M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANÇAIS – FORMATEUR AU CRFPE DE SAINT-LOUIS 1 - POES
M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANÇAIS – FORMATEUR AU CRFPE DE SAINT-LOUIS 1 - POESIE - ROMAN - THEATRE - DISSERTATION - COMMENTAIRE - RESUME LE FRANCAIS EN LE FRANCAIS EN TERMINALE TERMINALE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANÇAIS – FORMATEUR AU CRFPE DE SAINT-LOUIS 2 LA POESIE La poésie est un genre littéraire qui se caractérise par un certain nombre de pratiques qui la distinguent fondamentalement des autres genres littéraires. I. Un langage « hors norme » : A la différence d’un romancier, d’un conteur, d’un nouvelliste, etc. qui s’exprime dans un langage habituel, le langage de tous les jours, également appelé langage « standard » ou prose, le poète, lui, s’exprime dans un langage inhabituel, hors du commun car jouant plus sur la polysémie, les sens multiples du mot. Cette particularité langagière peut être constatée dans ces deux textes, l’un extrait d’un roman et l’autre d’un poème, tous les deux évoquant la beauté d’une femme. - Chez le romancier : « Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes. […] La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l'on n'a jamais vu qu'à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personne étaient pleins de grâce et de charmes. (Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves, 1678) Dans cet exemple, la romancière use d’un langage ordinaire, habituel, un langage standard, prosaïque car constitué d’un lexique dont la signification se trouve dans le sens premier des mots. Par conséquent, il ne pose aucun problème de d’interprétation et de compréhension du lecteur. - Chez le poète : Voici comment Léopold Sédar Senghor décrit, lui, la beauté d’une femme dans son poème « Femme noire » (Chants d’ombre, 1945) : « Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, […] Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’Est Tam-tam sculpté, tam-tam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur » Senghor utilise les images du « fruit », du « vin », de la « savane », du « tam-tam » pour désigner la femme à travers une série de métaphores qui jouent avec le langage, tout comme la poésie le fait du reste : avec les mots, elles créent des correspondances inédites, impossibles dans la réalité car la femme n’est ni un fruit, ni une savane encore moins un tam-tam. C’est simplement pour être plus expressif, plus original dans le langage que le poète joue sur les associations d'univers différents - végétal, animal, minéral - qui font appel à la sensibilité de chacun; et c’est ça le propre de la langue poétique. Une autre évocation poétique de la beauté de la femme est celle du surréaliste André Breton dans son poème « Union libre » (Clair de terre, 1931) : « Ma femme à la chevelure de feu de bois […] Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d'étoiles de dernière grandeur Aux dents d'empreintes de souris blanche sur la terre blanche A la langue d'ambre et de verre frottés Ma femme à la langue d'hostie poignardée A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux A la langue de pierre incroyable Ma femme aux cils de bâtons d'écriture d'enfant Aux sourcils de bord de nid d'hirondelle Ma femme aux tempes d'ardoise de toit de serre » Ce poème est écrit selon la conception que les surréalistes ont de la poésie : une association de « réalités distantes » qu’on rapproche pour créer des images insolites selon le principe de l’écriture surréaliste. Les nombreuses métaphores et l’association inattendue des images rendent le texte particulier et nouveau : le corps de la femme est ici décrit comme morcelé. Ce sont la chevelure, les dents, la bouche, la langue, les cils, les sourcils, les tempes dont l’association à des réalités très distantes (feu de bois, cocarde, bouquet d'étoiles, souris blanche, verre frotté, hostie poignardée, poupée, bâtons, nid d'hirondelle…) contribue à forger des images insolites, surréalistes. C’est pour toutes ces raisons que la poésie est le plus souvent définie comme un langage spécial, un langage de la différence qui se détourne des chemins du langage normal par un certain nombre de pratiques M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANÇAIS – FORMATEUR AU CRFPE DE SAINT-LOUIS 3 langagières qui lui sont propres. C’est ce qui amené certains critiques à considérer que la poésie n’exprime pas des idées essentiellement différentes de celles de la prose, mais en modifie l’expression en les rendant, grâce à certains procédés dans le vocabulaire et dans le style, plus frappantes. II– L’utilisation d’autres ressources du langage : 1. Les sonorités : Les poèmes sont souvent caractérisés par le retour de mêmes sons en fin de vers ou à l’intérieur même de ceux-ci lorsque le même son consonantique ou le même vocalique est répété, à travers des procédés respectivement appelés allitération et assonance (voir la partie consacrée à la versification) dont ces vers de Marouba Fall fournissent un exemple : « S’en aller […] Pour une île du Pacifique Où le roulement de la mer cadence La danse des amours à ciel ouvert Aspergeant les grèves vertes de spasmes mousseux. » (Pépites de terre, 2004) Ces vers sont marqués par de nombreuses sonorités : les rimes finales et intérieures de [er] (mer, ouvert, aspergeant, vertes) se conjuguent aux sonorités des consonnes [r] et [s] (allitérations), à celles des voyelles [e] et [ã] (assonances), et à la rime de « cadence » et « danse » pour exprimer l’harmonie entre les éléments évoqués : l’eau et la musique. 2. Images – rythme – puissance verbale : Le poète est quelqu’un qui s’exprime dans un langage rythmé et plus par des images, à l’aide de comparaisons ou de métaphores. Par le biais de ces procédés, il cherche à être plus expressif pour davantage toucher le lecteur, l’émouvoir… La poésie est ainsi parfois plus impression que compréhension, le poète jouant plus sur la sensibilité que sur la raison. On cite souvent le remplacement par un passant poète du panneau d’un aveugle, « Aveugle de naissance » par « Le printemps va venir, je ne le verrai pas ». Cette phrase contraste avec la simplicité habituelle, le langage standard de ce panneau : le message est exprimé en vers (un alexandrin, c’est-à-dire un vers composé de 12 syllabes), utilise une image (celle du printemps), est rythmé (le vers est marqué au milieu par un accent et une pause) ; il joue aussi sur la sensibilité car le message est également lyrique (avec l’emploi du « je »). 3 - Des normes inhabituelles de construction : La poésie est souvent un condensé d’écriture, parfois même sans ponctuation, constitué de successions de phrases nominales parfois sans liens. On peut constater cette particularité dans les deux exemples qui suivent. Exemple : Puisque tu es chez toi chez moi Et moi chez moi chez toi […] L’homme est mon cimetière ma douleur mes larmes…Je t’invite donc homme frère de sang à un voyage qui ne mène nulle part sinon au cœur d’un homme malade de l’homme. Vois, l’ambition n’est pas démesurée. Modeste bien modeste est mon vœu. » (Jean-Marie Adiaffi, D’éclairs et de Foudres, « Etranger », 1980) Dans ces vers, on remarque que le poète passe d’une expression à l’autre, d’une idée à une autre le plus souvent sans mot de liaison, sans ponctuation ; les phrases sont coupées n’importe où et la conséquence de cette forme de construction est qu’elles n’occupent pas toute la ligne dans la disposition typographique. Une autre particularité est que le poète exprime l’amour, la fraternité entre les hommes par un jeu entre les pronoms « moi » et « toi » : il passe de l’un à l’autre de façon asyndétique ; l’absence de liaison, de ponctuation, exprime tout simplement l’absence de frontière, de barrière entre les deux et entre les individus de façon générale. Ces procédés montrent que la poésie renouvelle le langage ordinaire, qu'elle a aussi un pouvoir transfigurateur. Le poète peut se l’autoriser car il dispose de qu’on appelle une « licence poétique » : c’est la liberté qu’il prend avec les règles de la grammaire, de la construction et même de l’orthographe car le poète peut modifier l’écriture des mots sans que cela soit considéré comme une faute. Par exemple, certains poètes écrivent « encor » (sans « e »). III. Le langage poétique comme langage travaillé dans un but esthétique : Dans Le petit Robert, la poésie est également définie comme un « Art du langage visant à exprimer ou à suggérer par le rythme, l'harmonie et l'image ». Il s'agit donc d'un travail sur la matière verbale pour créer M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANÇAIS – FORMATEUR uploads/Litterature/ le-francais-terminale.pdf
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- Publié le Fev 28, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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