écrit dans le Quadripartitum2. Dans l’introduction à son commentaire du Centiloquium, au milieu du XVème siècle, Georges de Trébisonde dit que Ptolémée a nommé ce livre Karpôs, le fruit, car après le Quadripartitum et les autres traités d’astronomie, il en constitue l’issue naturelle, tout comme les fruits viennent après les branches, les feuilles et les fleurs. Ce livre, conclut-il, est comme le fruit : petit en quantité, grand en utilité3. Traduit en hébreu par Kalonymus ben Kalonymus en 1314, en 1 Ibn Ridwan, cc.2rb : « Verumtamen si bene non inspexeris et leviter per eum transiveris assimilaberis circa bonam arborem traneunti et de fructu suo non accipit et sic melius fuisset tibi ut non laborasses in legendo hunc librum ». 2 ms. BN-Paris lat. 7432 : « In hoc enim volumine fructus sub compendio omnium librorum astrologie continetur (…) est fructus omnium librorum quatuor parcium ». 3 « Fructum autem hunc librum appellavit, quia ex illis quadripartitis libris, huius libri documenta ita sequuntur, sicut ex ramis, folijs, floribus, fructus sequuntur (…). Adde quod sicut fructuum, sic huius quoque libri quantitas parva est, utilitas vero magna : quoniam centum hi Aphorismi sententiarum pleni sunt », Trapezuntius (1544 : cc.A7v). 2 même temps que le commentaire d’Ibn al-Daya (Steinschneider 1925 : 207), avec le titre de Sefer ha-Peri, Le Livre du fruit, il était déjà connu d’Ibn Ezra un siècle auparavant sous le titre de Sefer-ha-Ilan, Le Livre de l’arbre, (Sela 2003 : 241, 321). Nous sommes donc en présence d’une allégorie du fruit, d’un véritable arbor scientiarum. Cette allégorie transparaît dans le titre même de quelques manuscrits latins : dans le jugement de sa propre nativité, Henri Bate de Malines cite le Liber arboris ou Liber fructus arboris. Il en est de même dans certains manuscrits médiévaux4. Cette allégorie est bien présente dans la mouvance islamique : le titre même du commentaire de Nasir al-Din al-Tusi, pour lequel le Centiloquium constitue le complément, tamam, du Quadripartitum5, parle du fruit, tamara, des arbres, sajarat, de Ptolémée ; on peut encore citer le commentaire au verbum 72 d’Ibn al-Daya : nous y lisons que Ptolémée a exposé les racines dans l’Almageste, les branches dans le Quadripartitum, et ce livre en constitue le fruit. En même temps que le commentaire d’Ibn al-Daya, la première version latine du Centiloquium remonte en 1136 à l’œuvre de Jean de Séville, deux ans avant la traduction du Quadripartitum ptolémaïque effectuée par Platon de Tivoli. Mais la diffusion de ce texte et sa fortune au Moyen-âge européen allèrent crescendo, entre la fin du XIIIème et le début du XIVème siècle, lorsque, après le rejet de l’interdiction que l’on imposait à la lecture des Libri naturales d’Aristote (cf. Grabmann 1941), ce texte entra dans les principales Universités d’Europe (Björnbo 1903) dans le curriculum des étudiants en mathématiques, puis en sciences naturelles et en médecine. Vers le milieu du XIVème siècle et le début du XVème, ce texte est présent à Paris, à Erfurt, à Cracovie, à Bologne6. Mais notre rôle n’est pas ici de rendre compte de la tradition du texte latin, dont on dénombre plus de cent manuscrits et diverses traductions7. Le Centiloquium représenta une petite summa de toutes les branches de l’astrologie, une synthèse de toutes ses doctrines, qu’elles soient grecques ou 4 Henri Bate (ms.BN-Paris lat.10270 : fo.30vb), cf. Catalogue (1872 : ms.695, n.198) du XIVème siècle : « Expsitio Abumasar filii Ioseph Abrahe scriptoris super librum Tholemei qui liber Fructus arboris intitulatur. Incipit : Dixit Tholomeus Iam scripsi tibi, o Domine Iesure…Desinit : anno Arabum 520, explicit liber Centilogii Ptholomei » ; cf. Wüstenfeld (1877 : 28). Bien que l’histoire de la tradition manuscrite du Centiloquium soit encore à écrire en entier, néanmoins le titre de Liber arboris est clairement attesté, cf. il ms. BN-Paris 7302 (Incipit liber quatuor tractatuum Ptholomei cognomine alfillud in sciencia astrorum iudiciorum), il contient des gloses anonymes avec des références au commentaire d’Ibn Ridwan ; au fol.98v il renvoie au Centiloquium : « Et hoc locum expositum est in 87 verbo libri arboris ». 5 cf. Steinschneider (1897 : 211,n.4). 6 Pour Paris cf. Lemay(1976), pour Cracovie Birkenmajer (1972), pour Erfurt cf. Gray (1949), pour Bologne Bortolotti (1947 : 8-13), Malagola (1888). 7 Dans la plus grande partie des manuscrits le texte des sentences est accompagné du commentaire de Haly, souvent confondu avec Ibn Ridwan, commentateur du Quadripartitum ptolémaïque. La première édition sous presse est de 1484, et fait suite au Quadripartitum : Liber quadripartii Ptolomei id est quattuor tractatum : in radicanti discretione per stellas de futuris in hoc mundo constructionis et descrutionis contengentibus…, imprimé à Venise pour Erhardum Ratdolt de Augusta, le 15 du mois de janvier 1484. 3 orientales. Le Dialogus de Jean Abbiosi en donne un exemple, assez obscur : dans cette œuvre Ptolémée et Albumasar répondent au sophiste qui critique les doctrines astrologiques. Nous y voyons Ptolémée citer le Centiloquium et exposer avec minutie la théorie arabo-sassanide des grandes conjonctions, tandis qu’Albumasar, dans sa justification de l’iatromathématique, ne trouve rien de mieux que de se référer à l’autorité d’Albert le Grand et de Pierre d’Abano8. La position d’Abbiosi est celle d’un syncrétisme radical et ne constitue pas un cas isolé parmi les astrologues du Moyen-âge, toutefois la position dominante consiste à justifier le « non-dit » de Ptolémée, selon l’heureuse expression de Germaine Aujac (1993,22) : « Le non-dit ne manque pas non plus d’intérêt dans l’œuvre de Ptolémée ». Or, comme, dans le Quadripartitum, Ptolémée ne fait aucune allusion aux interrogations et aux élections qui font, en revanche, l’objet de plusieurs sentences du Centiloquium, Pierre d’Abano fait observer que si les interrogations ne sont pas traitées dans le Quadripartitum, mais seulement partiellement dans le Centiloquium, ce n’est pas parce que Ptolémée les réfute, mais plutôt parce qu’il reconnaît leur faiblesse, comme l’avait déjà exprimé Ibn Ridwan9. Il y eut ensuite une autre anomalie plus cuisante encore concernant les dires de Ptolémée dans le Quadripartitum : comment justifier et incorporer, dans la doctrine ptolémaïque des événements mondiaux, les aphorismes qui ont trait aux conjonctions des planètes supérieures ? Vers la moitié du XVème siècle, la tâche difficile des humanistes qui pouvaient lire le Centiloquium en grec, en retenant sa langue d’origine, était de trouver une signification différente à ces sentences. Les plus exemplaires en sont les verba 58 et 6410. Dans les manuscrits médiévaux, ce premier texte présente le terme alkirem, translitération de l’arabe al-qiran. Mais Trapezunzio et Pontanus, qui s’appuyaient sur le texte grec du Centiloquium, ont lu sunodos, et par conséquent, ils ont retenu que Ptolémée faisait allusion à la conjonction du 8 Abbiosi cc.biiiv ; ciiv. 9 Abano (1992 : 116-117) : « Nosce quippe quod Ptholomeus in Quadripartito non tetigit interrogationes neque electiones eo quod, secundum Haly Rodoan ipsum commentantem, existimavit ipsas res viles et debiles fore, neque ipso dignas ; eas tamen partialiter tetigit in Centiloquio, quas etiam maximus iudicum Doroteus, seu Doronius, concessit. Qui vero eis consentiunt, stabiliunt ipsas in revolutiones et proprie in nativitates deducendo ». Cf. Ibn Ridwan, Préambule : “Du fait que les élections et les interrogations peuvent être comprises par ce qui est déjà dit dans uploads/Litterature/ introduction-au-centiloquium-par-giuseppe-bezza1 1 .pdf
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- Publié le Aoû 11, 2022
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