1 L’ETERNEL FEMININ CHEZ TEILHARD OU L’ANTI-PARSIFAL Marie-Jeanne Coutagne (Fon
1 L’ETERNEL FEMININ CHEZ TEILHARD OU L’ANTI-PARSIFAL Marie-Jeanne Coutagne (Fondation Teilhard de Chardin, Aix-en-Provence) Août 2004. Et l’Eternel féminin Toujours plus haut nous attire… GOETHE, Faust II v 12110-12111. Quand le Dieu qui m’inspire M’apparaît sur ton visage… HÖLDERLIN (cité par G von Le Fort in La Femme Eternelle Cerf 1955 p 73) « Cette Béatrice bénie laquelle glorieusement contemple la face de Celui qui est per omnia saecula benedictus » (Dante, Vita Nova, XLII) A la dite du 2 septembre 1916, Pierre Teilhard de Chardin écrit dans son cahier : « Le Féminin authentique et pur est par excellence une Energie lumineuse et chaste, porteuse de courage, d’idéal, de bonté =la bienheureuse Vierge Marie. La Femme est en droit, la grande source rayonnant de Pureté ; voilà le fait pas assez remarqué, contradictoire en apparence, qui est apparu avec la Virginité chrétienne. La Pureté est une vertu avant tout féminine, parce qu’elle brille éminemment dans la femme, et se communique de préférence par elle, et a pour effet de féminiser en quelque sorte (en un sens très beau et très mystérieux du mot) » 1 Dans ses Carnets de retraite (retraite du 19 au 26 juillet 1921)2, il note : « Dérive totale du Cosmos (Virginisation) ».Enfin le 14 août 1950 : « J’ai rédigé hier une première esquisse de l’avant-propos de « Le Cœur de la Matière ».Je suis tout à fait décidé maintenant à écrire une première esquisse de l’ouvrage entier , sans savoir bien sûr , si cette esquisse sera définitive ou peut-être le noyau de quelque chose de plus important .Finalement je pense que le Féminin sera représenté et discuté en guise de conclusion ou d’envoi non pas en tant qu’élément en soi mais plutôt en tant que lumière éclairant tout le processus de concentration universelle : vraiment ainsi que je vous l’écrit : « l’esprit d’union » ! »3. 1 In H de Lubac L’Eternel Féminin, étude sur un texte du Père Pierre Teilhard de Chardin Paris Aubier 1968(nous utiliserons désormais pour ce texte l’abréviation EF) p 12 ; le texte de Teilhard et l’explication du P. de Lubac ont été traduits en allemand par le Père Urs von Balthasar : Hymne an das Ewig-Weibliche Einsiedeln 1968 Joannes-Verlag. On pourra consulter avec intérêt le compte rendu du commentaire du Père de Lubac par : P. Paul-Henri Coutagne L’Eternel Féminin in La Vie Spirituelle Avril 1969 p 459-467. 2 Pierre Teilhard de Chardin Notes de Retraite (1919-1954) Paris Seuil 2003 p 83. 3 Pierre Teilhard de Chardin Accomplir l’homme .Lettres inédites (1926-1952) Paris Grasset 1968 p 258. 2 Cette dernière phrase servira de fil conducteur à notre réflexion. S’il va de soi que notre analyse portera préférentiellement sur le texte de 1918 : l’Eternel féminin4, nous relierons ces pages à celles qui les prolongent en 1934 dans : l’Evolution de la chasteté5, et en 1950 dans la clausule du Cœur de la Matière : le Féminin ou l’unitif6. L’objet de notre brève étude, qui constitue une sorte de contrepoint aux observations d’Annamaria Bernardi-Tassone, est de proposer quelques hypothèses. - Tout d’abord le texte de 1918, rédigé quelques semaines avant que le Père Teilhard prononce ses vœux solennels à Sainte Foy-les-Lyon, et qui se situe symétriquement au texte écrit quelque temps après sa profession de foi, intitulé : Le Prêtre (8-7-1918) 7ne se présente pas, malgré les apparences, comme un écrit de circonstance (ni d’ailleurs un écrit de jeunesse). - D’autre part même si la réflexion sur le féminin proprement dit, ne concerne explicitement que ces trois textes, elle traverse néanmoins l’ensemble de la pensée et de l’œuvre de Teilhard. En ce sens l’expression qu’il utilise : celle d’une « lumière éclairant le processus de concentration universelle » nous semble particulièrement adéquate pour définir le rôle que Teilhard assigne au Féminin, rôle qu’il découvre et développe déjà dès 1918. - Enfin nous chercherons à mieux comprendre que Teilhard tout en espérant pour l’avenir un affinement spirituel collectif dont l’élément féminin serait le principal artisan ne peut être enrôlé sous la bannière qu’un certain « féminisme »8.Sa pensée veut apporter une contribution à la possibilité pour l’homme et la femme d’exercer en liberté leur caractère complémentaire dans des rapports aux diverses nuances d’association et d’amitié. C’est pourquoi la lecture qu’il fait du « mystère du féminin » s’inscrit dans une longue tradition catholique .Sans en éviter toujours certaines ambiguïtés, elle nous semble pourtant apte à la renouveler .Au demeurant s’il dessine les lignes d’un progrès nécessaire offert à notre action, il en connaît les précarités et les enjeux.9 Nous suivrons donc le P de Lubac lorsqu’il propose de faire de l’idée de « transformation créatrice », (mystérieuse notion que Teilhard introduit très tôt) le cœur de sa conception du féminin, de son rôle et de sa fécondité 10 .Mais nous nous demanderons au-delà si l’on ne peut pas, à partir de la relecture de ces textes pourtant particuliers, définir de manière plus précise le sens de l’amour et celui de la dialectique telhardienne elle-même. « En cette partie du livre de ma mémoire (…) se trouve une rubrique laquelle dit : incipit vita nova… » (Dante, Vita Nova, I) 4 Pierre Teilhard de Chardin Ecrits du temps de la guerre Paris Grasset 1965 p 249-262 (abrév : ETG). 5 in Œuvres Paris Seuil t 11 Les Directions de l’Avenir (toute référence dans les Œuvres complètes aux éditions du Seuil sera libellée : O suivi du numéro du tome). 6 O t 13 p 71-74 ; ces trois textes n’épuisent toutes les références teilhardiennes sur ce sujet .Pour un approfondissement dans le sens des rapports entre féminin et sexualité chez Teilhard, voir E. Rideau La sexualité selon Pierre Teilhard de Chardin in Nouvelle Revue Théologique, février 1968 p 173-190. 7 ETG p 281-302. 8 le Père Teilhard avait horreur d’une caricature de féminisme , celui qui affirme une différence suffisante à elle-même et finit par ruiner l’enjeu de l’égalité des sexes : il le nommait alors « masculinisme » cf. EF p 87-89. 9 C’est ainsi qu’il suggère que la : « liberté actuelle des moeurs a sa véritable cause dans la recherche d’une forme d’union plus riche et plus spiritualisante que celle qui se limite aux horizons d’un berceau » !in La Vie Cosmique ETG p 56. 10 Comme ce qui permet de « poursuivre les réalités supérieures à travers toute figure et toute possession physique » (c’est nous qui soulignons) EF p 90. 3 Dès le début du mois de février 1917 , alors que Teilhard ébauche un texte important : La Lutte contre la Multitude 11 , il envisage de rédiger quelques pages sur la Pureté et la Charité, qui développeraient ce qu’il ne fit qu’effleurer dans le Milieu Mystique(juillet-août1917)12 et dans l’Union Créatrice (octobre-novembre 1917)13.Dans une lettre à sa cousine Marguerite Teilhard (Claude Aragonnès), il écrit : « Un des mystiques les plus intéressants à étudier à mon point de vue , serait précisément le Dante , si féru et si passionné du Réel .Je crois en tout cas,, que peu d’exemples font mieux comprendre ce qu’est l’agrandissement (jusqu’à l’Univers )du sentiment alimenté par un objet particulier (et de cet objet même)que Béatrice… »14 Peu à peu il aperçoit que l’amour, d’une part est la conscience d’un besoin d’unification15 , et d’autre part, paradoxalement que la Chasteté pose tout le problème de l’amour jusque dans ses dimensions cosmiques. C’est au début du mois de mars 1918 qu’il commence à composer et construire des esquisses préparatoires au texte dont la rédaction inaugurée le 19 mars sera symboliquement terminée pour le jour de la fête de l’Annonciation , le 25 mars . La forme littéraire qu’il adopte enfin déroute le lecteur .Après avoir hésité entre la forme dissertative et l’exploitation abstraite d’un symbole16, il entend , de manière concrète , faire appel au féminin non comme à un Principe neutre mais comme une Perfection réalisée dans un être personnel : la Vierge Marie .Celle-ci , vraie Déméter , est bien la Perle du Cosmos, Mère de toutes choses , par elle le féminin fleurit et se révèle l’élément attractif cosmique17 .Et s’il s’adresse à « Béatrix , la Vierge voilée »(et non Béatrice , malgré la référence explicite à Dante) 18, c’est qu’il ne s’agit pas d’une jeune femme précise mais d’un symbole qui voile et dévoile , tout ensemble une Personne , quant à elle bien concrète , Marie , dans laquelle le féminin trouve se plus haute réalisation et à travers laquelle le Christ se manifeste . Le 15 mars Teilhard s’est arrêté au titre définitif : l’Eternel féminin et a choisi enfin de traiter le texte au moins partiellement comme une paraphrase très large de la Sagesse biblique.19Divisé en deux parties l’Eternel Féminin déroule , un peu comme chez Claudel , l’immense octave de la création sous la forme de vers libres distribués en versets .Ode poétique , thème et variations , poème symphonique plutôt . Teilhard décline les « notes » du uploads/Litterature/ l-x27-eternel-feminin-chez-teilhard-ou-l-x27-anti-parsifal.pdf
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- Publié le Jan 22, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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