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Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 2008 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 28 juin 2022 12:06 Philosophiques Introduction. Le scepticisme à l’âge classique : enjeux et perspectives Sébastien Charles Les valeurs de l’ironie (1) et le scepticisme à l’âge classique (2) Volume 35, numéro 1, printemps 2008 URI : https://id.erudit.org/iderudit/018243ar DOI : https://doi.org/10.7202/018243ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Charles, S. (2008). Introduction. Le scepticisme à l’âge classique : enjeux et perspectives. Philosophiques, 35(1), 161–169. https://doi.org/10.7202/018243ar PHILOSOPHIQUES 35/1 — Printemps 2008, p. 161-169 Introduction Le scepticisme à l’âge classique : enjeux et perspectives SÉBASTIEN CHARLES Université de Sherbrooke sebastien.charles@usherbrooke.ca 1. Le retour des sceptiques Dans un article paru voilà une dizaine d’années et intitulé « Le retour des scep- tiques»1, Jean-Pierre Cavaillé brossait à grands traits l’état actuel des recherches sur le scepticisme et évoquait alors l’engouement qu’elles suscitaient. Une décennie plus tard, force est de constater que cet intérêt ne s’est pas démenti, loin de là. Les études sur le sujet n’ont cessé de paraître à un rythme soutenu2, les colloques de se succéder sans relâche et la recherche de se poursuivre, en balisant des chemins déjà largement foulés ou en ouvrant sans cesse de nou- velles perspectives à partir d’objets d’investigation inédits tels que le scepti- cisme médiéval ou le scepticisme clandestin. Mais s’il est un domaine qui a connu un développement sans égal, c’est celui du scepticisme propre à l’âge classique. Rarement un champ de recherche en histoire de la philosophie aura fait naître autant de commentaires érudits dans un délai si court. Car, à dire vrai, si l’on excepte quelques travaux anciens qui évoquaient le scepticisme moderne, la recherche sur la question est largement tributaire des travaux de Richard Popkin, véritable pionnier en la matière, et donc relativement récente. C’est en effet Popkin qui, le premier, a fourni une étude détaillée de l’histoire du scepticisme moderne, augmentée au fur et à mesure de ses rééditions, et qui constitue toujours un point de départ incontournable pour tout chercheur intéressé par la question3. Si la lecture proposée par Popkin peut être sur certains points contestée4, notamment en ce qui concerne la place qu’il attribue au fidéisme dans son œuvre, sa reprise trop fidèle d’études plus anciennes, celles de Busson et Villey5 par exemple, ou encore son manque de clarification conceptuelle concernant la notion même de pyrrhonisme, il n’en reste pas moins que son travail appa- raît aujourd’hui encore comme fondateur pour l’étude du scepticisme moderne. Certes, on peut encore lui reprocher de privilégier en premier lieu l’œuvre de 1. Cavaillé (1998). 2. Voir, à cet égard, Brahami (2001), Giocanti (2001), Moreau (2001), Floridi (2002), Paganini, Benitez et Dybikowski (2002), Paganini (2003), et Bernier et Charles (2005). 3. Cf. Popkin (1960 ; 1979 et 2003). 4. Voir en particulier le numéro spécial de la Revue de synthèse (1998) qui prolonge un colloque tenu sur la question au Centre A. Koyré à Paris. 5. Busson (1920) ; Villey (1908). Sextus Empiricus et de s’en tenir particulièrement à une forme spécifique de scepticisme, qui consiste à voir dans ce mouvement avant tout un arsenal d’ar- guments censé miner les édifices dogmatiques philosophiques (scolastique d’abord, cartésien ensuite) et religieux, et donc de centrer son analyse sur les rapports entre pyrrhonisme et dogmatique en insistant tout particulièrement sur la question fidéiste, et ce aux dépens du contexte historique et des corpus autres que celui de Sextus. Mais comment ne pas lui attribuer malgré tout une fonction de guide, même si les chemins qu’il aide à parcourir ne sont pas réelle- ment sûrs et sa boussole pas toujours fiable ? Figure tutélaire quoique problématique, Popkin ne pensait pas connaître, dans les années 1960, le succès qui fut le sien par la suite. Et l’on peut légiti- mement s’intéresser aux raisons qui expliquent l’importance sans cesse crois- sante de la recherche sur le scepticisme en général, et sur le scepticisme moderne en particulier. La première est sans doute historique : le scepticisme est une philosophie pour temps troublés, fille de l’inquiétude et de la perte des repères traditionnels. Ce constat vaut à la fois pour le scepticisme ancien, témoin de l’effondrement du monde antique, pour sa réactualisation à l’âge classique, époque marquée par la dislocation de l’aristotélisme scolastique confronté à une pluralité de doctrines hétérogènes, et pour notre temps, gagné lui aussi par des considérations relativistes et une pluralité philosophique indépassable qui rappellent étrangement le dixième mode d’Énésidème (sur l’irréductible pluralité des mœurs, des coutumes et des lois). La seconde tient peut-être plus à l’objet d’étude lui-même, délaissé par le passé, et qui apparaît donc comme potentiellement inépuisable. Il est vrai que, en ce qui a trait par exemple aux grands auteurs qui scandent l’histoire de la philosophie, tout semble avoir été dit alors que, concernant le scepticisme ancien et moderne, beaucoup reste encore à faire. Et puis l’objet est plaisant en soi, en ce qu’il permet un véri- table travail de recherche sur des corpus toujours à redéfinir, qu’il invite à décou- vrir une philosophie en reprise d’elle-même, refusant tout dogmatisme, et qu’il permet d’exhumer pour une grande part des auteurs certes modestes, mais qui ont eu un rôle essentiel dans l’histoire des idées. Ces deux raisons rendent en partie compte du succès du scepticisme, qui déborde d’ailleurs le cadre des études érudites pour toucher également le grand public cultivé, ce qui explique en retour la multiplication des introductions au scepticisme, sous la forme de traductions nouvelles, de présentations générales ou d’anthologies6. On peut signaler à cet effet la traduction récente en anglais des Hypotyposes par Julia Annas et Jonathan Barnes7, et en fran- çais par Pierre Pellegrin8, dans une collection qui a vu paraître cinq ans plus 6. En ce qui concerne les présentations générales, on peut penser à Lévy (1997), mais aussi au surprenant numéro du Magazine littéraire (2001) consacré au scepticisme moderne. Bénatouïl (1997) a fourni pour sa part la dernière anthologie en langue française sur la question, et Popkin et Maia Neto (2007) viennent de le faire tout récemment en langue anglaise. 7. Sextus Empiricus (1994). 8. Sextus Empiricus (1997). 162 . Philosophiques / Printemps 2008 tard la traduction d’une partie de l’Adversus mathematicos9. L’accès a ainsi été grandement facilité aux textes anciens, non seulement traduits mais amplement commentés. Parallèlement à ce travail effectué sur les textes fondateurs du scepticisme, une relecture d’ensemble du pyrrhonisme antique a permis de comprendre plus adéquatement les différentes couches qui le constituent, à savoir le pyrrhonisme des débuts, essentiellement tourné vers une problématique éthique (Pyrrhon, Timon), le probabilisme de la Nouvelle Académie (Arcésilas et Carnéade), le néopyrrhonisme dialectique d’Énésidème et d’Agrippa, et enfin le scepticisme empirique de Sextus Empiricus. Si les différences qui existent entre ces différents courants sont notables, l’intention critique qui les anime à l’égard de toute forme de dogmatisme leur est commune. C’est avant tout avec cette dimension polémique que souhaiteront renouer les modernes, ce qui explique parfois un certain désintérêt à l’égard des positionnements divergents du scepticisme antique. Une autre différence notable entre sceptiques anciens et modernes porte sur les rapports entre religion et raison. Contrairement aux sceptiques de l’Antiquité, les penseurs de la modernité se sont confrontés à une religion qui se voulait à la fois unique et universelle. Dans le monde païen, il en allait dif- féremment, et c’est pourquoi les sceptiques antiques n’ont jamais considéré la question religieuse comme centrale. Ils luttaient avant tout contre le dogma- tisme philosophique et non contre le dogmatisme religieux. D’ailleurs, les sceptiques semblent s’être entendus en général sur l’existence des dieux, mais tout en reconnaissant cette évidence comme non dogmatique, c’est-à-dire non définitive, et en insistant sur le fait qu’il était impossible de définir la nature et les attributs de la divinité. S’ils s’en sont pris aux explications théologiques de leurs adversaires, c’était avant tout pour remettre en question leurs prétendues certitudes et non pour basculer dans l’athéisme qui, à tout prendre, est une autre forme de dogmatisme. À l’inverse, une bonne part des enjeux de la modernité se joue dans le rapport au religieux, que ce soit au plan théologique avec les controverses entre protestants et catholiques, au plan politique, avec la naissance de la souveraineté étatique face aux prétentions papales, ou encore au plan philosophique, avec l’affranchissement de la philosophie vis-à-vis de la théologie qui se traduit égale- ment par une rupture avec le thomisme et la scolastique. Dans tous ces débats, les textes sceptiques vont être mobilisés pour faire vaciller les bastions de l’uni- vers médiéval chrétien, uploads/Litterature/ introduction-le-scepticisme-a-l-x27-age-classique-enjeux-et-perspectives.pdf

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