Université Paris Pitié-Salpêtrière – Paris VI DU « Bégaiement et troubles de la

Université Paris Pitié-Salpêtrière – Paris VI DU « Bégaiement et troubles de la fluence de la parole, approches plurielles », Juin 2015 Je bégaie, mon enfant aussi I stutter, my children too Mémoire dirigé par : Elisabeth VINCENT Mémoire rédigé par : Anne BESIN, orthophoniste Cabinet « Arc-en-dys » Chemin du Joran 8B 1260 NYON 1 Remerciements Je tiens à adresser mes profonds remerciements à toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce mémoire : - la maman d’Emma et Estelle qui m’a donné envie de rédiger un mémoire sur ce sujet et m’a enrichie au fil du temps grâce à ses différents témoignages, les parents d’Aaron, de Malik, de Lorik, de Morgane. - Tous les membres du groupe « je bégaie, mon enfant aussi » créé sur Facebook, pour le temps qu’ils m’ont accordé par écrit afin d’apporter leurs témoignages. - Mes amis pour leur soutien et leur patience. - Mes collègues du cabinet (Myriam, Lorène, Madlyn et Franceline) pour leurs encouragements et leur compréhension. - Mes amies du D.U, notamment Jacqueline, Françoise et Christine pour leur « positive attitude ! ». Merci à Clément pour ses conseils très pratiques et utiles. - Merci à tous les professeurs du D.U mais surtout à Elisabeth Vincent qui a supervisé ce mémoire. - Enfin, un grand merci à mes parents pour leur soutien au quotidien, leurs conseils et leur relecture attentive. 2 Sommaire Introduction p 4 I) Point sur les données génétiques, caractère héréditaire p 8 I-1) Caractère héréditaire p 8 I-2) Identification du caractère génétique p 9 II) L’apparition du bégaiement de l’enfant p 12 II-1) Des réactions différentes p 12 II-1-a) L’effet de surprise p 12 II-1-b) On le savait… le voilà ! p 14 II-2) Le parent en question p 15 II-2-a) Quand le passé ressurgit : Revivre son bégaiement à travers p 15 celui de son enfant II-2-b) Le sentiment de culpabilité p 18 II-3) Eventuelles attitudes des parents face au bégaiement p 19 II-3-a) Une présence excessive p 19 II-3-b) Les parents sergents p 20 II-3-c) Le couple face au bégaiement p 21 III) La transmission « psychologique » p 23 III-1) Le concept de honte et sa transmission p 23 III-2) Danger du tabou, du non-dit p 25 III-2-a) Définitions et causes du secret p 25 III-2-b) Conséquences du non-dit p 27 III-3) L’enfant identifie mais s’identifie aussi p 27 IV) S’aider soi-même pour aider son enfant p 30 IV-1) La transmission familiale et les constellations familiales p 30 IV-2) L’ici et maintenant p 31 IV-3) Etre acteur dans la thérapie p 32 Conclusion p 34 3 Introduction Alors que je viens de me former dans ce domaine du bégaiement, une maman entre dans mon cabinet : Je ressens dès lors une anxiété très palpable lorsqu’elle m’annonce : « Je consulte pour mes deux petites filles jumelles qui bégaient ». J’ai la conviction que cette prise en charge sera singulièrement différente des autres sans encore savoir pourquoi jusqu’à ce que cette maman prononce ces mots : « Je suis bègue moi aussi ». Un sentiment de culpabilité peut se lire sur son visage et tout de suite elle me fait part de sa peur, de son angoisse de voir ses filles grandir avec un bégaiement. Je n’avais pas encore pris la mesure de la souffrance engendrée par son propre problème de bégaiement et je donnais d’emblée des conseils comme « Le bégaiement ne doit pas être un sujet tabou », « Vous devez pouvoir en parler librement avec vos filles » et bien d’autres encore. C’est alors que cette maman me dit qu’elle ne veut pas que le mot « bégaiement » soit évoqué avec ses filles. Au fil des séances, elle me dit contrôler son bégaiement à l’extrême devant ses filles pour qu’elles ne le perçoivent pas ou ne l’imitent pas. Face à l’angoisse de cette maman, je décide donc de commencer la prise en charge avec chacune des filles en mettant en pratique les techniques et méthodes de rééducation adaptées à leur âge. Je n’évoque pas le bégaiement avec elles et les métaphores m’effraient. J’ai peur de trahir le lourd secret partagé avec leur maman. Petit à petit, le retard de parole associé au problème de bégaiement régresse mais le trouble de la fluence persiste. Je décide de faire quelques séances avec la maman seule afin de lui parler du bégaiement de façon plus spécifique, parler non pas du bégaiement mais de SON bégaiement, de son vécu par rapport à ce dernier. C’est ainsi que les choses sont posées : cette maman a toujours été bègue et en a beaucoup souffert. Elle s’est battue, a fait preuve de beaucoup de courage pour affronter les différentes épreuves de la vie mais n’accepte pas cette parole « désorchestrée ». Elle me témoigne de façon très touchante son parcours et finit par cette phrase : « Lorsque j’ai appris que j’étais enceinte, je me suis tout de suite dit que je ne voulais pas que mes filles naissent bègues, que ce serait trop douloureux pour moi ». Mais voilà, les accrocs de parole apparaissent dès les débuts de langage de ses deux adorables jumelles pleines de vie et il va falloir y faire face. Je reçois avec beaucoup d’empathie les propos de cette maman mais je reste convaincue en mon for intérieur que la possible disparition du bégaiement de ses filles iraient de pair avec un changement de sa propre vision du bégaiement. Ainsi, nous nous voyons plusieurs fois toutes les deux et je lui expose ma vision du bégaiement ou, en tous cas, 4 une vision du bégaiement différente de la sienne. Nous évoquons un même trouble mais avec des mots totalement différents. Je souhaite l’inviter à percevoir son bégaiement d’une autre manière, d’une façon plus positive. J’essaie de ne pas lui imposer des idées mais bien de la faire cheminer en lui présentant des vidéos de personnes qui bégaient, qui acceptent leur bégaiement, l’invitant à aller consulter des blogs ou sites consacrés au bégaiement. Je lui fais part de références plus littéraires, sachant que cette maman aime lire. Petit à petit, cette maman qui, bien que touchée par ces blocages et répétitions occasionnels, a su utiliser les bons mots pour évoquer son bégaiement. Elle m’a enrichie par cette intelligence des mots qui lui est propre et a ainsi pu me transmettre son cheminement personnel vers une vision plus positive de son bégaiement. Son regard changea sur son bégaiement ainsi que sur celui de ses filles. Le bégaiement a ainsi pu être évoqué plus tard à la maison de façon très douce, à l’aide de métaphores ou autres petits livres mettant en scène le bégaiement des jeunes enfants. Une certaine complicité autour du bégaiement s’instaurait alors et je constatais rapidement une régression du bégaiement chez les jumelles. Régression mais pas disparition. Or, de temps à autres, les vieux démons de cette maman ressurgissaient et je prenais alors toute la mesure d’un vécu lié au bégaiement très ancré. La vision du bégaiement avait changé, le bégaiement régressait mais il manquait quelque chose. Cette maman vivait toujours avec cette culpabilité énorme, persuadée alors que le facteur héréditaire du bégaiement s’imposait comme une fatalité et que le bégaiement persisterait quoi qu’il arrive. Bon, en cet instant précis, je vous avoue que je ne savais plus trop que penser ni que faire… Mais ! Merci les recherches scientifiques, on apprend qu’en effet, le bégaiement a une cause génétique, souvent héréditaire mais pas irréversible. En effet, avant l’âge de six ans notamment, le cerveau peut tout à fait compenser les déficits liés au bégaiement. Je me renseigne donc davantage jusqu’à prendre connaissance d’un programme récent appelé le « Lidcomb Programm » (2005), destiné en première instance aux enfants jusqu’à l’âge de sept ans. Dans ce programme, il s’agit de féliciter l’enfant sur sa parole fluente. Il est vrai qu’il paraît normal de féliciter un enfant lorsqu’il commence à faire ses premiers pas et de l’encourager pour qu’il poursuive mais ceci paraît moins normal de féliciter l’enfant sur sa parole fluente. Or c’est bien le cas… Et, lorsque j’assiste à la formation pour ce programme, j’entends cette phrase qui résonnera encore longtemps : « Les parents bègues peuvent administrer ce programme à leur enfant. » Tilt !!!! Je pense d’emblée à la maman de mes jumelles et je reviens, plus motivée que jamais, en lui demandant de venir avec son mari lors de la séance suivante afin de leur proposer un nouveau programme. Très enthousiaste, j’explique le programme aux parents et explique à la maman qu’elle peut elle aussi assurer le suivi à la maison avec ses filles. A ma grande 5 surprise, elle ne semble pas prête et insiste pour que son mari s’occupe de ce programme. Finalement, à cause de ses impératifs professionnels, le papa ne peut s’y soumettre. Je les invite donc à réfléchir pour me faire part de leur décision ultérieurement. Quelques jours plus tard, la maman assiste finalement uploads/Litterature/ je-be-gaie-mon-enfant-aussi.pdf

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