I t i n é r a i r e Un lien puissant avec mes racines Jean-Pierre HABER 15 mars

I t i n é r a i r e Un lien puissant avec mes racines Jean-Pierre HABER 15 mars 2015 ! Pour eux Pour Audrey et Olivier Et pour nos "poupeles Chloé, Lhiva, Mila et Solal". « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse » Albert Camus ! 2 ! Pour mes parents Cet ouvrage raconte la vie d’une famille juive qui a dû fuir et se cacher. A plusieurs reprises. Pour pouvoir survivre. Ce récit se base sur des faits réels vécus par cette famille obligée de se mettre à l’abri au moment où les Allemands persécutèrent et décimèrent ces hommes et ces femmes d’une religion et d’une origine autres que la leur : destruction de l’ordre de l’indicible. Dans cette histoire, quelques personnes manifestèrent leur solidarité envers les Juifs, qu’elles n’hésitèrent pas à protéger, courant à leur tour le risque d’être assassinées. Il y a une suite heureuse à cette histoire… qui marque « l’imprescriptibilité du peuple juif ». La vie a continué, malgré l’indicible. ! 3 Je suis né en 1946. Mes parents, Marguerite et Jules, se sont connus dans le Limousin. 1946 1946, c’est l’année du baby-boom, c’est aussi l’année de ma naissance. Cette année-là, mes parents, comme beaucoup d’autres, ont pris le parti de laisser derrière eux les années d’ombre, de peur, d’angoisses, de trahisons, de séparations, d’horreur. J’ai beaucoup de respect pour tous ceux qui, comme eux ont voulu que la vie l’emporte et ont dirigé leurs regards vers un avenir auquel ils ont voulu croire. Ils ont fait confiance à la vie. Ils m’ont donné la vie. ! 4 Leur histoire se déroule avant et pendant la guerre. Ils en ont bien sûr parlé, mais très tard. D’abord mon père, quelques temps avant son décès en 1999. C’est il y a quelques mois seulement que ma mère et mon oncle m’ont vraiment raconté. Ce serait à moi que reviendrait ce noble et difficile travail de transmission ? En les écoutant, j’ai ressenti ce désir de marquer leur pas…. notre empreinte. Leur histoire, c’est la mienne. Elle appartient aussi à mes enfants. Pour eux, je dois trouver les mots Nous nous inscrivons sur la ligne continue de cette famille qui nous a engendrés et dans la lignée de notre culture et de notre appartenance au judaïsme. Je suis venu au monde à un moment particulier. J’ai été déposé là, à une place de symbole de l’espoir qui renaissait. Mes parents marquaient, à travers mon existence, leur confiance en un avenir qu’ils voulaient débarrasser de la barbarie. La période noire se terminait et j’ai représenté, pour eux, un avenir de couleurs et de tradition. Il ne fallait pas que je les déçoive, il me revenait de les rassurer et de leur permettre de s’appuyer sur cette vie nouvelle. Je porte en moi tout ce qui a été déposé par eux, de souffrances occultées, de désirs ! 5 enfouis, de tristesses étouffées, et d’attentes, d’aspirations, de vie retrouvée. Ils se sont protégés et ils m’ont préservé en mettant leurs émotions à distance. J’en ai eu une preuve criante lorsque ma mère et son frère ont multiplié les faits, ont énuméré des noms, se sont attachés à préciser des détails et ont parsemé leur récit de rires et de discussions visant à déterminer lequel des deux a conservé le souvenir le plus proche de la réalité de leur histoire. Mon père, lui, avait évoqué les déchirements de sa vie, mais il n’acceptait pas le déracinement et il l’a toujours nié. Ce qui était trop lourd, il le portait en silence et il le rendait lisible dans ses comportements. Sa colère était refoulée, presque imperceptible à l’exception des quelques débordements réservés à son entourage le plus proche. Il a donné de lui une image lissée. Dans ma quête du passé, il me faudra retrouver, comprendre et souvent imaginer leurs sentiments. J’aurai à reconstituer leur vécu de cette époque. Il ne s’agit pas là d’inventer, mais de retrouver des mots, des moments, des comportements qui me mettront sur la piste de ce que je suis le seul à avoir approché au plus près. Je suis allé jusqu’à frôler les limites imposées par leur souffrance, j’ai, probablement, parfois, débordé dans leur monde secret. Mais je ne le savais pas, je ne comprenais pas, alors, que j’entrais dans leurs fragilités, que je touchais leurs blessures. Il me faudra beaucoup d’empathie rétrospective pour cerner sans ! 6 faire mal ce que les mots n’avaient pas encore pu dire. ! Mathilde et Rosa, mes arrière-grands-mères, lors de la Bar- mitsvah de Fred ! 7 ! Marguerite, ma maman et Fred, son frère ! 8 1. La famille de mon grand-père maternel Albert à Sulzburg et Altkirch avant et après la guerre 14-18 Une de mes arrières grands-mères maternelles se nommait Rosa Kahn. Elle était née à Sulzburg en Allemagne dans la région de Bade- Wurtenberg vers la moitié du 19ème siècle. Elle était pieuse. Elle épousa Albert Lazarus originaire d’Altkirch en Alsace. Ce dernier est décédé quelques mois avant la naissance de leur enfant en 1889. Rosa prénomma leur fils, Albert en souvenir de son mari. Mon grand-père Albert naquit à Altkirch dans cette Alsace que les Allemands occupaient depuis la défaite napoléonienne de 1870. Le père de mon grand-père, avait perdu sa première femme à Altkirch. Il avait deux fils, nés de son premier mariage, Marcel et Fernand . 1 Après le décès de son mari, Rosa Lazarus reprit en main leur magasin de chaussures, avec l’aide précieuse de sa sœur Flora. Elles élevèrent ensemble le jeune Albert à Altkirch avant de revenir à Sulzburg. Les deux sœurs envoyèrent Albert au collège français de Remiremont. Ensuite, le jeune ! 9 Ces demi-frères de mon grand-père firent la guerre 14-18 du côté français et, au décès de Fernand à Mouille dans la Meuse, Marcel épousa la 1 veuve, sa belle-sœur Suzanne. Celle-ci avait eu un fils,né de son mariage avec Fernand : André qui plus tard avec Simone eut à son tour 3 enfants, Jean, Denis et Jeannine. homme fit un apprentissage de 3 ans dans les établissements Roos, fabricants de tiges pour chaussures à Speyer. La famille Roos forma le jeune Albert à la pratique commerciale. Marguerite, ma mère se souvient d’avoir séjourné à plusieurs reprises dans sa jeunesse à Sulzburg : «toujours vêtue d’un tablier, Rosa était très gentille ; elle se contentait du rez- de-chaussée et nous donnait sa chambre pendant les vacances que je passais avec Fred, mon frère. Au-dessus habitaient les Bloch, une famille pieuse. Avec eux, nous fréquentions la belle synagogue de Sulzburg le vendredi soir » Mon grand-père fut enrôlé dans l’armée allemande comme tous les alsaciens qui n’avaient pu s’évader ; d’abord incorporé en 1912 pour le service actif de deux ans puis mobilisé en 1914 pour 4 ans de guerre : une catastrophe que ces 6 ans sous les armes. Il vécut l’enfer de Verdun, la Marne, Craonne, la Baltique et la Russie. En 1916 il épousa Bella Levi, ma grand-mère, pendant une période de permission. La fabrique de chaussures qu’il représentait avant-guerre, Peter Kaiser versa une pension au couple pendant la guerre 14-18. Plus tard, en 1918, grand-père reprit la représentation de Peter Kaiser. En 1918, Albert fut réintégré français mais choisit pourtant de s ‘établir avec sa jeune épouse Bella, auprès de la belle-famille à Francfort. Il y ouvrit un commerce de chaussures en gros avec deux associés qualifiés, Messieurs Mannassé et Aufhäuser. ! 10 ! 1912, mon grand-père, Albert Lazarus soldat 2. La famille de ma grand-mère maternelle Bella à Hechingen et Francfort avant et après 14-18 Mathilde Levi, née Loeb, mon autre arrière- grand-mère maternelle est née le 17 octobre 1857, à Hechingen, haut lieu de villégiature de la famille impériale des Hohenzollern. Mathilde était l’épouse du boucher Joseph Levi . 2 Plus tard, Mathilde et Joseph habitèrent à Francfort, Obermainstrasse avec leurs deux enfants Flora et Bella ma grand-mère qui épousa Albert Lazarus. A cette même adresse, naquit la génération suivante : d’abord mon oncle Fred en 1919 ! 11 Joseph Lévi, né le 07/07/1851, décédé le 22/10/1917 2 puis Marguerite ma maman, en 1923. Fred et Marguerite revinrent souvent à Francfort chez leur grand-mère Mathilde alors qu’ils habitaient Sarrebruck. Mathilde avait six frères et sœurs, dont l’oncle Robert qui vivait avec elle à Francfort (son mari était décédé en 1917). L’oncle Robert était légèrement attardé et vivait un peu retiré. Il aimait jouer avec ma mère et mon oncle, qui se rappelle les « hope hope Reiter » sur ses genoux ainsi que leurs promenades dans le quartier Obermainstrasse; il n’était ni idiot, ni fou. Il y avait aussi l’oncle Henry, Dady qui partit s’établir avec sa femme à Chicago et qui envoyait régulièrement des photos de leur fille Rosalie depuis Chicago, San Diego et le Nouveau Mexique. uploads/Litterature/ jean-pierre-haber-itineraire.pdf

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