5 JUILLET 1962 Z7 Historique des faits par Claude Martin Témoignages recueillis
5 JUILLET 1962 Z7 Historique des faits par Claude Martin Témoignages recueillis par l'Echo de l'Oranie et Geneviève de Ternant L" 1 PREFACE de Geneviève de Ternant Ce livre est un cénotaphe : c'est le tombeau vide des morts et disparus du 5 juillet 1962 demeurés pour toujours martyrs et poussière dans la terre de ce qui fut notre belle Algérie française. C'est une œuvre de piété, certes bien imparfaite : beaucoup de noms manquent sur ce Monument aux morts. Beaucoup de témoins de ce jour de douleur n'ont pas voulu ou pas osé parler. Mais ce livre a du moins un mérite, celui d'exister, celui de crier à la face du monde ce que l'on a voulu cacher, oublier, nier. Mais nous refusons d'oublier; nous refusons les masques commodes de l'histoire telle qu'on la raconte. Nous voulons dire ce qui s'est réellement passé et comment un beau jour d'été a brusquement basculé dans l'horreur et le carnage. Nous voulons dire que cela a été non pas la fatalité ou le hasard mais l'action délibérée de meneurs. L'agonie d'Oran ne se résume pas à la journée du 5 juillet 1962, c’est pourquoi Claude Martin a écrit un rappel historique des faits qui ont amené l’abandon de l’Algérie française. Notre propos est de retrouver l'atmosphère de cette tragique journée, de réunir des témoignages publiés ou inédits, ce que ces hommes et ces femmes ont vécu et qu'ils racontent avec simplicité et sincérité. Chacun dans son quartier a été témoin de scènes atroces : il est impossi ble que l’action de l’A.L.N., des A.T.O. et de la foule arabe n'ait pas été concertée ou à tout le moins orchestrée par une bande de meneurs et relayée par les chefs de la rébellion dans les quartiers. Beaucoup de témoignages concordants le donnent à penser. Nous publions ces témoignages dans leur vérité bouleversante. On trouvera ensuite les noms des morts et disparus de cette journée; notre liste est incom plète : Nous n'avons pu mentionner que les identités de ceux dont les familles, les amis, nous ont adressé leur témoignage ou qui ont figuré sur des listes publiées à l'épo que. Il était dur de se replonger dans ces cruels souvenirs 2 plus de vingt ans après que les évènements aient eu lieu. Nous les remercions d'avoir fait cet effort afin d'apporter à tous un morceau de vérité. Nous ne parlons pas du massacre des Musulmans fidèles à la France et surtout des harkis, d'autres l'ont fait et tel n'est pas notre propos. Qu'ils sèchent cependant que nous n'oublions pas. Des témoignages nous sont parvenus, concernant des personnes mortes ou disparues avant ou après le 5 juillet, ou dans des localités autres qu'Oran; nous en donnons la liste après celle des morts et disparus d'Oran le 5 juillet, ce qui était notre propos initial car il nous est apparu néces saire de montrer l'insécurité qui régnait en Oranie avant et après l'indépendance de l'Algérie. Là aussi, nos listes sont très incomplètes. Elles suffisent cependant à prouver les difficultés, les risques, les tragédies que les Européens d'Al gérie ont affrontés et cela explique l'ampleur de leur exode vers une marâtre-patrie qui les abandonnait. Que sont devenus les disparus du 5 juillet 1962 ? Beau coup ont subi d'atroces tortures et leurs corps ont fini dans des charniers comme celui du Petit Lac. Mais il y eu certai nement des survivants. On a parlé de camps, de maisons de prostitution et d'esclaves blancs. Toutes ces horreurs sont infiniment probables, mais nous n'auront sûrement jamais de certitudes : Ceux qui savent, Arabes ou Français se sont tu et se tairont car l'agonie d'Oran est une tâche indélébile au front de la République algérienne née dans le sang, comme elle avait été conçue dans le sang durant huit années de terrorisme, et surtout au front de la France qui a laissé s'accomplir ce génocide. Plus de vingt ans ont passé, beaucoup de témoins de cette tragédie sont morts, mais il importe que leurs enfants sachent la vérité et puissent la proclamer. II fallait doncque ce Livre Noir de l'Agonie d'Oran soit publié. C'est l'honneur de Claude Martin qui en a eu l’initiative et de l'Echo de l'Oranie qui a centralisé les témoignages de verser ce livre au dossier accablant de la rébellion algé rienne unie dans l'ignominie à la lâcheté de la France gaullienne. Un Vœu 3 Un "Français de France", comme disaient les Algériens, se demande peut-être pourquoi nous ranimons ses souvenirs au risque de réveiller des passions et des haines à demi-éteintes. Ce n'est pas ce que nous cher chons. Nous avons seulement voulu écrire l'histoire d'évè nements qui à l'époque où ils ont eu lieu ont été mal connus ou escamotés. Mais pour des milliers d'Oranais qui en ont été les victimes, cet escamotage était intolérable. Il y a une quinzaine d'années, M. Marcel Bellier qui dirigeait alors "L'ECHO DE L'ORANIE" lança l'idée de publier un "Livre Noir" qui aurait recueilli les témoignages des Oranais qui avaient vécu les heures sombres de l'ago nie de leur ville et du massacre du 5 juillet 1962. L’initiative était excellente mais elle ne fut pas réalisée. Pourtant il était nécessaire de faire ce travail pour éclai rer l'opinion et pour présenter aux historiens de demain les pièces d'un procès autres que les documents administratifs de l'époque. C'est ce que nous avons entrepris sans cher cher à obtenir le moindre effet littéraire. Avec la collabora tion de survivants d'une période sinistre qui désirent qu’on connaisse la réalité du drame algérien. Nous ne saurions trop les remercier de leur apport désintéressé. Il nous^este à exprimer un souhait. Que des cher cheurs, peids-noirs ou métropolitains, fassent un travail semblable pour les autres provinces algériennes afin qu'un jour on puisse faire la véritable histoire de la fin de l'Algérie française, qui jusqu'ici n'a été contée que par des journa listes, au jour le jour, ou par des militants politiques plus soucieux d'apporter de l'eau au moulin de leur parti que de faire œuvre objective. A I L'AGONIE D'ORAN Le Livre Noir du 5 Juillet 1962 Historique des faits par Claude MARTIN I ORAN 7 Albert Camus définissait Oran "une ville ordinaire et rien de plus qu'une préfecture française de la côte algérienne" où des événements sortant un peu de l'ordi naire... n'étaient pas à leur place". Si le goût des autos rapides - un goût partagé avec les "gros colons" qu'il n'ai mait guère - n'avait pas tronqué sa vie avant la fin de la guerre d'Algérie, il aurait dû reconnaître que cette cité qu'il avait connue un peu grise dans le bonheur de la paix pouvait fort bien fournir le cadre d'un drame qui eut parfois des allures d'épopée. Oran avait bel et bien une physionomie particulière. Son caractère ne venait pas tant de son site, qui pourtant ne manquait pas d'allure, ni de ses bâtiments, mais de sa population. Oran était la seule ville du Maghreb où les Européens étaient plus nombreux que les Musulmans. Pen dant plus de deux siècles elle avait été un préside espagnol, comme en témoignaient ses châteaux forts massifs, le fort de Santa Cruz, qui dominait la ville et le Castillo nuevo qui dominait le port. Un tremblement de terre avait amené Charles IV à faire évacuer les ruines de la "corte chica" et, en 1830, les Français avaient pris le relais. Et, sous la protection des canons français des gens de tout le Bassin de la Méditerranée occidentale, depuis l'aristocrate breton 8 Dupré de Saint Maur jusqu'aux paysans espagnols, aux viticulteurs du Midi français et aux pêcheurs napolitains étaient venus là en quête d'une vie meilleure. Ces divers apports s'étaient fondus dans le creuset français ou, pour mieux dire, franco-algérien. Les législa teurs de Paris avaient décidé en 1889 que les fils d'étran gers nés en territoire français -et l’Algérie était selon la loi aussi française que Paris ou Romorantin - seraient automa tiquement français s'ils ne demandaient pas , à leur majo rité, de garder leur nationalité d’origine. La plupart des étrangers d'Algérie avaient accepté ce marché en vertu du vieil adage que la patrie est où l'on est bien. Pour les gens nés en Algérie, qu'ils descendissent de Français ou d’étran gers, leur terre se trouvait sur les rivages méridionaux de la Méditerranée; pas ailleurs. Ils se proclamaient d'abord "algériens". Les Français de la métropole et les "Espagnols d’Espagne" appartenaient à un monde un peu différent. Ce qui n'empêchait pas ceux qui le pouvaient d'aller passer des vacances en France en transitant parfois par l'Espagne. Mais les Métropolitains n'appartenaisnt pas au peuple de pionniers qui avaient transformé ce pays aride, élevé de grandes villes là où n'existaient que Quelques gourbis etqui mettaient tout leur dynamisme à développer de plus en plus ses richesses. Cette conception, bien sûr, n'était pas rigoureusement exacte. Sans l'armée française, sans les ingénieurs et les administrateurs venus de la Métropole, l'œuvre de l'Algérie française n'aurait pas été accomplie. Les Européens d'Algé rie le savaient; les petits blancs, s'en uploads/Litterature/ l-x27-agonie-d-x27-oran-5-juillet-1962-claude-martin-pdf.pdf
Documents similaires










-
29
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 26, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 15.6043MB