L'auto de Bolaño Auto : [oto] N.f. Abrév. de automobile […] Auto : [oto] Elemen

L'auto de Bolaño Auto : [oto] N.f. Abrév. de automobile […] Auto : [oto] Element du grec autos "soi même", "lui-même": autoanalyse, autodérision. Contr. hétér(o), allo-. Parmi les figures littéraires chiliennes surgies pendant ces dix dernières années, celle de Roberto Bolaño semble être l'une des plus importantes ou, à tout le moins, l'une des plus étonnantes. Connu du grand public à partir de 1998 par son recueil de récits Llamadas telefónicas1, prix du Consejo del Libro Chileno, c'est surtout son roman fleuve Los detectives salvajes2, prix Herralde et Rómulo Gallegos l'année suivante, qui le place parmi les jeunes grands écrivains de langue espagnole. Après plus de vingt ans d'absence, il est rentré au pays cette année-là pour la réception du premier prix à la feria del Libro de Santiago. Les malentendus et les polémiques surgies pendant ce séjour feront rapidement de lui un écrivain étranger au champ littéraire chilien, mais révélateur de l'héritage sectaire des années de dictature dont ce champ reste en grande partie prisonnier. Sa figure est d'autant plus déroutante qu'elle disparaît cinq ans après, juste avant l'anniversaire des trente ans du coup d'état militaire contre Allende. Mais elle nous déconcerte aussi et surtout parce que cet épisode historique, vécu aux premières loges par l'auteur lorsqu'il avait vingt ans, est raconté plusieurs fois sous différentes modalités et constitue en quelque sorte la scène originaire de son œuvre, à ce jour incomplète en attendant la parution posthume de son roman 2666 annoncé chez Anagrama pour novembre 2004. De l'avis de certains critiques chiliens, Bolaño est un « irrémédiable exilé » ou encore « trop cosmopolite » pour s'inscrire au sein de la littérature chilienne actuelle3. Ces remarques sont d'autant plus surprenantes qu'elles proviennent d'un recueil édité au Chili, par des critiques locaux, et composé d'études consacrées à replacer son œuvre dans une perspective avant tout 1 Barcelona, Anagrama, 1997, 204 p. 2 Barcelona, Anagrama, 1998, 609 p. 3 Patricia Espinosa, « Estudio preliminar » et Camilo Marks, « R.Bolaño, el esplendor narrativo finisecular » , in Territorios en fuga, P. Espinosa (comp.), Sgo de Chile, Frasis Ed., p. 22 et 126 respectivement. nationale. Au regard du rapport conflictuel de l'écrivain chilien avec son pays natal, il convient de signaler d'emblée que l'histoire de la réception de ses textes ne fait que commencer, et que celle-ci pose au lecteur contemporain des problèmes peut-être tout aussi ardus qu'exaltants par les liens nouveaux qu'ils établissent entre entre l'écriture et la mémoire, entre l'éthique et l'esthétique. Son rapport ambigu au pays natal est l'un des traits constants de la figure de l'écrivain telle qu'elle se décline à travers différents textes, poétiques, narratifs ou argumentatifs. Pour cela, après sa disparition, il convient de s'intéresser à cette dimension que j'appelerai auto — autobiograhique parfois et autofictionnelle, bien plus souvent — et qui parcours l'ensemble de ses textes. La figure de l'écrivain est si consistante que, même disparue, il est pourtant difficile de se convaincre que Bolaño n'est plus là, tellement ses textes asseyaient sa figure, relayée par l'actualité littéraire. Il faut se résoudre à accepter que seuls restent ses livres maintenant. Rien ne reste de l'écrivain en effet à part ses livres et le souvenir de ceux qui l'ont cotôyé et aimé, nombreux à en juger par les hommages parus depuis sa mort à Barcelone, le 15 juillet 20034. Rien, si ce n'est sa silhouette, chère et fuyante, qui renaît à chaque nouvelle lecture. Rien si ce n'est un profil familier fait de mots, parfois tendres, parfois tranchants, mais souvent complices et malins. Un profil qui ressemble drôlement à celui de l'écrivain tel qu'il se donne à lire et à entrendre de vive voix dans les nombreux entretiens disponibles, en grande partie repris sur Internet5. Un profil qui ressemble aussi à l'écrivain en chair et en os, tel qu'il m'est apparu en juin 2002 à Paris lors de la présentation de quelques-uns de ses romans traduits en français. Ou encore, tel qu'il apparaît dans les portraits photographiques, ceux admirables que Renaud Montfourny a faits lors de cette visite parisienne : cigarette à la main, le col de son blouson en cuir relevé, regardant au loin, derrière des lunettes rondes, refletées par d'autres verres, 4 « La vida como leyenda: homenaje a Roberto Bolaño », Quimeran° 241, Mataró, marzo 2004,p. 10-39. Palabra de América, A. García Ortega (comp), Seix Barral, Barcelona, 2004, 236 p. 5 Mónica Maristain, « La útima entrevista de R. Bolaño », dans http://www.elnuevocojo. com/Columnas/Gramatica/120103.html ; Luis García, « Entrevista con R. Bolaño », abril 2001 dans http: // www.critica.cl:html/garcia—santillan.05.htm 2 ceux d'une fenêtre qui l'éloignent vers les detectives des polars hollywoodiens des années quarante6. Pourrais-je à mon tour mettre en mots cette présence insistante et presque palpable qui circule à travers la vingtaine de livres du chilien ? L'entreprise n'est pas facile, au vu des écueils qu'interpose l'écriture du Je de Bolaño— tout un jeu de marques contradictoires dans des romans tels que Estrella distante7, dans des textes brefs tels que « Carnet de baile » inclus dans Putas asesinas8, ou encore dans certains poèmes comme « Autoretrato a los veinte años »9 —. Afin de mieux expliciter les enjeux que pose une telle étude, il convient d'abord de revenir aux traits les plus saillants de l'instance publique de l'écrivain, qui est devenu en l'espace de quelques livres cela même qu'il redoutait le plus, une simple référence fictionnelle : En Amérique du Sud, des jeunes ont fait de moi une sorte de Jack Kerouac chilien. J'apparais dans leurs histoires, comme une mascotte. Il ne faudrait pas que je devienne un personnage 10. En regardant les photos de Renaud de Montfourny, ou en relisant certaines articles de presse, je comprends mieux la crainte de l'auteur, !confirmée par une autre phrase, entendue à maintes reprises : « Quel personnage, ce Bolaño ! 6 Portrait paru dans Les inrockuptibles n° 384, Paris, 9-15 avril 2003, p. 64. 7Estrella distante, Barcelona, Anagrama, 1996, 157 p. 8 Putas asesinas, Barcelona, Anagrama, 2001, 227 p. 9 Los perros románticos, Barcelona, Lumen, 2000, 91 p. Tres, Barcelona, El Acantilado, 2000, 105 p. 10 Philippe Lançon, « 69 raisons de danser avec Bolaño », Libération, Livres, Paris, 26 juin 2003. 3 Errata Parmi les raisons données pour justifier un tel propos, anecdotiques toujours mais oscillant entre l'amusement et la gêne, il y avait l'homonymie supposée avec un acteur mexicain, le protagoniste célèbre des émissions de « El Chavo del Ocho » et de «El Chapulín Colorado ». Même si l'écrivain a vécu longtemps au Mexique, et affublé certains de ses personnages de l'accent chilango qui avait été le sien dans les années 70, un détail de taille faisait toute la différence entre l'acteur mexicain et l'écrivain chilien : le S final du nom de famille de l'acteur, absent de celui de l'écrivain. A l'instar de beaucoup d'autres malentendus qui ont poursuivi la carrière brillante et fugace du chilien dans les lettres hispano-américaines, cette homonymie erronée a été suivie d'apparitions de plus en plus nombreuses dans des films et d'autres livres de fiction, tel Soldados de Salamina11 de l'écrivain espagnol Javier Cercas. Alors que Bolaño lui a fourni la pièce maîtresse de la trame de ce roman, parmi les plus vendus et célébrés en Espagne ces dernières années, le narrateur Cercas renvoie le témoignage du Chilien avec des pointes de mépris et de suffisance que Bolaño ne lui revaudra pas. Dans l'excellente transposition filmique réalisée par David Trueba12, Bolaño apparaît sous les traits du jeune acteur mexicain Diego Luna dans le rôle d'un étudiant de Lettres émigré à Girona qui, l'été, gagne sa vie en tant que surveillant d'un camping de Casteldefells. Le fait que l'écrivain chilien apparaisse à l'écran sous un visage éclatant de jeunesse et de douceur mexicaine, celles-là mêmes qui font revivre un ancien combattant republicain, vient confirmer le soupçon du lecteur quant au caractère légendaire et protéiforme de Bolaño. Dans le film, Bolaño est un mexicain, un émigré de plus dans cette Catalogne contemporaine et oublieuse d'un passé récent qui refait surface à travers le souvenir des cicatrices d'un petit vieux grincheux, devenu lui- même français grâce à ses années de service à la Légion Etrangère d'abord, 11Barcelona, Tusquets editores, 2001, 209 p. 12Soldados de Salamina, un film de David Trueba, Warnes Bros, Dvd, 2003, 115 minutes. Avec Ariadna Gil, Ramon Fontserè, Joan Dalma, María Botto et Diego Luna. puis à la 2ème DB du Général Leclerc13. Les épisodes transposés dans cette séquence filmique par des images d'archives et d'autres de reconstitution, élaborent une synthèse filmique du tournant historique de la 2ème Guerre Mondiale, quand la défaite de la République Espagnole se transmue en la libération du joug nazi grâce à héroïsme de quelques combattants étrangers et anonymes comme ce Miralles, vacancier fidèle au camping de Casteldefells et ami de Bolaño. Dans La pista de hielo et Amberes14, les lieux anonymes d'un camping catalan servent également d'arrière fond aux conversations d'un jeune gardien sud-américain avec un survivant de la guerre civile. Leurs conversations mâtinent les anecdotes vécues uploads/Litterature/ l-x27-auto-de-bolan-o-manzi.pdf

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