érotisme et poésie populaire par Slimane Aït Haddou La tradition poétique popul

érotisme et poésie populaire par Slimane Aït Haddou La tradition poétique populaire n’a gardé trace, à notre humble connaissance-et nous souhaiterions vivement être contredit- d’aucune œuvre significative dans le registre érotique entendu dans son sens charnel, sensuel et libertin. Même si de telles œuvres ont sûrement existé, comme dans toutes les littératures universelles, y compris la littérature arabe, elles n’ont du circuler que dans le cercle très fermé des poètes avertis, des grands collectionneurs et des initiés. Tout, ou à peu près tout, peut-être dit en poésie mais tout n’est pas, tant s’en faut, destiné à une large diffusion publique. Alors aborder ce volet extrêmement délicat et secret de la littérature populaire en l’absence de tout corpus reviendrait à passer au crible tout le sable du désert à la recherche d’une pépite… Il n’y a pas de pulsion exhibitionniste chez nos poètes, mais ce que nous pouvons par contre évoquer rapidement c’est la manière parfois suggestive, imagée et parfois joyeusement crue avec laquelle ils nous décrivent les choses de la chair, du corps et du désir. Voyons comment le poète marocain Touhami Médaghri, dans son exposition des canons de la beauté, crois éluder une partie « délicate » de l’anatomie féminine alors qu’en définitive son silence pudique ouvre dans le corps du texte un abîme de fantasmes : « Essdar oul jabha ou ‘ayân, ouâs’în ou dhîq el anf ou fomm ya soltâni, bessouâb eththâlath yousân » « La poitrine, le front et les yeux sont larges, étroits sont le nez, la bouche, majesté ! Et le troisième que je tairais par décence » Si Mestfa Benbrahim, le barde des Beni ‘Amer, lui, utilise une expression énigmatique pour parler du désordre de l’étreinte passionnée: « Et’annaqna ‘ala hbâl ou tkhâlaf ‘adhdhha b-‘adhdhi » que Azza traduit par : « nous nous enlaçâmes dans un élan de folie, et son bras et le mien s’entrecroisèrent ». Mais d’autres versions existent, qui traduisent un embarras réel pour dire la chose. L’une donne : « tkhâlaf ‘ardhha b-‘ardhi », et l’autre : « tkhâlaf ‘aqdha b-‘aqdi ». On peut gloser longuement sur ces termes de « ‘ardh » et de « ‘aqd » à la polysémie suggestive. Abdelkader El Khaldi quant à lui emprunte au vocabulaire du cheval et compare l’amour physique au sport équestre : « Mazian hall ettafsîr, oul hzâm ou tafdâg eddîr, mazian hakk echchabîr, foug sartiya jarrâya, chahba oul jald hrîr, tenglab ki errouhâniya « Que c’est beau de détacher le licol, de desserrer la ventrière et de dégrafer le poitrail, que c’est beau de frotter son éperon sur une jument de race rapide à la course, à la robe grise et à la peau soyeuse, qui se tourne et se retourne plus vite qu’un esprit. Le même poète dans un autre texte intitulé « Nous verrons ça » laisse libre court à l’expression de ses désirs: « Je désire ma’âk endoumas, ou ncaressi dîk el gossa « Fi dâk el paradis noqdas, ouîn hda Eros el ‘afsa « ‘Ala sadrak nabghi nen’as, ‘an dhâk elli themma rassa « Natlammas ou n’adh ou noqros, ou nbous alef oualef bousa « J’aimerais coucher avec toi, et caresser cette mèche de cheveux « Communier dans ce paradis où Eros a laissé son empreinte « Sur ta poitrine je veux trouver le sommeil, ma tête posée sur ce qui y est solidement planté « Je veux toucher, mordre et pincer et donner mille et un baisers ! C’est dire si un long chemin a été parcouru par la corporation des poètes populaires depuis cette époque où le caïd Boukhors s’était vu vertement ramené à l’ordre à cause de ce vers « osé » de « Dablouni ya sahbi larsâm » où il disait : « Koun nahki lek ya elli fahhâm, ki hallît hzâm Saadia « Salemmt ‘aliha ch-hâl slâm, ou gbadt el bezzoul bidiya « Ah si je te racontais, ô toi qui comprend vite, comment j’ai dénoué la ceinture de Saadia « Je l’ai couverte de baisers et j’ai pris son sein dans mes mains C’est ce terme « bezzoul » surtout, pensons-nous, trop vulgaire à leur goût, qui a du gêner les chioukhs. Quand à cheikh El Mekki El Azemmouri il ne rougit point de mettre dans la bouche d’une co- épouse bien en chair cette réplique à son adversaire moins gâtée par la nature dans son poème « Khsâm el bahiât »(la dispute des co-épouses): « Choufi radfi soltân fi blâdou yahkem fel ‘âchqîn bla char’ia « Oul houkamâ madhou el gholdh qâlou ‘annou lahbâr « Koul ellham ou farrach ellham ou ouallaj ellham fellham ya zoghbia « Ach ya’achqou fîk errjâl ya salloum el makhkhâr « Regarde ma croupe : c’est une reine qui impose sa loi aux amoureux sur son territoire « Les sages ont vanté la grosseur et les savants ont dit à son propos : « Mange de la viande et étends-toi sur la viande, ensuite introduis la viande dans la viande, ô malheureuse ! « Et toi qu’est-ce que les hommes peuvent te trouver, ô échelle pour les voleurs ! Fin. uploads/Litterature/ l-x27-erotisme-mesure-des-poetes-de-melhoun.pdf

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