L?ÉLQGE D'ISOGRATË A LA FIN DU RHÊDRE (1> De même que l'apparition de VEuthydèm
L?ÉLQGE D'ISOGRATË A LA FIN DU RHÊDRE (1> De même que l'apparition de VEuthydème dans la collection des Universités de France a été l'occasion pour M. G. Mathieu d'étudier « les premiers conflits entre Platon et Isocrate » (2), je voudrais m'autoriser de celle du Phèdre, non pas pour pré- tendre donner une solution au problème si délicat et si contro- versé des rapports d'Isocrate et de Platon, mais seulement pour exprimer mon impression personnelle (peut-il, ici, s'agir d'autre chose que d'impressions?) sur le seul passage de l'oeu- vre du "philosophe où Isocrate *soit désigné expressément par son nom Parmi tous les autres endroits de Platon où l'on a voulu reconnaître des allusions à son contemporain (3), il en est un, cependant, que l'on ne saurait négliger : je partage entière- ment l'opinion, exprimée en dernier lieu par L. Méridier et M. G. Mathieu, suivant laquelle l'interlocuteur anonyme de Criton dans VEuthydème est, selon toute vraisemblance, Iso- (1) Louis Méridier, avec sa bonté habituelle, a accepté de lire, eh 1929, un mémoire resté inédit, que j'avais écrit en 1923 sur ce-sujet : Isocrate et Platon; il m'a donné des indications pour que j'en tire un article destiné à la Revue des études grecques. C'est ce que fais aujourd'hui seulement, et il n'est plus là pour l'accueillir. Je voudrais que le présent travail fût considéré comme un hommage d'affectueuse reconnaissance à sa mémoire. (2) Mélanges Glotz, 555-564. (3) Voir, par exemple, H. D. Verdam, dans Mnemosyne, XLIV, 1916, 373-395. L'ÉLOGE D'ISOCHATE A LA FIN DU « PHÈDRE » 225 crate (1). J'admettrai pour ce dialogue la date proposée par L. Méridier : « dans les années qui ont suivi la fondation de l'Académie (387) » (2), et, pour le Phèdre, celle dé M. Robin : « dans la période qui précède le départ de Platon, au printemps de 366, pour son deuxième voyagé en Sicile (3). ^> Isocrate était donc presque septuagénaire quand Platon, lui- même âgé d'une soixantaine d'années, faisait dire à Soçrate : Ne'o; ext, w •SaïSpe, To-oXpàtïi; • 8 ptévxot :p.avxeûop.at xax'auxoû, Xéyetv s9sXd>... Aoxet ptot àovetvwy 'i\ xaxà xoù; uepi Aouîav "etvat Xôyou; '"* xvj; cpiiaew;, êxt xe JjQet vevvtxwxépcj) xexpôwOat.: "flore où8èv av yévotxo 8aupt.ao-xôv, up'otôtioTjg xvj; riXvxta;, et iç.spl àùxouç xe xoù; X6you; ol; vûv litfy^etpet TtXéov $ itatSwv Steviyxot xwy ittimoxe â(J;apiév«i>vX6y»v ' ext xe, el aux^ pt»; àTro^pï)Tat xaûxa, STCIpietÇw 8é xi; aùxôv ayot ôppvrç ôeioxépa • <pû<retyàp, M tpîXe, êvea:xî xt; cptXo- uotpta xç xoù àvSpôç Stavota. Taûxa Sy; ouv: èyw ptév, itapa xoivSe xwv Oeôv, w; èptoï; TOXISIXOI; 'iToxpàxet è^ayylXXti) (Phèdre, 278 e- 279a, b). Dans la Notice de son édition, M. Robin est resté fidèle à l'exégèse qu'il avait défendue dans La Théorie platonicienne de (1) L. Méridier, Notice de VEuthydème, p. 133 sqq. ; G. Mathieu, Mél. Glolz, p, 558-9. Cette opinion remonte a Spengel (Abhandl. der bayer. Akadrder Wis- sensch., 1855, p, 165). — Si i'on remarque qù'Isocrate affectionnait particulière- ment les mots de la racine de Soxéio, l'on sera tenté de voir un véritable pastiche dans ces paroles de Socrate, où. l'on en trouve cinq exemples en quelques lignes :.... oîovrat S'eîv»i itxvtwv aoywTOTot àv6p_(i7c<uv, itpôç 8è TÔ slvai xai Soxeîv Ttivu «apà TcaXkoîç, lâoxe napi icïw siSoxi(Ji.eïv li*.Tto8<!>v çflaw eiv*t pûSévxç i^Xouç -^ TOÙ; ittpl (ptXoooôlav dvSpôitouç. 'HYOOVTIXI o&v, iii TOÛTOUÇ et; Sdljav xocca- ïx^dusiv j«.iri86vài; Soxeîv d|£ouî eïvsi, àvot[*»i<j6-»iTViTi»K •y.Sïj itapà rcâsiv Ta vtXTiT^pta «î SôÇav otuEiftii TO<p(a«Ttépi (Eulhyd.. 305 c-d). (2) Je n'accepte donc pas l'opinion de M. G. Mathieu, qui veut faire descendre- la composition de VEuthydème (ou, tout au moins, la rédaction du passage en question) aux derniers mois de l'année 380, c'est-à-dire après le Panégyrique d'Isocrate. Les objections à sa propre thèse ont été exposées par M. Mathieu lui- même (Mél. Glolz, 560-1), et elles me paraissent suffisamment fortes pour que l'on préfère s'en tenir à la date dé L, Méridier. Je pense que VEuthydème est antérieur au Panégyrique, mais je ne sais s'il fut composé avant ou après le Busiris (qui doit se placer entre 390 et 385, cf. G. Mathieu, Notice du Busiris, dans l'édition d'Isocrate de la Coll. des Universités de France, 1, p. 184-5). (3) Je n'admets cette date, d'ailleurs, que comme l'hypothèse actuellement la plus-vraisemblable; voir ce qu'en dit M. Robin lui-même dans sa Notice, p. II-IX et aussi p. CLXXV : «... ..si le Phèdre n'est pas une oeuvre de jeunesse. » RBG, XLVI. «33. n« 218-210 , 15 226 M. FLACEL1ÊRE l'amour (1), et qui est aussi, notamment, celle de Rseder (2). Il écrivait en 4908 : « Le prestigieux railleur se donne l'air de satisfaire l'innocente vanité d'Isocrate par des compliments qui ne sont qu'un persiflage cinglant. » Il écrit maintenant: ...pour un lecteur du temps « le compliment n'était qu'une nasarde, et, dans un éclat de rire, il devait savourer la malice de l'effet comique ainsi obtenu (3). » Si l'on compare le passage du Phèdre à celui de VEuthydème, antérieur d'une vingtaine d'années environ, il me paraît diffi- cile d'admettre entièrement cette interprétation. - Sauf une phrase, par laquelle Socrate se résignait finalement à une atti- tude plus sereine (4), le long passage de VEuthydème était une charge à fond contre le caractère, la méthode et toute la position d'Isocrate et de ses pareils: ce jugement pouvait résu- mer toutes les critiques portées : xptxot ô'vxe; x$ àX7}9eîa ÇTIXOÛO-'. •rcpwxoi Soxetv etvat, et, par xpixot, il faut entendre qu'ils sont inférieurs non seulement-aux philosophes, mais même aux politiques (5). En regard, la prédiction de Socrate, à la fin du Phèdre, si elle est assurément empreinte d'ironie, me paraît renfermer au moins un sérieux éloge du caractère d'Isocrate, dont M. Robin fait peut-être trop bon marché (6). L'ironie est certaine dans la forme même de la prophétie : véo; êxt... et dans les mots (sôset et xt; qui diminuent singulièrement la valeur « philosophique » reconnue à l'es'prit d'Isocrate, mais cela suffit-il pour conclure que rien, absolument rien, n'est sincère dans cet éloge (7) ? • ' (1)P. 104-105. (2) Platons philos. Enlwickelung, 1905, p. 275 sqq. (3) Notice du Phèdre, p. CLXXIV. (4) Euthyd., 306 c : EuYy'Yvwcrxeiv ixàv ouv atJToîç jrp*| z-tfi èittSufita; x. T. X. Il faut remarquer qu'il n'est question ici que de pardon (mfyiyvûaKew} et de la reconnaissance d'un minimum de tppôvr,<K(. (5) Euthyd., ibid. ; cf. la Notice de L. Méridier, p. 134. (6) Notice du Phèdre, p. CLXXIV. (7) Cf. G. Mathieu, Mél. Glolz, p. 563 : « Isocrate fut frappé de la phrase du Phèdre puisqu'il l'imita pour adresser un éloge au jeune Alexandre. » (Lettre V, 5 ; cf. G. Mathieu, Isocrate : Philippe et Lettres à Philippe, etc., p. 160, note 7; L'ÉLOGE D'ISOCRATE A LA FIN DU « PHÈDRE » 227 Les nuances du style et de la pensée de Platon dans ce pas- sage sont trop difficiles à saisir pour que l'on puisse se fier à une première impression, si elle n'est pas en accord avec tout ce que nous savons par ailleurs des deux écrivains. Il semble légitime, notamment, de chercher dans les oeuvres d'Isocrate, qui, à la différence de celles de Platon, sont classées avec une assez grande rigueur, si nous ne trouvons rien qui puisse jus- tifier la différence que nous croyons sentir entre le jugement du Phèdre'et celui de VEuthydème. Précisément, H. Gomperz (1) me paraît avoir montré que la pensée d'Isocrate n'est pas restée identique à elle-même au cours de sa longue carrière et qu'elle a évolué en se rapprochant de plus en plus de la pensée socratique; or, cette évolution me semble particulièrement sensible dans les années qui s'écoulèrent (d'après la chronologie que nous avons admise) entre la composition de VEuthydème et celle Au Phèdre. Pour justifier cette affirmation, je sais bien qu'il faudrait entreprendre l'examen détaillé et minutieux de l'oeuvre d'Isocrate ; je me bornerai ici à quelques indications rapides. L. Méridier admettait avec raison que VEuthydème « riposte aux allégations contenues dans le discours Contre les Sophistes et dans VHélène » (2), et il semble inutile de montrer à nou- veau que les Socratiques, et Platon lui-même, devaient néces- sairement se reconnaître comme visés par l'âpre polémique d'isocrale. Mais ce qu'il faudrait mettre en lumière, c'est que ces discours et tous les écrits antérieurs à VEuthydème parais- on se reportera aussi au livre du même auteur sur Les idées politiques d'isocrale, p. 177-178). Si l'on admet que la dernière phrase de la lettre V d'Isocrate est une réminiscence de l'éloge du Phèdre, il parait naturel de penser qu'Isocrate lui- même a pris cet éloge en bonne part. M. Robin peut répondre que, seul des lecteurs de son temps, le rhéteur, aveuglé par la vanité, l'a compris ainsi, mais cela est-il vraisemblable? Comment n'aurait-il pas été détrompé, en tout cas, par les sourires, ou plutôt par « l'éclat de rire » qu'aurait soulevé, selon M. Robin, le passage en question ? (1) H. Gomperz, Isokrales und die Sokratik, Wiener Studien, 1905-6. (2) Notice uploads/Litterature/ flaceliere-r-l-x27-eloge-d-x27-isocrate-a-la-fin-du-phedre-revue-des-etudes-grecques-46-1933.pdf
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- Publié le Sep 12, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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