Payot Editions Payot Lausanne 28.00 € SOFEDIS S324365 5.07 Cinéma Au tournant d
Payot Editions Payot Lausanne 28.00 € SOFEDIS S324365 5.07 Cinéma Au tournant du XXe siècle, l’émergence du cinéma suscite des discours passionnés visant à lui assurer une légitimité artistique et sociale. Ces débats intenses culminent dans la France des années 1910-1930, où de nombreux cinéastes, critiques et théoriciens (Abel Gance, Jean Epstein, Germaine Dulac, Louis Delluc, Ricciotto Canudo, Léon Moussinac, Elie Faure...) envisagent le film comme le médium emblématique du monde contemporain. D’une part, il renvoie par sa nature scientifique et mécanique aux nouvelles techniques issues de l’industrialisation; d’autre part, il accomplit un ancien fantasme esthétique en conférant aux arts plastiques la dimension du mouvement. Le cinéma se situe d’emblée à la croisée de réflexions artistiques générales qui touchent également à l’art pictural et la musique ainsi qu’à la culture du corps qui marque en profondeur l’entre-deux-guerres (danse, éducation physique, sport). Dans ces différents domaines, la notion de rythme s’avère alors essentielle dans le sens où elle sous-entend une structuration particulière du temps également capable de définir l’organisation de l’espace. L’élaboration des principes esthétiques de ce nouvel art du mouvement accorde fréquemment un rôle déterminant au modèle de la composition musicale, prolongeant des idées développées dans les arts plastiques par Wassily Kandinsky et Frantisek Kupka. A côté d’une première tendance qui utilise dans un sens métaphorique certaines notions empruntées à la musique, un courant plus radical voit les fondements du cinéma (mise en scène, cadrage, montage) régis par des structures analogiques à celles de l’art musical. Exprimant les différentes facettes de la «vie moderne», notamment la vitesse associée aux nouveaux moyens de communication internationaux, le cinéma est enfin perçu comme l’accomplissement du Gesamtkunswerk prôné par Wagner, actualisant ainsi le rêve d’une résurgence au cœur de la modernité des fonctions sociales et morales de la tragédie antique. Issu pour une large part des expérimentations physiologiques du mouvement humain (Muybridge, Marey), le film rencontre ainsi les préoccupations des rénovateurs de la danse et des arts mimiques – de la Rythmique d’Emile Jaques-Dalcroze à Isadora Duncan ou Loïe Fuller – pour forger les bases d’un médium audiovisuel fondé sur le synchronisme rythmique de tous ses éléments fondamentaux. C’est dans ce contexte qu’émerge le grand spectacle cinématographique accompagné de musique. Docteur ès Lettres, Laurent Guido enseigne le cinéma à l’Université de Lausanne. Chercheur F.N.S. invité à Paris I (2001-2002) et Chicago (2003), il travaille principalement sur les relations entre film, corporalité et musique, ainsi que sur l’historiographie du cinéma. Il a collaboré avec diverses institutions (Musée Olympique, Musée Rath, Grand Théâtre de Genève, Louvre). Outre une quarantaine d’études scientifiques, il a publié La Mise en scène du corps sportif/Spotlighting the Sporting Body (2002, avec G. Haver) et dirigé le collectif Les Peurs de Hollywood (2006). Il prépare un essai général sur les relations entre danse et cinéma. L’Age du rythme Cinéma, musicalité et culture du corps dans les théories françaises des années 1910-1930 L’Age du rythme L A U R E N T G U I D O L A U R E N T G U I D O ISBN 2-601-03352-6 L’Age du rythme Cinéma, musicalité et culture du corps dans les théories françaises des années 1910-1930 Cinéma Collection dirigée par François Albera Cinéma Editions Payot Lausanne Laurent Guido L’Age du rythme Cinéma, musicalité et culture du corps dans les théories françaises des années 1910-1930 Je tiens à exprimer toute ma profonde reconnaissance à François Albera, directeur de la thèse de doctorat d’où est tiré cet ouvrage, ainsi qu’à Domi- nique Chateau et Philippe Junod qui m’ont soutenu pendant ce travail et m’ont permis par leurs remarques de progresser dans ma réflexion. Mes remer- ciements s’adressent également à Tom Gunning, Pierre-Emmanuel Jaques, James Lastra, Yuri Tsivian, Laurent Véray et Tami Williams pour leurs conseils amicaux et généreux, à Andrea et Jacqueline Guido pour leur soutien sans faille, ainsi qu’à Alain Boillat et Vincent Verselle pour leur relecture minutieuse et leurs précieux commentaires. Enfin, toute ma gratitude va à Rachel Noël, dont les idées passionnées et la présence lumineuse ont rythmé chaque étape de cette recherche. Les institutions suivantes m’ont fourni un appui indispensable: le Fonds National Suisse pour la recherche scientifique (FNS.), la Section d’Histoire et esthétique du cinéma de l’Université de Lausanne, la Cinémathèque Suisse, la Bibliothèque Nationale Suisse, l’Institut Jaques-Dalcroze (Genève), le Musée Olympique, le Committee for Media and Cinema Studies de l’Uni- versité de Chicago, la Regenstein Library, l’International House (Chicago), les Archives Nationales, la Bibliothèque Nationale (France), l’Association française de recherche sur l’histoire du cinéma (AFRHC), la Bibliothèque du film (BiFi), la Bibliothèque de l’Arsenal, la Bibliothèque de l’Opéra, la Cinémathèque de la danse, la Fondation Suisse et la Cité Universitaire (Paris). La publication de cet ouvrage a été rendue possible grâce au soutien du Rectorat, de la Commission des Publications et de la Fondation du 450e anni- versaire de l’Université de Lausanne. Couverture Conception: Pierre Neumann, Vevey Illustration: Analyse «harmonique» du visage de la tenniswoman Helen Wills, par Matila Ghyka, Le Nombre d’Or. Tome I: Les Rythmes, Paris, 1932 JACQUES SCHERRER EDITEUR © 2007, Editions Payot Lausanne, Nadir s.a. ISBN 2-601-03352-6 Imprimé en France Le 9 février 1929, l’Université des Annales de Paris propose une confé- rence sur «Le Rythme dans tous les Arts», un sujet vaste et ambitieux traité à cette occasion par le poète et critique Fernand Divoire. Rédac- teur en chef du grand quotidien L’Intransigeant, cette figure familière du milieu culturel parisien a publié des essais sur l’occultisme et signé des chroniques pour divers périodiques artistiques. Spécialiste de danse, il a également écrit une série de livres aujourd’hui précieux pour les histo- riens des nouvelles tendances chorégraphiques en France1. Il a enfin parti- cipé à deux groupes animés par Ricciotto Canudo: Montjoie! (1913- 1914), où il a pu côtoyer les artistes les plus importants de l’époque 2, et le comité de rédaction de la Gazette des Sept Arts, qui projette en 1922 d’envisager de concert l’architecture, la peinture, la sculpture, la musique, la poésie, la danse et la «cinégraphie». Située à la croisée des différents domaines artistiques, cette activité légitime certainement son interven- tion orale sur les correspondances rythmiques entre les arts. Scandée par des performances musicales sur lesquelles évolue la balle- rine russe Nikitina, la conférence de Fernand Divoire remplit bien les promesses de son intitulé en abordant la question du rythme dans plusieurs secteurs artistiques, mais sa réflexion esthétique se limite malheureuse- ment à quelques vagues énoncés très généraux, à des évocations suc- cinctes formulées dans un langage plus exalté que véritablement théo- rique. Au fil de son discours, la définition du rythme ne cesse en outre de varier, puisqu’il est tour à tour considéré comme une «structure» du mouvement, un principe de différenciation biologique, un équivalent du «nombre», une série d’accents frappés à certains intervalles repérables, et comme un équilibre de proportions communes aux deux dimensions distinctes de l’espace et du temps. A l’issue d’un exposé sur l’existence de rythmes universels et naturels régissant le mouvement des astres, des végétaux et des êtres vivants, Divoire évalue successivement différents arts (danse, architecture, poésie) en explicitant pour chacun sa part de rythmicité, mais il choisit de ne pas développer la question du cinéma: «Je n’insiste pas sur le rythme cinématographique dont tout le monde Introduction parle: on ne sait pas encore très bien ce que c’est.» En avouant son incom- pétence en la matière, le critique se borne à «constater que tous les cinéastes parlent de rythme» et d’estimer en conséquence que «cela doit correspondre à une réalité» (Divoire 1929a: 81-89). Le secteur écarté ici par Divoire est justement celui auquel j’ai choisi de consacrer ma recherche: le rythme cinématographique. Plus précisé- ment, mon attention se portera sur les proclamations esthétiques et les débats théoriques suscités par ce dernier. En recourant deux fois au verbe «parler», Divoire indique d’ailleurs qu’une telle perspective se situe plus sur le terrain du discours que de la pratique. Il précise en outre que cette question ne concerne pas seulement le champ du cinéma («tous» les cinéastes), mais également la communauté intellectuelle la plus vaste possible («tout le monde»). Toute problématisation du rythme engage une démarche pluridisciplinaire, impliquant la circulation, l’échange et la comparaison entre des espaces de réflexion éloignés les uns des autres. C’est pourquoi il est nécessaire de l’inscrire dans un réseau de concepts et de discours qui dépasse largement l’esthétique pour toucher à des inter- rogations scientifiques et philosophiques. A partir du dernier quart du XIXe siècle, le rythme est en effet l’objet privilégié de recherches en psychologie expérimentale (la perception de stimuli sonores ou visuels) et en physiologie du mouvement (la circulation du sang, la respiration, le battement cardiaque, les gestes animaux ou humains...) qui s’appuient généralement sur le postulat d’une énergie universelle en oscillation cons- tante. En vertu des relations qui se nouent à la même époque entre les divers domaines du savoir, via l’institutionnalisation de nouvelles disci- plines comme la psychologie ou l’anthropologie, ces études scientifiques sont examinées avec attention par Henri Bergson, dont les écrits influe- ront considérablement sur les conceptions philosophiques uploads/Litterature/ l-x27-age-du-rythme-cinema-musicalite-et-culture-du-corps-dans-les-theories-francaises-des-annees-1910-1930.pdf
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- Publié le Dec 23, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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