John Truby Traduit de l’anglais (États-Unis) par Muriel Levet Direction d’ouvra
John Truby Traduit de l’anglais (États-Unis) par Muriel Levet Direction d’ouvrage : Ollivier Pourriol Titre original : Anatomy of Story Copyright © 2008 by John Truby © Éditions Michel Lafon, 2016 Photographies de couverture : © Shutterstock/Paraksa, © Shutterstock/Cico, © Shutterstock/Ittipon 118 avenue Achille-Peretti CS 70024 - 92521 Neuilly-sur-Seine Cedex www.michel-lafon.com ISBN : 978-2-7499-3234-7 Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. À Jack et Amy – 1 – L’espace et le temps de l’histoire Tout le monde sait raconter des histoires. Nous le faisons tous, tous les jours. « Tu ne devineras jamais ce qui s’est passé au travail. » Ou : « Devine ce que je viens de faire ! » Ou encore : « C’est un type qui rentre dans un bar et qui… » Au cours de nos vies, nous voyons, entendons, lisons et racontons des milliers d’histoires. Le problème est de raconter une bonne histoire. Quand on souhaite devenir un spécialiste dans l’art de narrer des histoires, voire en faire son métier, on se heurte à d’immenses difficultés. Il faut tout d’abord acquérir une compréhension profonde et précise d’un sujet aussi vaste et complexe que possible. Puis il faut être capable d’appliquer cette compréhension à la fiction. Pour la plupart des auteurs, il s’agit là du plus grand de tous les défis. Je souhaite être très précis au sujet des différents obstacles inhérents aux techniques narratives ; c’est là le seul moyen de les surmonter. Le premier de tous ces obstacles est la terminologie courante avec laquelle la plupart des auteurs pensent leurs histoires. Des termes tels que « progression dramatique », « climax » et « dénouement », termes qui remontent à Aristote, sont si vastes et théoriques qu’ils en sont presque dénués de sens. Soyons honnêtes : ils n’ont aucune valeur pratique pour un auteur. Imaginons que vous êtes en train d’écrire une scène dans laquelle votre héros est suspendu dans le vide, à deux doigts de mourir en tombant. S’agit-il d’une étape de la progression dramatique, du dénouement ou de la scène d’ouverture de l’histoire ? Cela peut être l’une de ces choses, ou toutes à la fois, mais quoi qu’il en soit, ces termes ne vous disent pas comment écrire la scène, et si vous devez ou non l’écrire. La terminologie narrative classique constitue un obstacle plus grand encore à l’acquisition d’une bonne technique : sa conception même de ce qu’est une histoire et de son fonctionnement. En tant qu’apprenti auteur, la première chose que vous avez sans doute faite a été de lire la Poétique d’Aristote. Aristote est à mon sens le plus grand philosophe de l’Histoire. Mais sa vision de la narration, quoique puissante, est étrangement étroite, centrée sur un nombre limité d’intrigues et de genres. Elle est aussi extrêmement théorique et difficile à mettre en pratique. C’est pourquoi la plupart des auteurs qui recherchent des conseils pratiques chez Aristote repartent bredouilles. Si vous êtes scénariste, vous êtes probablement passé d’Aristote à une vision plus simple de l’histoire intitulée « modèle en trois actes ». Mais cette idée pose également problème, car le modèle en trois actes, quoique bien plus facile à comprendre qu’Aristote, est extrêmement réducteur et, par bien des aspects, complètement erroné. Cette théorie prétend que tout scénario est composé de trois « actes » : le premier correspond au début, le deuxième au milieu et le troisième à la fin. Le premier acte fait environ trente pages. Le troisième acte fait également une trentaine de pages. Et le deuxième acte est composé d’environ soixante pages. L ’histoire en trois actes est censée comporter deux ou trois « temps forts » (de n’importe quel type). V ous avez compris ? Bien. Maintenant, essayez d’écrire un scénario avec ça. Nous simplifions cette théorie narrative, mais en réalité pas tant que ça. Il est évident qu’une approche aussi réductrice a encore moins de valeur pratique que celle d’Aristote. Mais il y a pire encore : cette théorie tend à forger une vision mécanique de l’histoire. La division en actes provient des conventions du théâtre traditionnel, où l’on ferme le rideau pour signaler la fin d’un acte. Cette division en actes n’a pas lieu d’être dans les films, les romans, les nouvelles, ni même, nous semble- t-il, dans beaucoup de pièces contemporaines. En bref, la division en actes est extérieure à l’histoire. La structure en trois actes est un élément mécanique imposé à l’histoire, qui n’a rien à voir avec sa logique interne – là où l’histoire doit ou ne doit pas aller. Une vision mécanique de l’histoire, telle la théorie des trois actes, conduit inévitablement à une narration épisodique. Un récit épisodique est constitué d’une accumulation de parties, comme des objets rangés dans des boîtes. Les événements de l’histoire sont des éléments discontinus qui ne sont pas connectés fermement entre eux pour construire le récit progressivement, du début à la fin. Il en résulte une histoire qui n’émeut le public que sporadiquement, ou qui ne l’émeut pas du tout. Il existe un autre obstacle à la maîtrise de la narration, qui est lié au processus d’écriture. Comme beaucoup d’auteurs ont une vision mécanique de ce qu’est une fiction, ils s’appuient sur un procédé mécanique pour écrire. C’est particulièrement vrai des scénaristes qu’une idée erronée de ce qui rend un scénario vendable conduit à écrire des scripts qui ne sont ni populaires ni bons. Ces scénaristes se fondent en général sur une idée qui n’est qu’une légère variante de l’histoire d’un film qu’ils ont vu six mois auparavant. Ils appliquent à cette idée un genre, tel que « policier », « film d’amour » ou « film d’action », et remplissent les cases de personnages et rebondissements selon les codes de ce genre. Résultat : l’histoire est extrêmement générique, mécanique, dénuée d’originalité. Dans ce livre, je veux vous présenter les choses de façon différente. Mon but est d’expliquer comment fonctionne une bonne histoire et d’exposer les techniques nécessaires à sa création afin que vous puissiez avoir toutes les chances d’en écrire une vous-même. D’aucuns diront qu’il est impossible d’enseigner l’art de raconter les histoires. Je ne partage pas cet avis, mais je crois que, pour réussir, il faut penser l’histoire et la définir de façon nouvelle. En bref, je vais exposer une poétique pratique qui fonctionnera aussi bien pour l’écriture d’un scénario que pour celle d’un roman, d’une pièce, d’un feuilleton ou d’une nouvelle. Je vais : • Montrer qu’une bonne histoire est une histoire organique – non pas une machine, mais un corps qui évolue. • Traiter la narration comme une forme d’artisanat fondée sur des techniques précises qui vous aideront à réussir, quels que soient le médium ou le genre que vous aurez choisis. • Travailler sur un processus d’écriture qui sera lui aussi organique, c’est-à-dire que nous développerons des personnages et une intrigue qui évolueront naturellement à partir de votre idée originale. Le principal défi auquel doit faire face l’auteur, c’est de surmonter la contradiction entre la première et la troisième de ces tâches. V ous construisez votre histoire à partir de centaines, voire de milliers d’éléments en utilisant un très large éventail de techniques. Mais malgré cela, l’histoire doit sembler organique au public, qui doit la percevoir comme une chose individuelle qui se développe et se construit en évoluant vers un climax. Si vous souhaitez devenir maître dans l’art de narrer des histoires, vous devez maîtriser cette technique à fond, au point que vos personnages semblent agir de leur propre chef, faire ce qu’ils ont à faire, eux, alors que c’est vous qui tirez les ficelles. En ce sens, nous, les auteurs, sommes très proches des sportifs. Quand on observe un grand sportif, tout semble facile, comme si son corps bougeait naturellement de cette façon. Mais la réalité, c’est qu’il maîtrise tellement les techniques de son sport que cet aspect technique est devenu invisible aux yeux du public, qui ne voit plus que la beauté. LE CONTEUR ET L’AUDITEUR Commençons les choses simplement, avec une très courte définition de l’histoire : Un conteur raconte à un auditeur ce que quelqu’un a fait pour obtenir ce qu’il souhaitait et pourquoi il l’a fait. V ous remarquerez qu’il existe trois éléments distincts : le conteur, l’auditeur et l’histoire qui est narrée. Un conteur est avant tout quelqu’un qui joue. Les histoires sont des jeux verbaux auxquels l’auteur joue avec son public (qui ne compte pas les points – ce sont les studios, les chaînes de télé ou les maisons d’édition qui se chargent de cela). Le conteur imagine les personnages et les actions. Il raconte ce qui se passe, expose une série d’actions qui ont été accomplies d’une certaine façon. Et même s’il raconte l’histoire au présent (comme au théâtre ou au cinéma), l’auteur résume tous les événements de sorte que l’auditeur ait le sentiment qu’il s’agit d’une histoire à part entière, d’une unité. Mais raconter une histoire, ce n’est pas simplement inventer des événements ou se souvenir d’événements passés. Les événements ne sont que description. Le uploads/Litterature/ l-x27-anatomie-du-scenario-nouvell-john-truby.pdf
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- Publié le Mai 22, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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