Modèle de fiche de lecture – fiction Aníbal MALVAR Lucero Genre : roman histori

Modèle de fiche de lecture – fiction Aníbal MALVAR Lucero Genre : roman historique Langue d'origine : espagnol (Espagne) Edition originale : AKAL, 2019 Nombre de pages : 361 Présentation par l'éditeur Nous sommes en 1916 dans la Vega1 de Grenade, la terre la plus riche d'Andalousie, théâtre de conflits so- ciaux et politiques incendiaires, où les journaliers souffrent de la faim tandis que les propriétaires terriens – comme le père de Lucero – se font immensément riches grâce à la contrebande d'aliments de base vers les fronts de la Grande Guerre. Une époque de cavaliers et pistolets, de bolcheviques enragés et gardes civils bourrés. C'est dans ce paysage que Lucero va forger sa première agitation poétique avant de plonger dans l'avant- gardisme irrévérencieux de la Résidence d'Étudiants à Madrid, avec Dalí, Buñuel et les sinsombrero2. Il vivra des échecs retentissants au théâtre et subira la morsure de la censure du dictateur Primo de Rivera. La per- sécution homophobe de la ténébreuse Espagne. Le succès international. Assumera la direction de la Barraca, sa compagnie de théâtre, avec laquelle il emmènera Lope de Vega et Cervantes au fin fond des campagnes sous la constante menace des phalangistes… Avec son mélange de réalité, tapage, fiction, coupures de presse, lettres, interviews et publicités de l'époque, Lucero est un puzzle cubiste qui englobe tout. C'est peut-être, aussi, le manuel d'instruction idéal pour assassiner un poète. Le sujet / un ouvrage de plus sur Federico García Lorca ? Pourquoi le grand projet d'écriture d'Aníbal Malvar de ces dernières années porte-t-il sur cette icône de la lit- térature espagnole du vingtième siècle, sur lequel abondent déjà biographies, études, hommages et commen- taires ? La question est presque inévitable. Certainement, la figure de Lorca continue à interroger et fasciner. Les informations concernant la date, le lieu et jusqu'aux circonstances exactes de sa mort, sont contradic- toires. Pour preuve, ce commentaire d'un anonyme – visiblement bien renseigné – relevé sur le site salon-litte- raire.linternaute.com : « Terrible destin que celui de Lorca assassiné si jeune encore par ces fascistes... J'ai l'im- pression qu'il y a encore des mystères sur sa mort, les différents biographes n'ont pas l'air d'accord sur la date... Je crois qu'un journaliste espagnol a publié une enquête récemment avec des éléments nouveaux... mais controversés...». Malvar a-t-il été fasciné par Lorca, en tant que romancier ? Ou s'est-il emparé de ce mythe pour, en le démythifiant, revisiter une des pages les plus noires de l'Espagne ? 1 vega : plaine alluviale, fertile. 2 Las sinsombrero : les "sans chapeau". Ces femmes, artistes ou intellectuelles, sont les oubliées de la Génération de 27 qui regroupait des artistes et auteurs d'avant-garde, parmi lesquels Federico García Lorca. Le fait de paraître en société sans chapeau représentait dans l'Espagne des années 20 un acte révolutionnaire. On peut aussi se poser la question du genre. L'éditeur présente Lucero comme un roman historique. Et quand le journaliste d'investigation et auteur Aníbal Malvar signe un roman historique, on peut s'attendre à tout. En premier lieu, à un travail considérable d'information, de documentation et d'analyse. Lors d'une conversation en 2015, alors qu'il en était aux prémisses de son travail, Malvar laissait entendre une certaine réécriture de l'Histoire qui ne serait peut-être pas du goût de certains. Et d'autre part, lui-même avertit d'emblée le lecteur dans l'exergue du roman : « La vie des poètes maudits est soumise au caprice de qui voudra les interpréter. Lu- cero n'est pas une biographie de FGL. Quel intérêt.» On n'en attendait pas moins de l'auteur de La Ballade des Misérables, dont les créatures semblent être le fruit de sa propre chair. En rebaptisant le poète sacré "Luce- ro", certes il s'affranchit du devoir du biographe tel que l'a brillament assumé Ian Gibson – comme le souligne celui-ci, on en sait finalement assez peu sur la vie privée et notamment familiale de Lorca, et si Malvar ne craint pas de rebattre les cartes, c'est que les creux et les non-dits de l'histoire officielle lui en laissent large- ment l'espace – mais c'est pour mieux livrer sa propre vérité, iconoclaste et compatissante, et pour tout dire infiniment plausible. Deux questions qu'éclaire l'interview3 publiée sur público.com, quotidien en ligne où il est lui-même chroni- queur : « Moi, je ne raconte pas tant la vie de Lorca que celle de tous ceux qui l'ont tué. Ce n'est pas une bio - graphie. C'est une romance sur l'Espagne. Une chanson de geste. Une histoire changeante et inexacte. Une question impertinente. » Ce faisant, le mythe qu'il revisite ici, ce n'est pas tant celui du poète que du petit bourgeois précieux qu'en a fait l'histoire officielle, attribuant à un collectage d'érudit sa connaissance des traditions orales et musicales d'Andalousie : « Salvador Dalí et Luis Buñuel, à la Résidence d'Étudiants, se moquaient de la poésie de Lorca parce qu'elle puait le terroir, le gitan, le bouseux. C'étaient des fils de bourgeois, des riches de la ville. Lucero était un riche de la campagne, le fils d'un contrebandier guitariste, crapule et drôle, qui invitait chez lui plus de journaliers et de gitans que de fils à papa. Lucero a grandi dans un monde de couteaux, de conflit social, de raffut. Les gitans et les couteaux lorquiens sont autobiographiques. » L'intrigue Elles pourraient se résumer à ce sous-titre : "vie et mort du poète Federico García Lorca", si ce n'est que cette vie et cette mort sont livrées, à travers une alternance de focus et de tonalités, dans une narration de l'intime et du quotidien dont la matière est tant l'environnement familial et l'histoire sociale et politique des prémisses du franquisme que la trajectoire et le destin d'un des rares auteurs qui, toujours selon Gibson, fut de son temps un "classique vivant". Des années de sa prime jeunesse à cette aube de 1936 où il est exécuté à l'âge de 38 ans, on suit Lorca/Lucero à travers cette "chronique d'une mort annoncée" (tant, pour le lecteur, la mort ignominieuse de l'artiste est gravée dans le marbre de sa renommée, à l'égal presque de son œuvre). Nul sus- pense donc, si ce n'est dans l'imbrication des trajectoires humaines, l'évolution de certaines figures majeures avec leurs logiques et leurs contradictions, et la façon dont la barbarie s'annonce puis s'avance – comme un brasier issu de feux de prairie –. Sructure et trame Le journaliste d'investigation et le romancier se passent le relais, de chapitre en chapitre, pour assurer la conti- nuité de la narration. Sur le plan formel, malgré la complexité de la trame – au sens de tissu – la structure est limpide : - "Atrio" (entrée, vestibule) : une scène de l'enfance de Lucero, que clôt une citation aubiographique de Federi- co García Lorca sur sa première émotion artistique, liée à sa terre. - 5 "Actes" numérotés de I à V, de structure identique. Chacun de ces chapitres commence par un éclairage "à 3 Les extraits les plus significatifs de cette interview figurent en annexe. la Malvar" de l'actualité espagnole du moment, sous le titre de NO-DO4. "À la Malvar", c'est à dire en quelques rapides traits de plume aussi incisifs qu'ironiques parfois, qui pourtant brossent en deux ou trois pages l'essen- tiel du contexte politique, social, voire culturel. Suit une alternance de sous-parties portant lieu et date précis, à travers lesquelles se déroule la fiction proprement dite, et qui sont émaillées de coupures de presse et docu- ments divers, de vers et citations de ou sur FGL. Ainsi progresse le poète vers sa mort annoncée, le contexte national devenant de plus en plus oppressant tandis qu'il devient cette "icône vivante" dans son propre pays et acquiert une renommée internationale. Le dénouement, comme il se doit, survient au dernier chapitre, le der- nier mot de la narration revenant aux bourreaux ; mais ils sont réduits à leur tour au silence par une succession de textes - témoignages et hommages - que clôt cette citation de Lorca (interview du journal La Nación, Bue- nos Aires, 29 décembre 1933) : «Mais je me disais aussi en moi-même que pour créer cet être fabuleux il était absolument nécessaire de fausser l'histoire, or l'histoire est un fait irréfutable qui ne laisse à l'imagination d'autre échappatoire que celui de la vêtir de poésie par la parole, et d'émotion par le silence et par les choses qui l'entourent». - "Coda" ou épilogue, qui précipite le lecteur hors de cette dense fresque en mouvement avec une entour- loupe : on ne saisit pas tout de suite que le Lucero de cet épilogue, c'est le chien d'un café de Grenade, de nos jours. Un chien andalou… Un corniaud qui, « lorsqu'il s'emmerde trop», sort faire son petit tour, tombe en ar- rêt, renifle, cherche, et se met à creuser. À creuser. À creuser. Au fait, ce Lucero, ne serait-ce pas un peu Malvar ? Intérêt et difficulté de la traduction Il y a, d'abord, l'intérêt intrinsèque de l'œuvre littéraire et en particulier, la qualité de l'écriture ; comme ma- tière, c'est un régal. uploads/Litterature/ fdl-amalvar-lucero.pdf

  • 20
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager