1 L’École et les parents: la grande explication Philippe Meirieu en collaborati

1 L’École et les parents: la grande explication Philippe Meirieu en collaboration avec Daniel Hameline avec la participation de Hervé Baro Serge Boimare Roland Charnay Bernard Defrance Cécile Delannoy François Dubet Walo Hutmacher Albert Jacquard Gilbert Longhi Danièle Manesse Jean-Jacques Paul Claude Rebaud Dominique Sénore Jean-Michel Zakhartchouk 2 De Philippe Meirieu, aux éditions Plon : - L’école ou la guerre civile, en collaboration avec Marc Guiraud, 1997 - Lettres à quelques amis politiques sur la République et l’état de son école, 1998 3 Aux parents d’élèves qui ne liront jamais ce livre. À leurs enfants. 4 TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION : Les parents et les enseignants sont dans un bateau… un ministre tombe à l’eau Philippe Meirieu PREMIÈRE PARTIE : Pour un nouveau « pacte éducatif » Philippe Meirieu DEUXIÈME PARTIE : La situation et les enjeux de l’École aujourd’hui - « C’était mieux avant ! »… ou comment échapper à la nostalgie du tableau noir de la République François Dubet - « Ça coûte trop cher pour pas grand-chose ! »… ou comment évaluer les coûts et les résultats de l’institution scolaire Jean-Jacques Paul TROISIÈME PARTIE : Apprendre dans l’École d’aujourd’hui - « Rien ne vaut les bonnes veilles méthodes ! »… ou comment échapper aux simplifications rapides Cécile Delannoy - « L’orthographe fout le camp ! »… ou comment sortir de la désolation Danièle Manesse - « Il n’y a plus que la télé et les jeux vidéos ! »… ou comment retrouver le goût des grandes œuvres 5 Jean-Michel Zakhartchouk - « Les maths, c’est l’enfer ! »… ou comment sortir du casse-tête des mathématiques Roland Charnay - « L’école, je n’en veux plus ! »… ou comment faire face à un refus ou à un échec scolaires graves Serge Boimare QUATRIÈME PARTIE : Agir ensemble dans l’École d’aujourd’hui - « Les notes, les bulletins, le travail à la maison, c’est la crise ! »…ou comment mieux aider les enfants dans leur travail scolaire Dominique Sénore « Ils ne savent plus se tenir ! »… ou comment réapprendre à vivre ensemble Bernard Defrance - « Hors des grands lycées, point de salut ! »… ou comment choisir « la bonne école » Gilbert Longhi - « Les enseignants sont des irresponsables ! »… ou comment reconstruire la confiance entre les familles et l’école Hervé Baro - « Les profs, on ne peut jamais les voir ! »… ou comment renouer le dialogue dans l’intérêt de l’enfant Claude Rebaud CINQUIÈME PARTIE : Projets et utopies - « Assez de pédagogie… qu’on travaille enfin ! »… ou comment y voir clair dans un vieux débat Daniel Hameline 6 - « Hors de la réussite scolaire, point de salut ! »… ou comment faire de l’École un lieu créateur d’humanité Albert Jacquard CONCLUSION : Quel avenir pour l’École publique au temps de la mondialisation ? Walo Hutmacher 7 INTRODUCTION Les parents et les enseignants sont dans un bateau… un ministre tombe à l’eau… Les historiens jugeront, dans quelques années, l’action de Claude Allègre. Ils tireront le bilan des chantiers qu’il a ouverts en matière de réforme scolaire, d’évolution des programmes, de gestion de l’Éducation nationale. Ils se demanderont comment son action a pu provoquer la coalition de jacqueries qui, finalement, entraîna sa chute. Il est trop tôt pour un bilan objectif. Les passions sont encore vives. Et ce sont, précisément, ces passions qui apparaissent aujourd’hui comme l’élément le plus frappant de son passage à la rue de Grenelle. La « période Allègre » fut, en effet, profondément passionnée. Il faut, sans doute, remonter à Jules Ferry pour trouver, en France, un tel déchaînement autour de la question scolaire. Depuis l’époque héroïque de la constitution de « la laïque », on ne parla jamais autant d’éducation. 8 Partout. Dans les gazettes nationales comme dans les réunions de famille. Dans les salles des professeurs comme aux comptoirs des cafés de quartier. Jamais on n’y mit tant de fougue. Jamais on ne s’invectiva avec autant de violence en des propos aussi radicaux : « Les enseignants sont des irresponsables qu’il faut mettre au pas ! Allègre a raison : assez de complaisance avec les fonctionnaires ! ». Ou bien : « Le ministre veut livrer l’École à l’économie de marché. On assassine la culture. On méprise ceux qui la transmettent ! ». Ou encore : « Allègre est la dernière chance du service public : si ce dernier ne se modernise pas, il périra inévitablement ! ». Ou aussi : « Le ministre joue les parents contre les profs. Il casse une institution fondée précisément sur la résistance au pouvoir des familles, la lutte contre les particularismes et les privilèges familiaux. Il sape l’unité de la République ! » Difficile d’y voir clair dans ces affirmations contradictoires. Mais, au moins, une chose est sûre : Claude Allègre n’a peut-être pas apporté les bonnes réponses, mais il a posé les bonnes questions. Il a mis le doigt sur la plaie. Sa manière, toute personnelle, de s’exprimer aurait pu, en d’autres temps ou sur d’autres sujets, faire sourire et susciter, selon les affinités des uns ou des autres, de l’amusement ou de l’agacement. Ce ne fut pas le cas. Chacun de ses propos fut repris, amplifié dans une immense caisse de résonance nationale : les parents et les enseignants s’en emparèrent, chacun de leur côté, pour manifester leur inquiétude, dire leur désarroi. Car la crise est bien là : entre l’École et les familles, le contrat de confiance est rompu. Certes, les parents gardent, globalement, une bonne opinion des enseignants qu’ils considèrent comme plutôt compétents et dévoués. Les enseignants, tout en précisant que « les parents doivent rester à leur place », affirment les respecter et souhaiter, tout à la fois, une meilleure information à leur égard et une plus grande implication de leur 9 part dans le fonctionnement des instances des établissements. Mais la suspicion s’est installée : chacun pense que l’autre poursuit ses propres intérêts. On ne voit plus clairement d’intérêt commun. Aux uns, le souci jaloux de la réussite de leurs enfants. Aux autres, l’obsession de leurs conditions de travail et de leur carrière. Ils sont dans le même bateau, mais ils ne semblent pas s’entendre sur le cap à tenir. Et le capitaine est passé par-dessus bord ! Voilà où nous en sommes. Pendant des dizaines d’années, parents et enseignants ont ramé à peu près ensemble pour la réussite d’une institution qui faisait leur fierté commune. Les parents louaient la qualité et, surtout, la droiture et l’équité des maîtres : la réussite scolaire était une reconnaissance publique du mérite de l’intéressé ; son échec lui était imputable et n’était que justice. Aujourd’hui, la réussite est le fruit des stratégies habiles des parents qui ont su trouver le bon établissement et dénicher la perle rare pour donner les meilleures leçons particulières possibles. L’échec, d’un élève, en revanche, est attribué aux mauvais enseignements qu’il a reçus. De leur côté, les enseignants considéraient les parents comme des alliés dans une entreprise d’éducation où les meilleurs élèves étaient naturellement promus. Aujourd’hui, ils voient en eux des « consommateurs d’école », prêts à entraver le bon fonctionnement de l’institution pour favoriser leur progéniture. Qu’un ministre, alors, parle de « restaurer la qualité du service public » et chacun flaire le danger : pour les enseignants, les parents, qui sont d’affreux égoïstes, vont en profiter pour accroître leur emprise sur l’École ; pour les parents, les enseignants, qui sont d’affreux corporatistes, vont chercher à améliorer leur situation, déjà privilégiée. Évidemment, dans les discours officiels des syndicats de maîtres comme des fédérations de parents d’élèves, on ne trouve pas trace de cela : partout, on parle de se serrer les coudes pour servir l’intérêt de tous les jeunes. Mais c’est bien 10 parce que ces discours ne recouvrent plus les comportements des personnes sur le terrain que la crise est patente et les débats si vifs. Le ministre n’a pas créé le problème. Volontairement ou involontairement, il lui a permis de surgir dans le débat public. Il a quitté le bateau. Le problème demeure. Quelles que soient les velléités de ses successeurs pour calmer le jeu, il ressurgira. Il faudra bien alors, un jour, que survienne « la grande explication ». Philippe Meirieu 11 PREMIÈRE PARTIE : POUR UN NOUVEAU « PACTE ÉDUCATIF » Philippe Meirieu Professeur des universités À en juger par la violence des polémiques qui sévissent aujourd’hui, la question de l’École doit, sans aucun doute, nous interpeller d’une manière toute particulière. Nous sommes là, en effet, dans un domaine où s’entrecroisent les préoccupations privées et les exigences de la « chose publique », les intérêts les plus intimes et les enjeux les plus politiques. Car il s’agit bien, tout à la fois, du sort de nos propres enfants et de l’avenir collectif de la nation. Et nous ne pouvons, décemment, nous désintéresser ni de l’un, ni de l’autre… même quand l’un et l’autre sont difficilement compatibles. Qui pourrait nous reprocher, en effet, de chercher à uploads/Litterature/ l-x27-ecole-et-les-parents 1 .pdf

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