Jérémie Lefranc. Fiche de lecture n°8 - 21/10/2014. L'entretien compréhensif Je
Jérémie Lefranc. Fiche de lecture n°8 - 21/10/2014. L'entretien compréhensif Jean Claude Kaufmann Ed. Armand Colin, 3ème éd., (1ère éd. 2004). 2011. L'auteur : Jean Claude Kaufmann est sociologue, directeur de recherche au CNRS. Spécialiste de la vie quotidienne, il travaille sur les notions d'identité, de socialisation et de subjectivité. Son approche de la sociologie l'amène à partir du terrain, qu'il appréhende comme la matière première, afin d'élaborer progressivement et de manière pragmatique sa théorie dans une confrontation permanente avec les faits. C'est cette manière particulière de procéder pour fabriquer de la théorie qu'il expose dans le présent ouvrage, qui s'apparente donc à un ouvrage de méthodologie. Il est l'auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels : La Trame conjugale. Analyse du couple par son linge, Nathan, 1992. Corps de femmes, regards d’hommes. Sociologie des seins nus, Nathan, 1995. La Femme seule et le Prince charmant, Nathan, 1999. L’invention de soi. Une théorie de l’identité, Armand Colin, 2004. Le livre : Il s'agit d'un ouvrage de méthodologie à travers lequel l'auteur tente d'expliciter sa manière de pratiquer la sociologie. Il y précise ses choix, replace son approche et sa posture en contexte et, en se référant à d'autres approches plus classiques, donne des éléments pour comprendre où il se situe dans ce vaste monde. Il s'appuie tout au long du livre sur des exemples concrets issus de ses propres travaux afin d'illustrer ses propos. Propos de l'ouvrage : L'auteur tente à travers la rédaction de cet ouvrage de faire le point et de formaliser sa manière de travailler en tant que sociologue. Son approche et sa manière de faire n'étant pas majoritaire dans ce champs des sciences humaines, il réfère celles-ci régulièrement à d'autres approches plus classiques afin de les mettre en perspective et pour peut-être aussi démontrer qu'il ne les ignore pas. Ses choix l'amène à se positionner « pour une sociologie des processus, restant fermement arrimée à l'invention théorique ». La posture du chercheur est celle d'un « artisan intellectuel » qui construit lui-même sa théorie et sa méthode... Même s'il existe des règles précises. Concernant la méthode de l'entretien compréhensif, JC Kaufmann dit qu'elle « emprunte d'abord aux diverses techniques de recherche qualitative et empirique, principalement aux techniques ethnologiques de travail avec des informateurs » et, par rapport à l'utilisation du magnétophone, qu'elle « emprunte donc aussi à la technique habituelle de l'entretien semi-directif ». Il rappelle aussi que l'utilisation de l'entretien compréhensif et la posture qu'il induit n'ont pour but que de produire de l'explication. Il ne sont ni un but en soi, ni une compréhension intuitive qui se suffirait à elle-même. L'objectif principal de la méthode reste la production de théorie, et se référant à l'exigence formulée par N. Elias, il précise : « une articulation aussi fine que possible entre données et hypothèses, une formulation d'hypothèses d'autant plus créatrices qu'elle est !1 Jérémie Lefranc. Fiche de lecture n°8 - 21/10/2014. enracinée dans les faits. Mais une formulation partant du « bas », du terrain, une Grounded Theory pour reprendre l'expression d'Anselm Strauss, particulièrement apte à saisir les processus sociaux ». Ailleurs, la posture de l'enquêteur dans l'entretien compréhensif est précisée. Celui-ci « s'engage activement dans les questions, pour provoquer l'engagement de l'enquêté ». De même que lors de l'analyse de contenu, terme que l'auteur ne reprend pas car il renvoie plus à l'utilisation de techniques qu'à la construction de l'objet, pour lui essentiel et délicat à opérer parce qu'il dépend plus de la capacité analytique du chercheur que du contenu recueilli, « l'interprétation du matériau n'est pas évitée mais constitue au contraire l'élément décisif ». Ce livre aborde encore un certain nombre de thèmes et décrit des processus concernant un travail de recherche mené avec la méthode de l'entretien compréhensif tels que la construction de l'objet, les pré-supposés d'une telle méthode, les règles et principes, d'une certaine manière, à respecter pour produire un travail sérieux, les outils potentiellement utilisables, la posture du chercheur, celle de l'informateur, le statut des matériaux, les différentes natures de contenus et la fabrication de la théorie. Il donne également quelques conseils par rapport à la rédaction, à la construction de l'argumentation, à l'utilisation concrète des extraits d'entretien, etc. Il termine enfin par la question incontournable du « pour qui écrire ? ». Commentaire : Bien que d'une certaine manière il s'agit là d'un livre technique et que ce ne soit donc pas le type d'ouvrage dont je raffole a priori, j'ai trouvé celui-ci vraiment bien fait et bien amené. Il est évident qu'au stade où j'en suis j'ai peut-être, par nécessité, plus d'appétit pour ce type de livre mais il n'en reste pas moins que celui-ci m'a plu. Je peux d'autant plus facilement le constater que je suis allé, dans la foulée et avec la même soif, ouvrir celui moult fois réédité de Laurence Bardin, le fameux « L'analyse de contenu » et que j'ai trouvé ce dernier réellement indigeste. (Pour autant et parce que je suis coriace ou tout simplement un peu masochiste, j'en ai quand même tiré quelques notes). Pour en revenir au livre de JC Kaufmann et à la méthode de l'entretien compréhensif, il m'apparait que nous sommes là en présence d'une approche très similaire à ce que propose la démarche de recherche-action, par rapport à la construction de l'objet par exemple. A savoir que « le terrain n'est plus une instance de vérification d'une problématique préétablie mais le point de départ de cette problématisation ». Ou encore que « l'objet se construit peu à peu, par une élaboration 1 théorique qui progresse jour après jour, à partir d'hypothèses forgées sur le terrain. Il en résulte une théorie d'un type particulier, frottée au concret, qui n'émerge que lentement des données » . Ceci me 2 permet au moins provisoirement de me situer et de situer mon travail dans un cadre théorique qui jusqu'ici me faisait défaut. Ainsi si je me réfère à cet auteur, en particulier pour « justifier » de ma manière d'aborder les entretiens et de la posture que j'ai adopté durant ceux-ci, je me trouve dans le cadre de la sociologie compréhensive et ai fait usage d'une méthodologie qualitative prenant la forme d'entretiens compréhensifs. Celle-ci comme énoncé précédemment consiste à construire une théorie fondée sur les faits et pour préciser encore, « l'originalité de la théorie fondée sur les faits est JC Kaufmann, L'entretien compréhensif, Armand Colin, 2011, 3ème éd., p.22. 1 Ibid., p.23. 2 !2 Jérémie Lefranc. Fiche de lecture n°8 - 21/10/2014. en effet que découverte et justification sont intimement et continuellement imbriquées ». Il me 3 semble par ailleurs que me référer à ce cadre me permet également de repérer pour l'heure une fragilité à mon travail car « là où l'entretien compréhensif creuse pour découvrir les processus à l'oeuvre, la scène doit être située avec précision, dans un paysage déjà connu grâce à des enquêtes diverses ». Ce qui se nomme le cadrage d'une recherche. Par contre là où peut-être le travail est 4 plus réussi, à ce stade et dans certains cas, réside dans le fait que « pour atteindre les informations essentielles, l'enquêteur doit en effet s'approcher du style de la conversation sans se laisser aller à une vraie conversation : l'entretien est un travail, réclamant un effort de tous les instants ». 5 De même je me sens plus assuré concernant ma posture et la manière dont je me suis positionné lors de plusieurs entretiens lorsque je lis chez Kaufmann que « l'informateur gère son degré d'implication dans l'entretien, et celui-ci dépend en grande partie de la confiance qu'il fait à l'enquêteur ». D'où l'importance de la posture empathique, de l'écoute attentive et de la sympathie 6 manifestée pour la personne interrogée, quelque soit ses opinons. De plus, dans ce type d'approche, il apparaît que la posture de neutralité est à éviter, ce qui me convient quelque part, moi qui avait des difficultés, surtout lors des premiers entretiens, à rester à distance. J'ai tenté de corriger le tir au fur et à mesure de la réalisation de nouveaux entretiens afin de trouver « la » bonne distance. En tous cas à ce propos, il semble qu'il s'agit d' « une loi bien connu de l'intéraction : à défaut de pouvoir typifier son interlocuteur, l'échange ne peut se structurer ». Ce qui fait dire à JC Kaufmann 7 que « l'enquêteur qui reste sur sa réserve empêche donc l'informateur de se livrer ». 8 Je ne vais pas plus loin pour l'instant dans le tissage de liens entre ces apports méthodologiques et mon travail. Cependant je conserve un certain nombre de notes et de citations référencées tirées de cet ouvrage concernant le contenu, la construction de l'objet, de la théorie ou encore l'écriture du document, que j'utiliserai probablement le moment venu. Je vais par contre faire un rapide parallèle entre la manière décrite ici de s'impliquer pour le chercheur, que ce soit vis-à-vis de sa recherche ou de ses informateurs et ce que René Barbier décrivait dans un uploads/Litterature/ kaufmann-lentretien-comprehensif-1.pdf
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- Publié le Sep 28, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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