Université de Mazenod EXÉGÈSE DE L´AT : LES LIVRES HISTORIQUES Notes de l´Expos

Université de Mazenod EXÉGÈSE DE L´AT : LES LIVRES HISTORIQUES Notes de l´Exposé du cours en vue de la préparation des examens – Session de mai 2021 Prof. P. Léopold DITONA, SVD INTRODUCTION : L´HISTOIRE DEUTÉRONOMISTE Les livres de Josué, Juges, 1-2 Samuel et 1-2 Rois ont été considérés dans la tradition juive et chrétienne comme un récit fortement unifié de l´histoire d´Israël, depuis l´entrée en terre promise jusqu´à la destruction de Jérusalem et du Temple par l'armée babylonienne, avec la conséquente déportation des dirigeants et de la grande majorité du peuple à Babylone. La destruction de Jérusalem en 587 av. J.-C. apparaît dans cette histoire comme un grand tournant entre la situation d´Israël en terre promise et celle d´un peuple en captivité. Dans la Bible hébraïque, le bloc littéraire Josué-Rois reçoit le nom de Prophètes antérieurs, un groupe de quatre livres (Josué, Juges, Samuel, Rois) qui contrebalance le bloc de quatre livres appelés les Prophètes postérieurs (Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et les Douze prophètes mineurs). La tradition chrétienne les a plutôt appelés « livres historiques », une collection dans laquelle Ruth (entre Juges et Samuel) et plusieurs autres livres ont également été inclus. L´exégèse moderne a désigné ce bloc de livres sous le titre d ´ « histoire deutéronomiste ». Cette terminologie s´est répandue après les études de Martin Noth dans la première décennie des années 1940, après la publication de son ouvrage Überlieferungsgeschichtliche Studien (Halle 1943). L´auteur qui aurait écrit cette histoire est appelé le Deutéronomiste (Dtr). L ´adjectif « deutéronomique » est plutôt réservé à ce qui concerne le Deutéronome (Dt). Sur base de l´examen littéraire et théologique des textes, Noth fut le premier à formuler l´hypothèse selon laquelle, vers le milieu du VIe siècle av. J.-C., un auteur, le Deutéronomiste, avait élaboré organiquement, à partir de traditions anciennes, la première histoire du peuple juif, qui allait de son séjour au Sinaï à l´histoire des royaumes et de leur destruction, selon un plan unitaire. Comme préambule à cette histoire, le Dtr aurait introduit le même Deutéronome. 1 L´hypothèse de Noth était en contraste avec les théories qui jusque-là avaient été plus répandues sur la composition du bloc Josué-2Rois : que ce soit celle de le considérer comme un entrelacement des mêmes sources que celles que l´on croyait présentes dans le Pentateuque (O. Eissfeldt, G. Fohrer), ou celle de le considérer comme formé par des unités indépendantes, par différents auteurs ayant différents projets théologiques, unis cependant par une ou plusieurs rédactions deutéronomistes (R.H. Pfeiffer, S.R. Driver). Pour Noth, il s´agit d´une histoire unitaire, écrite d´une seule main, précisément le Dtr, basée sur les traditions précédentes. Le Dtr aurait respecté substantiellement ses sources, sélectionnant et organisant le matériel reçu selon une structure déterminée et sur base d´un projet bien défini, n ´introduisant que quelques ajouts nécessaires en fonction de sa théologie et en vue de la réalisation d´une histoire unifiée. La proposition de Noth de fixer la composition de l´œuvre du Dtr quelques années après 562 est basée sur le fait que 2 Rois a comme l´épilogue la grâce accordée par le roi de Babylone à Joiachin, roi de Juda, la libération de son emprisonnement et la restitution des honneurs royaux, un événement qui a eu lieu en cette année-là (2 Rois 25,27- 30). L´hypothèse de Not h prétendait également que le but de l ´historiographie deutéronomiste était d´annoncer aux déportés à Babylone que la chute des deux royaumes était due à l´infidélité du peuple à l'alliance. Elle devait donc être interprétée comme un juste châtiment divin, annoncé à plusieurs reprises par les prophètes, et non comme le résultat de la faiblesse du Dieu d´Israël. Un but nettement négatif. Bien que l´hypothèse de Noth ait été remise en question de diverses manières, elle est encore largement reprise de nos jours par de nombreux chercheurs, bien qu´avec de nombreuses variations. L´idée centrale de l´exégète allemand concernant le caractère unitaire de l ´histoire deutéronomiste est avant tout admise. L´on accepte également l´hypothèse que la structure des quatre livres suivrait les quatre grands moments de l´histoire d´Israël : le temps de Moïse, l ´établissement des tribus sur la terre de Canaan au temps de Josué, la période des juges et l´instauration de la monarchie. Beaucoup d ´exégètes soutiennent aussi que le Dt n´a pas seulement inspiré toute l ´histoire deutéronomiste, mais qu´il est aussi une sorte d´introduction, puis séparé et combiné avec les quatre premiers livres de la Bible (Tétrateuque) pour former avec eux le complexe complet de l´histoire de Moïse. En ce qui concerne la composition, cependant, on préfère aujourd´hui parler non pas d´un auteur mais d´une école, l´ « école 2 deutéronomiste », qui disposait d´un large matériel de traditions et de documents relatifs à l´histoire juive et qui était animée par une foi profonde en JHWH, Seigneur de l´histoire. Elle aurait exercé son activité pendant une longue période, de l´époque du roi Ezéchias (vers 722 av. J.-C., date de la destruction du royaume du Nord) jusqu'à la période exilique (VIe siècle). D´autres chercheurs, sans nécessairement s´opposer à l´existence d´une école deutéronomiste, estiment que l ´histoire deutéronomiste est passée par différentes rédactions avant d ´arriver à sa forme actuelle. Deux courants se distinguent dans ce domaine de recherche, l´école dite de Göttingen et l´école de Harvard. L´école dite de Göttingen (W. Dietrich, T. Veijola, puis R. W. Klein et E. Würthwein), développant les idées initialement proposées par Rudolf Smend, a conçu en raison de la critique littéraire une rédaction en trois étapes: une rédaction originale composée dans la période préexilique (VIIe s) par un auteur en faveur de la monarchie (DtrG), serait suivie par le travail, d´abord, d´un auteur et éditeur de la fin de la période préexilique (DtrP), vers 590, influencé par les cercles du prophète Jérémie, responsable de la structure et du contenu de l´histoire deutéronomiste, et ensuite d´un éditeur nomistique1 (DtrN) qui aurait ajouté quelques textes favorables à David en raison de sa fidélité à l ´alliance mais globalement contraire à la dynastie davidique. DtrN aurait terminé son travail, comme Noth l´a déjà dit, vers 560 av. JC. Les critiques formulées contre cette hypothèse ont surtout insisté sur l ´absence de critères définitifs pour distinguer clairement les trois substrats de l´histoire deutéronomiste (DtrG, DtrP et DtrN) et sur les difficultés de percevoir une unité d´intérêt ou de tendances dans le matériel attribué à chaque auteur. L´autre position concernant la composition de l´histoire deutéronomiste est associée au nom de Frank Moore Cross, professeur à Harvard, qui, pour des raisons plutôt thématiques, a identifié dans le Dtr une double édition , l´une à l´époque de Josias (VIIe siècle), la plus importante, et une autre à la période exilique (VIe siècle). La première aurait eu pour objectif d´esquisser un programme d´appui à la réforme de Josias. L´éditeur (Dtr1) aurait voulu rappeler à ses contemporains la nécessité de l´alliance mosaïque que Josias avait l ´intention de restaurer pour que JHWH puisse rétablir le royaume entre les mains du nouveau roi davidique. L´auteur de la période 1 Ou nomothétique. La nomothétique est une méthode utilisée par les législateurs qui consiste en l´observation de faits généraux et récurrents qui permettent par la suite de tirer des principes et d'élaborer des textes de loi. 3 exilique (Dtr2) aurait ensuite mis à jour l´ouvrage avec de brèves retouches face à la nouvelle situation dans laquelle le peuple d´Israël s ´est retrouvé. Sa tentative aurait été de montrer aux exilés le caractère contractuel contenu dans la promesse davidique sur le royaume, pour les pousser à la repentance. L´hypothèse de Cross sur une première ébauche de rédaction à l'époque de Josias faisait l´objet d´un large consensus parmi les exégètes nord-américains (par exemple R.E. Friedman et R.D. Nelson), bien que beaucoup aient objecté que sa reconstruction de l´éditeur Dtr1, si favorable à la monarchie en général, ne répond en rien aux critiques que les prophètes adressaient à la monarchie même. Par conséquent, d´autres exégètes (P.K. McCarther, A. Campbell) ont plaidé pour l´existence d´une rédaction prédeutéronomiste primitive, qui peut être placée autour du IXe ou VIIIe siècle, avant ou après la chute de Samarie (722 av. JC), fortement influencée par le courant prophétique. Il est généralement admis que la rédaction deutéronomiste aurait reçu une influence indirecte des prophètes, comme en témoignent les nombreuses similitudes de langage et de lexique ainsi que le genre littéraire homilétique et catéchétique qui caractérise toute cette narration. Entre les deux écoles se trouve l´un des plus célèbres exégètes érudits du Deutéronome, Norbert Lohfink, qui est d´accord avec les érudits de l´école de Göttingen qu´il existe au moins deux éditions différentes de l´histoire deutéronomiste, insiste cependant, en accord avec Cross, qu ´une édition proto-deutéronomiste préexilique du Livre des Rois et une version préexilique du bloc Deutéronome - Josué ont été mises à la disposition des auteurs de l´époque de l´exil qui ont préparé l´histoire deutéronomiste. Des idées similaires ont été développées par Andrew Mayes et par un disciple de Lohfink, Georg Braulik. En ce qui concerne le but de l´histoire deutéronomiste, qui est un aspect de uploads/Litterature/ ivres-historiques-expose.pdf

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