Table des Matières Page de Titre Table des Matières Page de Copyright DES MÊMES
Table des Matières Page de Titre Table des Matières Page de Copyright DES MÊMES AUTEURS 1 2 En partance 3 L'écriture a deux formes pour moi 4 Dans le mot roman, je mettais littérature 5 Je sens l'écriture comme un couteau 6 Un désir de dissolution 7 Une espèce de chantier 8 Quelque chose de dangereux 9 Chercher des formes nouvelles 10 Un don reversé 11 Transfuge 12 La culture du monde dominé 13 La connaissance et l'explication du monde 14 J'ai une histoire de femme 15 Une double obscénité 16 Écrire sa vie, vivre son écriture 17 Écrire pour sauver 18 La proximité des choses 19 Je ne vois pas les mots, je vois les choses 20 Le désir et la nécessité 21 Comme un organisme autonome 22 Une façon d'exister © Éditions Stock, 2003. 978-2-234-06847-6 DES MÊMES AUTEURS Annie Ernaux, aux éditions Gallimard Les armoires vides, 1974. Ce qu'ils disent ou rien, 1977. La femme gelée, 1981. La place, 1984. Une femme, 1988. Passion simple, 1992. Journal du dehors, 1993. « Je ne suis pas sortie de ma nuit », 1997. La honte, 1997. L'événement, 2000. La vie extérieure, 2000. Se perdre, 2001. L'occupation, 2002. Frédéric-Yves Jeannet Si loin de nulle part, 1985, rééd. Le Castor Astral, 2002. De la distance, avec Michel Butor, 1990, rééd. Le Castor Astral, 2000. Cyclone, Le Castor Astral, 1997. Charité, Flammarion, 2000. La lumière naturelle, Galilée, 2002. Les antipodes souvent nous appellent, l'autre pôle. À la recherche d'un sens au monde et dans nos vies, nous préférons alors nos différences à nos similitudes, entre semblables le dissemblable, ne pouvant nous résigner à ne retrouver chez les autres que notre reflet, à ne vivre et travailler que par identification. Nous en apprenons plus en effet sur l'appréhension d'un monde commun en observant la quête menée par d'autres qu'en poursuivant avec difficulté, toujours à deux doigts d'y renoncer et sur le bord d'une falaise, notre recherche propre. C'est en cela que la lecture nous alimente, peut nous sauver du processus tortueux, torturant, de l'écriture, et nous donner la force de poursuivre. On affronte en effet les plus grands dangers, on accepte de courir tous les risques lorsqu'il s'agit de mener aussi loin que possible une investigation où l'être entier est mis en jeu, toujours à déchiffrer et tenter d'éclaircir au moyen d'une anamnèse, dans le fil de l'exemple que nous ont donné Montaigne, Chateaubriand, Rousseau ou Leiris. Ainsi, c'est parce qu'elle est en apparence à l'opposé, dans sa forme, de mon travail long et labyrinthique, à la recherche pourtant lui aussi d'une vérité sur mon passé, que j'admire depuis vingt ans la trajectoire exigeante et risquée d'Annie Ernaux, son écriture qui ne ment pas, décapée jusqu'à l'os, mettant à nu la douleur, la joie, la complexité d'exister. J'admire que, d'une masse nécessairement complexe et profuse de sensations, pensées et sentiments, elle parvienne à extraire l'essence dans des livres resserrés à l'extrême, qui paraissent limpides mais où la difficulté de la démarche, du déchiffrage, n'est pourtant pas oblitérée, toujours présente en filigrane et signalée au fil même du récit. J'aime ses phrases sans métaphores, sans effets, leurs silex affûtés qui tranchent dans le vif, écorchent, et que ce mouvement se soit encore accentué dans les années récentes par une exploration de plus en plus risquée, d'une précision d'entomologue, qui va jusqu'aux confins de ce qu'il est accepté de dire, de ce qu'on dit ou ne dit pas. La gêne et l'incompréhension, les réactions de rejet que suscitent chez quelques-uns, qui font profession de lire, de comprendre, et la vilipendent aujourd'hui, ses explorations de l'être tout entier, corps et âme, relèvent sans aucun doute de mobiles plus obscurs – politiques, misogynes ou bien-pensants – que ceux de l'analyse littéraire. Elles me semblent un bon symptôme de la résistance multiple provoquée par toute transgression des frontières immuables, étanches ou tenues pour telles, entre « le su, le connu » et d'autres territoires, intacts, inexplorés, les « territoires du nord » tels qu'ils s'étendent aux frontières de Hong Kong vers ce qui était, il y a peu encore, un autre monde : la Chine. J'ai donc voulu tenter de faire dire à Annie Ernaux les motivations profondes et circonstances de son geste, de sa posture d'écrivain. Car, pour ma part, j'ai pris comme elle depuis longtemps le pli du caravanier insensible aux aboiements, du gabier qui jamais ne change de cap ni ne déroge : je sais qu'il faut aller invariablement vers le pôle, tel le capitaine Hatteras, poursuivre quoi que l'on puisse en dire et sans se détourner. Je tiens l'inconfort pour seule méthode, seul moyen de ne pas reproduire, de dépasser au contraire ce qu'on nous a légué, enseigné, de réaliser enfin ce qu'on nous a dissuadé d'entreprendre, et de se forcer ainsi un passage. Vers quoi ? Le saura-t-on jamais ? Une vérité, sans doute : la nôtre. L'entretien, comme d'autres genres dits « mineurs », m'a toujours semblé apte à révéler, sous l'effet d'une sollicitation extérieure, ce qui dans l'œuvre interrogée reste souvent implicite ; apte à y ouvrir ainsi, peut-être, quelques nouvelles fenêtres. Dans le meilleur des cas, cette forme peut même conduire sur des sentiers de traverse que l'œuvre n'emprunte pas. D'où ce projet ancien, auquel Annie Ernaux s'est prêtée de bonne grâce, avec rigueur et sympathie : il s'agit donc d'un entretien, au singulier car ses différentes phases se sont enchaînées jusqu'à ne plus former au fil d'une année qu'un seul questionnement dialogique, réalisé entièrement à distance, entre nos pôles et continents respectifs, selon le rythme propre du courrier électronique. F.-Y. J., 28 juin 2002 Depuis six ans, nous entretenons, Frédéric-Yves Jeannet, qui vit aux États-Unis, et moi, une correspondance à la fois fidèle et espacée. Dans son livre Cyclone, paru en 1997, j'avais reconnu l'engagement absolu d'un écrivain dans une quête dont l'objet, la blessure toujours vivante, apparaît et fuit sans cesse, toute la beauté d'une écriture reprenant et mêlant les mêmes motifs, lieux et scènes, en une symphonie somptueuse et déchirée. Les suivants, Charité et, récemment, La Lumière naturelle, montrent la poursuite de cette entreprise singulière, sans compromission. L'an passé, lors d'un déplacement en France, Frédéric-Yves Jeannet m'a demandé si j'accepterais que nous ayons un entretien sur des questions d'écriture et sur mes livres, en utilisant, par exemple, le courrier électronique. Ce serait quelque chose de très libre, sans durée définie ni finalité précise. Cette absence de contraintes, cette incertitude même de l'issue, la forme entièrement écrite de l'échange, m'ont tentée. Par-dessus tout, je savais que, par sa façon de vivre l'écriture, Frédéric-Yves Jeannet serait un enquêteur profondément impliqué. Il n'est pas jusqu'aux différences dans les moyens de nos entreprises respectives qui ne me soient apparues comme une chance, une sorte de garantie. C'est dans la distance et l'écart des points de vue que je me sentirais à la fois le plus libre et le plus tenue d'expliciter ma démarche. Pendant une année environ, sans régularité particulière, Frédéric-Yves Jeannet m'a envoyé par e-mail un ensemble de questions et de réflexions. Il était rare que je réponde immédiatement. Entre le libellé d'une question et ce qu'on croit écrire s'étend un espace angoissant, voire menaçant. Lors d'un entretien oral, même mené avec lenteur, on s'efforce de l'ignorer et de le franchir avec plus ou moins d'aisance et de rapidité, affaire d'habitude. Là, je pouvais prendre le temps d'apprivoiser cet espace, de faire surgir du vide ce que je pense, cherche, éprouve quand j'écris – ou tente d'écrire – mais qui est absent quand je n'écris pas. Une fois que j'avais l'impression d'avoir saisi quelque chose d'un peu sûr, je me lançais à écrire directement ma réponse sur l'ordinateur, sans notes et avec le minimum de corrections, selon la règle du jeu que je m'étais imposée. Tout au long de cet entretien, je n'ai eu comme souci que la sincérité et la précision, celle-ci se découvrant plus difficile à obtenir que celle-là. Il n'est pas aisé de rendre compte, sans l'unifier ni la réduire à quelques principes, d'une pratique d'écriture commencée il y a trente ans. D'en laisser percevoir les inévitables contradictions. D'apporter des détails concrets sur ce qui se dérobe le plus clair du temps à la conscience. Ce qui assemble les phrases de mes livres, en choisit les mots, c'est mon désir, et je ne peux l'apprendre aux autres puisqu'il m'échappe à moi- même. Mais il me semble pouvoir indiquer la visée de mes textes, donner mes « raisons » d'écrire. Qu'elles relèvent de l'imaginaire n'enlève rien au fait qu'elles jouent réellement sur la forme même de l'écriture. J'espère simplement avoir réussi à exprimer quelques vérités individuelles et provisoires – révisables assurément par d'autres – sur ce qui occupe beaucoup ma vie. J'ai parcouru avec curiosité, plaisir, incertitude parfois, les chemins ouverts au fur et à mesure, tenacement, subtilement, par Frédéric-Yves Jeannet. Suis-je pour autant allée ailleurs, comme j'en émets le vœu au début de l'entretien ? Non, seule – avec l'amour, peut-être – la descente sans garde-fou dans une uploads/Litterature/ l-x27-ecriture-comme-un-couteau-entretien-avec-pierre-yves-jeannet-annie-ernaux.pdf
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- Publié le Fev 08, 2022
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