EHESS La géomancie ouest-africaine. Formes endogènes et emprunts extérieurs (We
EHESS La géomancie ouest-africaine. Formes endogènes et emprunts extérieurs (West African Geomancy: Endogenous and Borrowed Forms) Author(s): Bréhima Kassibo Source: Cahiers d'Études Africaines, Vol. 32, Cahier 128 (1992), pp. 541-596 Published by: EHESS Stable URL: https://www.jstor.org/stable/4392411 Accessed: 17-12-2018 16:27 UTC JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers d'Études Africaines This content downloaded from 146.142.1.10 on Mon, 17 Dec 2018 16:27:37 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms ETUDES ET ESSAIS Brehima Kassibo La geomancle ouest-a ricalne Formes endogenes et emprunts exterieurs La divination est une pratique que l'on retrouve en Afrique depuis les temps les plus recules, ou elle a revetu une infinite de formes dont plu- sieurs ont subsiste jusqu'a nos jours. Notre propos n'est pas d'entre- prendre une etude un tant soit peu exhaustive de l'art divinatoire, mais plutot d'orienter la reflexion sur une de ses formes particulieres qu'est la divination par la terre, appelee geomancie, presente en Afrique depuis plusieurs siecles. Son origine pose probleme et prete 'a de multiples conjectures. On la retrouve en de nombreux endroits du continent afri- cain, de la cote atlantique 'a l'ocean Indien. Cette expansion geographique considerable suscite une interrogation de poids qui est celle d'une plau- sible identite culturelle commune 'a des aires geopolitiques traditionnelle- ment considerees comme historiquement discontinues; d'oiu l'hypothese sous-jacente d'un facteur commun d'unification culturelle, identifiable sous les traits de la civilisation islamique dont la geomancie ne serait qu'un mode d'expression particulier parmi tant d'autres. Parallelement a cet axe de reflexion vient se greffer une autre proble- matique non moins importante, relative a l'existence d'une geomancie dite << paYenne >> qui serait autochtone et anterieure au systeme classique d'obe- dience arabe qu'on retrouve dans les traites savants. Certains auteurs spe- cialises dans 1'etude des cosmogonies africaines trouvent le fondement de la geomancie dans les systemes de representation du monde dont les signes seraient les symboles vivants en tant qu'archetypes de l'univers materiel. Quand on sait par ailleurs que ces cosmogonies qualifiees de << bambara >>, << dogon >>, << bozo >> reposent sur des connaissances astronomiques, astrolo- giques, arithmologiques et sur le symbolisme des signes - connaissances qui apparaissent egalement, sous une forme plus systematisee, dans la geo- mancie classique -, on est en droit de se demander s'il n'y a pas eu une interference plausible entre les deux systemes apparemment autonomes dont la resultante serait l'existence d'une culture syncretique, incontour- nable dans l' evaluation de la realite socio-culturelle ouest-africaine. Quand bien meme l'hypothese d'une identite originelle serait etablie entre les differents systemes geomantiques, il n'en demeure pas moins Cahiers d'ttudes africaines, 128, XXXII-4, 1992, pp. 541-596. This content downloaded from 146.142.1.10 on Mon, 17 Dec 2018 16:27:37 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 542 BREHIMA KASSIBO qu'ayant pris racine dans le vaste champ socio-culturel de l'Ouest africain, la science du sable s'est teintee d'une coloration originale qui s'est traduite par un foisonnement d'ecoles dont les praticiens, en laissant libre cours 'a leur imagination, ont incontestablement contribue 'a l'enrichissement grace a une adaptation feconde aux realites qui etaient les leurs. C'est cet aspect original que nous ferons ressortir dans l'etude des systemes ouest-africains pour marquer la ligne de demarcation entre un savoir codifie et fossilise dans le livre, et l'autre debarrasse de tout carcan scriptural et qui ne cesse d'etonner 'a cause de sa surprenante faculte d'adaptation et de ses immenses potentialites, eu egard 'a la comprehension et 'a la maltrise du fait social global 'a travers les comportements de ses acteurs. Origine de la geomancie classique Cette geomancie se caracterise par un ensemble de seize figures formees de signes, les figures etant des vecteurs binaires de dimension quatre. En outre, le tableau est constitue d'un ensemble de seize maisons dont les douze premieres ont une signification astrologique. Sur l'emplacement du foyer originel, les auteurs se perdent en conjec- tures, lui attribuant soit la Perse, l'Arabie, la Chine, ou l'Egypte, soit l'Inde ou la Mesopotamie parmi les plus cites; d'oiu l'incertitude la plus complete sur le lieu precis de son invention1. Quant aux foyers historiques, il semble evident qu'on puisse rattacher la geomancie classique aux mondes mediterraneen et oriental, car les plus anciens traites reconnus sont en langue arabe ou adaptes de l'arabe. Selon la majorite des auteurs, la geomancie aurait deja ete pratiquee couram- ment en Perse aux VIIIe et IXe siecles et exportee vers la Syrie et l'Egypte par des savants juifs et arabes pour se repandre ensuite en Afrique et en Europe. La geomancie classique, dite arabe, serait redevable au Moyen- Orient qui lui aurait fourni l'essentiel de ses elements constitutifs sinon la totalite. Cet essor serait principalement dfu 'u l'expansion de l'islam qui, 'a travers les occupations arabes de la Perse (650), de l'Inde (664) de l'Egypte et de la Syrie (634-640), aurait trouve les fondements des connaissances astrologique, astronomique, mathematique et divinatoire generatrices du courant scientifique dont le monde musulman s'est fait le propagateur au Moyen Age en Europe et en Afrique2. Le traite de Cheikh Mohammed Ez Zenati datant du XVIe siecle est 1. Hadj KAMBALLAH (1976: 22), etablit, dans un parallele saisissant, la parente entre les ideogrammes geomantiques et les trigrammes chinois appeles pakoua et certaines ecritures uniques scandinaves, comme les tifinars, qui sont les carac- teres de la langue tamacheque. I1 conclut a leur origine antique et souligne leur caractere hautement metaphysique. 2. Cf. R. MAUNY (1961: 25), sur les conditions historiques de 1'emergence de la civilisation arabo-musulmane. This content downloaded from 146.142.1.10 on Mon, 17 Dec 2018 16:27:37 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LA GEOMANCIE OUEST-AFRICAINE 543 conside're par tous les auteurs comme le principal ouvrage de vulgarisation de la geomancie classique en Afrique noire. Il conviendrait de remarquer que l'introduction premiere de la geomancie parait etre anterieure au xvIe siecle en Afrique de l'Ouest et ceci pour plusieurs raisons. Sissoko (1936) considere en effet le Wagadu comme l'un des premiers foyers origi- nels de la geomancie au Soudan occidental. Na Moussa et Na Bourema du Wasulu, province mere, auraient ete inities par un jinn en lequel il reconnalt un des maitres es-sciences occultes ayant emigre du Wagadu apres la chute de cet Etat. Pour Sissoko le celebre Jitumu Musa (voir infra), disciple des deux maitres historico-mythiques cites, aurait ete l'introducteur de la geo- mancie dans le Soudan occidental. Celle-ci se serait propagee selon un axe sud ouest (3e et 2e regions administratives actuelles du Mali), c'est-'a-dire du Jitumu au Beledugu puis au Kaarta, Birgo, Kukodugu, Bambuk et Khaso. La presence des mots wangara - parler principal, affirme-t-il, de l'ancien Wagadu - l'incite 'a designer celui-ci comme son lieu de provenance. Les hypotheses enoncees par Sissoko pechent enormement, d'abord sur le plan histonque, au niveau de la datation chronologique, ensuite en ce qui concerne le cas de Jitumu Musa, le fameux Na Bourema identifie par l'auteur comme l'un des peres fondateurs de la geomancie n'aurait ete rien d'autre, d'apres la tradition, que son esclave en la personne du berger peul Soma Sangare3. Bien que Sissoko parle de geomancie paienne, celle-ci conserve la meme structure originelle que la geomancie classique quant aux figures et aux maisons, 'a quelques variantes pres. D'ailleurs il conclut fina- lement 'a l'origine semitique et ante-islamique de la geomancie du Wagadu dont les figures portent les noms des prophetes de l'Ancien Testament, ce qui en soi n'est pas une preuve suffisante car l'Ancien Testament a ete adopte par l'islam qui reconnalt tous les prophetes anterieurs 'a l'hegire, Mahomet n'etant que le dernier maillon de la chaine. Si l'islam a ete un tant soit peu le facteur de propagation de la geoman- cie au Soudan, il faudrait remarquer que, dej"a au Xle siecle, El Bekri signale la conversion de Baramandana, un roi du Mali, par les soins occultes d'un marabout4. D'autre part, le Ghana des le viie siecle etait dej'a entre en contact avec le monde arabo-musulman. Le meme auteur signale l'exis- tence d'un quartier musulman peuple de commercants nord-africains et moyen-orientaux 'a cote du quartier royal d'obedience paienne dans la capi- tale Koumbi Saleh. En supposant que le Wagadu dont parle Sissoko soit l'ancien Ghana, il serait bon de remarquer que l'empire de Ghana, champ historique de ren- 3. Sur l'origine et le r6le de la geomancie au Jitumu, cf. Jean-Loup AMSELLE (1990: 157). 4. Conversion tres controversee par plusieurs auteurs, dont Wa Kamissoko et Youssouf Tata Cisse, qui affirment que, meme Soundiata Kefta, empereur du Mali et de loin posterieur a Baramandlana, n'etait pas musulman. Cf. Wa KAMIS- SOKO & Youssouf Tata CissE (1988). This content downloaded from 146.142.1.10 on Mon, 17 Dec 2018 16:27:37 UTC All use subject to uploads/Litterature/ la-geomancie-ouest-africaine.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 21, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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