2.2.2. Le temps : la durée (ou les vitesses) Une histoire a une durée, qui est

2.2.2. Le temps : la durée (ou les vitesses) Une histoire a une durée, qui est parfois explicitée par le récit : elle dure par exemple 5 ans. Le récit en revanche est impossible à mesurer puisqu’il correspond au temps de la lecture, qui varie selon les lecteurs et les lectrices. Cela semble donc impossible à comparer. Pourtant, chacun sent une différence de vitesse entre, par exemple, les 230 pages serrées de l’édition Pléiade que Proust consacre à un concert dans le salon de Madame Verdurin et ce passage célèbre de l’avant-dernier chapitre de L’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert (1821-1880) : Il voyagea. Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues. Il revint. Les années de voyage du héros de Flaubert sont beaucoup plus rapidement racontées que les deux ou trois heures de concert chez les Verdurin : le rythme est très différent. La durée du récit se mesurera donc en nombre de pages ou de lignes et non en temps de lecture : le temps se trouve donc ici spatialisé ! Genette appelle « anisochronie » les variations de vitesse ou de rythme entre histoire et récit. Par convention, même si c’est artificiel, il considère que la scène dialoguée donne l’impression d’une égalité entre le temps du récit (TR) et le temps de l’histoire (TH). À partir de ce postulat et de ce premier cas de figure, il en distingue trois autres : la pause (description ou commentaire du narrateur) où le récit continue son chemin et est donc « infiniment plus grand » que l’histoire, qui semble suspendue ; l’ellipse où aucun mot du récit n’est consacré à un pan de l’histoire, qui se trouve du coup infiniment plus grande que lui ; le sommaire (comme dans l’exemple de Flaubert) où l’histoire semble avoir duré longtemps alors que le récit qui en est proposé est bref. Genette schématise les quatre possibilités comme suit : • pause : TR = n, TH = 0. Donc TR ∞> TH • scène : TH = TR • sommaire : TH > TR • ellipse : TH = n, TR= 0. Donc TH ∞> TR. Une remarque concernant les ellipses : elles peuvent être explicites (par exemple si le narrateur note « Deux ans plus tard… ») ou implicites (lecteurs et lectrices les déduisent facilement de certains indices clairs), ou encore hypothétiques (lecteurs et lectrices les suspectent sans certitude, à partir d’indices discutables). uploads/Litterature/ la-duree-narratologie.pdf

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