L'éditeur propulseur de littérature courte ! NouvellesBD courtesPoèmesTrès très
L'éditeur propulseur de littérature courte ! NouvellesBD courtesPoèmesTrès très courtsClassiqueJeunesse Soumettre une œuvre FR Librairie Nouvelles Instant de vie Nature L'homme au feutre noir il y a 5 jours 10 min 207 lectures 26 En compétition Ginette Flora Amouma Je suis passionnée de littérature, je me souviens d'avoir toujours écrit, textes et poèmes. J'aimais en jouer comme d 'une lyre . Depuis peu retraitée de la fonction publique , j'ai succombé [+] S'abonner Dans la résidence quadrillée d’allées convergeant vers de petits ronds-points habillés de végétaux, les voisins avaient des habitudes qui ne variaient pas les unes des autres à tel point qu’on les croisait sans trop s’en émouvoir, les contacts étant régis par les sacro-saints codes de la norme locale : cela pouvait aller de la convivialité à la retenue. Avoir une certaine réserve à l’égard d’autrui était aussi de bon ton, mais aucune consultation ne venait à bout du comportement casanier et bourru du voisin du fond de l’allée. Je ne savais jamais comment le saluer, le problème commençait déjà en amont. Il fallait se préparer psychologiquement et amorcer la chose avec beaucoup de tact. C’était ce que je me disais quand je le voyais émerger au loin. Il allait passer devant moi de toute évidence et selon un paramètre plausible, je ne pouvais que le croiser. On allait fatalement à un moment se trouver confiné dans une figure géométrique qui nous obligerait à nous saluer ou du moins à émettre un borborygme en guise de salutations. J’allais le croiser, lui venant devant moi et moi venant devant lui sur une allée fréquentée juste ce qu’il fallait pour ne pas perdre le son religieux du silence. Ma crainte, c’était déjà de me demander comment saluer cet homme au feutre noir qui était mon voisin et que les lois élémentaires de la civilité voulaient que je le salue, étant sa voisine distante de seulement quelques mètres de son pavillon dans cette résidence tranquille très ombragée par divers végétaux plantés par ordre symétrique. Un beau jardin à la campagne. Le problème, c’était que depuis que je le savais être mon voisin, nos saluts étaient dignes de figurer dans un théâtre de pantomimes. Aujourd’hui, quelle scène allait-on se jouer sachant que son chien donnait toujours le ton ? La scène de l’évitement où nous nous croiserions dans un mutisme immobile, ou celle de l’indifférence où nous ferions comme si nous ne nous connaissions pas du tout ou bien allions-nous nous contenter d’un hochement de tête ou pire, grommeler un bonjour du bout des lèvres ? Dans ce petit village où tous les visages étaient repérés bien avant que les noms ne soient divulgués, on avait beau faire, on se croisait partout et l’homme au feutre noir ne pouvait pas être exonéré de ces passages obligés devant les habitants. Je le croisais donc partout, ne pouvais le semer quand dans une boulangerie, on était séparé que par quelques pieds de distanciation. Fallait-il engager la conversation ? Très souvent, il se taisait, donc je suivais le mouvement symphonique de base : je me taisais même si mes neurones restaient en éveil, celui de l’attente d’un possible contact avec l’individu chez qui brusquement l’envie de dire un mot jaillirait. Ce moment d’hésitation provoquait un petit tsunami, une tempête dans le crâne. L’action était mince : « Une baguette s’il vous plaît. » « Un euro et vingt cents. ». Le cliquetis de la monnaie chutant dans la machine à rendre la monnaie servait lieu de conversation. On s’acquittait de son achat sans mot dire, la machine faisait tout à notre place, cela confortait bien le grand escogriffe au feutre noir qui repartait aussi silencieux qu’il était arrivé. Je le rencontrais aussi à la poste, à faire le pied de grue derrière une file de personnes rendues muettes par la lecture des différents panneaux de marquage de consignes posés un peu partout sur différents supports. Ceux qui étaient rétifs à affranchir une lettre à la machine, préféraient attendre dans la file à distance d’un mètre l’un de l’autre. Peut-être mon voisin préférait-t-il la rapidité d’action de la préposée du comptoir ? Je boudais aussi la machine sachant que la longue lecture des consignes et du mode d’emploi demandait une trop grande concentration. Je me retrouvais souvent derrière lui, cherchant malgré moi à le suivre dans ses racines planétaires, me demandant si je pouvais reconstituer son territoire rien qu’en lisant les adresses de ses correspondants. Son chien l’attendait partout où il allait, un chien qui avait le chic de lever un regard interrogateur sur moi chaque fois qu’il me voyait. Je me disais que le jour viendrait où une conversation avec le chien serait plus intéressante qu’avec le maître. Ce jour-là, il m’avait remarquée, mais semblait figé, happé par un monologue intérieur. Il triturait ses lettres. Ce n’était pas de la curiosité de ma part, mais il tenait ses lettres de telle sorte que je pouvais lire les adresses des destinataires qui habitaient aux antipodes, éparpillés sur la planète. Manifestement il avait une grande famille, en Polynésie et aux Antilles. Il y avait une autre lettre qu’il considérait avec tant d’avidité que lire l’adresse ne me demanda aucun effort : c’était juste adressé à une personne habitant dans notre bon vieux coin de France et cette lettre semblait le préoccuper. C’était les fêtes de fin d’année. J’avais mes propres cartes que je soignais aussi avec la même attention et cela me tenait à cœur de les confier à un être humain plutôt qu’à une machine. L’homme sollicité par ses intimes interrogations n’eut pas un quelconque geste de sympathie envers moi. J’attendis qu’il finisse son travail, achat de timbres particuliers, demande d’une lettre suivie, puis paiement avec délivrance d’un reçu puis il posta le tout dans l’urne indiquée. Je le retrouvais souvent à la supérette. Mais aucun signe quelconque de vie chaleureuse émergeait de nos chassés-croisés, même quand j’attendais derrière lui aux caisses où le soin qu’il mettait à rassembler ses affaires me paraissait excessif, mais je pouvais ainsi l’observer, comme je le faisais de tous mes voisins et habitants de la résidence, tous plus ou moins abonnés aux mêmes heures dans les magasins. L’homme, je le croisais souvent, mais cela ne générait aucun malaise car la fréquence des rencontres fortuites devenait une habitude plaisante et rassurante. Je l’affublais de noms de personnages fabuleux, le renvoyais aux héros qui avaient peuplé mon enfance. Il dégageait de sa stature monolithique une abstraction intemporelle, une puissance tranquille, je le comparais à une idée, à l’être invisible qui nous visite parfois, dégagé de tout discours, laissé en un éveil permanent. Je savais que je l’avais vu quelque part dans une vie antérieure, me dis-je en regimbant car j’étais très peu portée sur les méditations ésotériques. Ne m’importait que la qualité d’une présence. Et cet homme au feutre noir irradiait en silence un fluide apaisant. Je n’attendais rien de lui. Il n’était pas l’attente, il était la constante. Petit à petit, il se confondit au paysage, arbre parmi les arbres, dans les feuillages brassés par un vent complice, il faisait partie du tableau enchâssé de pénombre comme la rue, les murs, les toits pentus, il était là aussi quand la lune avide de voir nos ombres se penchait sur les belvédères. Je fus chamboulée comme aspirée par une explosion quand il disparut. Car je ne le vis plus. Je me surpris à le chercher, dans la rue, dans le bureau de presse et dans la supérette, dans la boulangerie, dans le village. Je m’enhardis à m’aventurer du côté de son pavillon et je sentis mon cœur s’arrêter un moment au milieu de l’allée, une drôle d’impression comme si une partie de moi s’était détachée et mourait dans la poussière de l’allée. Sur la façade un écriteau disait : « À vendre ». L’homme au feutre noir avait déménagé. Cet épisode n’aurait eu finalement aucune répercussion visible dans l’ordonnancement de mes jours si ce n’était que les nouveaux propriétaires de la maison de l’homme au feutre noir prirent une place considérable dans la vie du quartier. Ils étaient exubérants, enthousiastes, rieurs, pleins de bonne volonté, saluaient et engageaient la conversation. C’était tout le contraire de mon ancien voisin si taiseux. Les nouveaux que je croisais maintenant me parlaient de celui que je ne croisais plus. Ils n’eurent de cesse de raconter ce qu’ils pensaient avoir deviné sur la vie de leur prédécesseur. « Il a laissé ses étagères, mais emporté ses livres. Il y a un grand vide dans le salon, un espace laissé probablement par un piano car il devait s’y trouver un piano, les marques au sol étaient évidentes d’autant qu’une partition avait été oubliée sur le manteau de la cheminée. » Ils ne tarirent pas d’éloges sur l’homme, débordant de qualificatifs dès lors qu’ils en savaient plus sur lui. Ainsi donc, l’homme était un musicien. Je me rappelai que des morceaux de musique douce caressaient souvent l’obscurité des soirs, je les entendais sans savoir d’où cela venait. — Mais uploads/Litterature/ l-x27-homme-au-feutre-noir-l-x27-editeur-propulseur-de-litterature-courte.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 03, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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