©, 2020 Laurence Gauvreau This document is protected by copyright law. Use of t

©, 2020 Laurence Gauvreau This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 12/06/2021 8:10 a.m. Voix plurielles Revue de l'Association des professeur.e.s de français des universités et collèges canadiens (APFUCC) L' écriture de soi, une écriture de l’Autre ? Laurence Gauvreau Volume 17, Number 1, 2020 URI: https://id.erudit.org/iderudit/1069218ar DOI: https://doi.org/10.26522/vp.v17i1.2479 See table of contents Publisher(s) Association des professeur.e.s de français des universités et collèges canadiens (APFUCC) ISSN 1925-0614 (digital) Explore this journal Cite this article Gauvreau, L. (2020). L' écriture de soi, une écriture de l’Autre ? Voix plurielles, 17(1), 171–181. https://doi.org/10.26522/vp.v17i1.2479 Article abstract Cet article propose, en (re)contextualisant l’écriture de soi à l’aide des théories postmodernes et de leur vision « dénaturalisée » de l’individu, de la subjectivité et de la représentation, de penser le soi écrit comme culturellement, socialement et subjectivement construit. C’est à l’aide de l’intertextualité, une des nombreuses manières de bâtir une notion de soi par l’écriture, que nous étudierons comment le sociétal, c’est-à-dire l’intégration d’une bibliothèque, se mêle aux choix narratifs et subjectifs d’un auteur afin de construire une identité littéraire. Voix plurielles 17.1 (2020) 171 L’écriture de soi, une écriture de l’Autre ? Laurence GAUVREAU, Simon Fraser University L’écriture de soi postmoderne Les théories du postmodernisme – qu’il s’agisse des travaux de Frederic Jameson et de ses analyses littéraires en lien avec l’histoire sociale (1961, 1971, 1981), de Jean-François Lyotard et de son célèbre ouvrage La condition postmoderne (1979), ou encore de la synthèse que réalise Linda Hutcheon à propos de ce courant dans The Politics of Postmodernism (1989) – proposent une nouvelle vision des caractéristiques de notre société. Elles montrent que ce que nous pensons et sentons comme « naturel » est en fait « culturel », construit par l’homme et non donné à lui. Cette idée de dénaturalisation de tous les aspects de notre société apporte de nombreux changements dans la manière de penser le monde, entre autres en ce qui concerne notre façon de concevoir l’individu, la subjectivité et l’instance du « soi ». Plutôt que d’être considéré comme une essence, le soi postmoderne devient un concept bâti comme un amalgame non concordant d’influences culturelles et d’éléments identitaires qui proviennent de la société dans laquelle nous évoluons. De plus, n’étant plus considéré comme naturel, plusieurs suggèrent alors que le soi n’existe plus dans l’immédiateté, mais bien à travers la distanciation et la subjectivité qu’implique la réflexion. Le fameux philosophe Paul Ricœur y consacre d’ailleurs un livre, Soi-même comme un autre (1990), et y explique que le soi serait toujours une instance qui nous est accessible parce que pensée par nous, réfléchie et perçue de manière relative, partiale et contextuelle. De ces aspects socialement construits et subjectivement interprétés, l’identité qui existe en amont de l’individu deviendrait ainsi un genre de mythe. Il n’y aurait pas de présence, de descriptions ou de perceptions transparentes, neutres ou objectives du soi, qui existeraient en dehors de la société ou précédant la perception subjective et réfléchie que l’individu entretient par rapport à lui-même. Ces théories modifient donc évidemment la manière dont l’écriture de soi peut être caractérisée, car la représentation (de soi par l’écriture) fait aussi partie de ces aspects socialement construits ou réfléchis. Afin de mieux comprendre ces changements, rappelons que l’autobiographie traditionnelle est un récit qui retrace l’histoire de la personnalité, dans lequel la sincérité et la vérité sont énoncées ou assumées, appréhendé comme une représentation de soi Voix plurielles 17.1 (2020) 172 qui se veut fidèle à la réalité, ou du moins dont le récit y est présenté comme chronologique et concordant (Lejeune, Le pacte autobiographique). Par contre, à travers la lunette postmoderne, l’écriture de soi semble un type de représentation qui ne peut plus se prétendre objective et toujours sincère, mais devient interprétée, puisqu’elle nécessite une distanciation entre l’expérience et l’écriture qui implique la subjectivité et les défauts de mémoire de celui ou celle qui écrit, sa manière de raconter et d’interpréter, ses choix narratifs. Un texte littéraire n’imiterait pas, comme le dit Ricœur dans son article L’identité narrative (1988) et bien d’autres, mais utiliserait la langue pour créer un espace qui n’existait pas avant lui. Ainsi, sous cet angle, toute représentation devient également teintée des idéologies sociétales, liée au contexte de production et de réception des éléments qui la constituent. Tout comme Hutcheon le stipule tout au long de sa synthèse sur le postmoderne, toutes les formes de représentations culturelles, ici littéraires, ne peuvent éviter une implication dans le système complexe du social et du politique, ne peuvent jamais être neutres, même si elles ne paraissent parfois qu’esthétiques. Bref, lorsque nous tentons de représenter le soi par l’écriture, il s’agirait en fait d’un agencement d’éléments provenant de la société et étant choisis et assemblés selon la manière contextuelle et subjective dont l’auteur se perçoit et se réfléchit. L’écriture de soi semble alors une interprétation, ce que nous nommerons ici « construction de soi », puisque le geste d’écrire agence permanemment les mots pour créer une certaine notion de soi. Par contre, le sens de ces mots reste à jamais ouvert et en mouvement, que ce soit simplement dû à l’interprétation variable du texte par son lecteur, à ce contexte de production et de réception qui reste changeant, ou encore à la perception de soi pouvant variée d’un moment à un autre. Au cours de cet article, si j’utilise des termes comme « construction (sociale) de soi » ou « briques identitaires », ils ne réfèrent qu’à la fixité des mots qui forment l’écriture du soi et non pas à la fixité du sens du soi qui y est créé ou interprété. Selon ce point de vue, le récit de soi semble ainsi devenir synonyme de construction de soi, une entreprise qui non seulement agencerait, à différents degrés, des éléments sociétaux, mais aussi des briques d’identité choisies et assemblées pour nous représenter selon une certaine perception et un certain contexte. Je voudrais alors étudier une manière, parmi tant d’autres, de bâtir une notion de soi par l’écriture qui serait représentative de ce contexte postmoderne et de son influence sur l’écriture de soi : l’intertextualité. Voix plurielles 17.1 (2020) 173 Les mots des autres L’intertextualité est une notion complexe dont la définition a varié d’un théoricien à l’autre et à travers le temps. Julia Kristeva (1969, 1982) en invente le terme. Elle considère l’intertextualité, tout comme Mikhaïl Bakhtine (1970) qui la nomme dialogisme, comme la présence dans un texte de plusieurs voix sans qu’un intertexte soit nécessairement repérable. Tous les mots s’ouvrent ainsi aux mots de l’autre, l’autre pouvant être un autre texte. Pour le présent article, sans contredire cette première définition large de l’intertextualité, je considèrerai cette pratique littéraire comme un outil utilisé afin de construire une notion de soi par l’écriture. La définition de Gérard Genette dans Palimpsestes, la littérature au second degré (1982) me convient donc davantage, puisqu’il précise et insiste, contrairement à Kristeva et Bakhtine, que l’intertexte doit être repérable. Je crois donc qu’il convient d’étudier la façon dont l’intertextualité opère dans ces textes-là, ceux dans lesquels les relations avec d’autres textes sont plus facilement repérables et abondantes. Genette distingue ainsi cinq relations intertextuelles, dont je me servirai au cours de cet article : l’intertextualité, c’est-à-dire la coprésence d’un autre texte à travers la citation, le plagiat, l’allusion; la paratextualité, c’est-à-dire la relation que le texte entretient avec son titre, ses sous-titres, sa préface ; la métatextualité, c’est-à-dire la relation du commentaire qui unit un texte au texte dont il parle ; l’hypertextualité, c’est-à-dire le texte dérivé d’un autre texte par transformation ; puis l’architextualité, c’est-à-dire le lien avec le statut générique du texte. Il existe finalement une troisième manière de considérer l’intertextualité, théorisée notamment par Roland Barthes dans Le bruissement de la langue (1984). Selon lui, l’intertextualité est une pratique de tous les textes, puisque l’écriture est toujours une réécriture, un plagiat généralisé, une répétition infinie de textes. Genette, loin de rejeter ces idées, propose tout de même que certains textes soient davantage liés à l’intertextualité que d’autres. Afin de ne pas écarter cette vision de cette pratique en tant que répétition uniquement liée à la littérature, j’analyserai, au cours de la dernière section de cet article, l’autobiographie de Barthes (1975) afin de montrer la manière dont il construit le soi à l’aide de reprises de son propre corpus. Par contre, je considèrerai avant tout ce concept davantage comme une pratique liée à la société, laissant place à une construction littéraire du soi qui serait culturellement bâtie, puisqu’elle se sert d’œuvres publiées faisant partie de la sphère culturelle sociétale. Voix plurielles 17.1 (2020) 174 Ainsi, je me concentrerai sur la disposition de l’intertextualité à produire un nouveau sens uploads/Litterature/ l-x27-ecriture-de-soi-une-ecriture-de-l-x27-autre-laurence-gauvreau.pdf

  • 20
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager