La malédiction Pius Ngandu Nkashama La malédiction (Roman) Coédité par : Panafr
La malédiction Pius Ngandu Nkashama La malédiction (Roman) Coédité par : Panafrika / Silex / Nouvelles du Sud BP 16658 Dakar FANN 46, rue Barbès, Bât 14 94200 Ivry / Seine, France et Nouvelles Editions Numériques Africaines (NENA) Sacré Cœur 1, Rond point coll. Sacré-Cœur, Lot N-822, Dakar, Sénégal BP 25231 Dakar Fann, Dakar, Sénégal SARL au capital de 1 320 000 FCFA. RC : SN DKR 2008 B878. www.nena-sen.com / http ://librairienumeriqueafricaine.com / infos@nena-sen.com Collection : Littérature d’Afrique Date de publication version numérique : 2018 ISBN de l’imprimé :2-87931-122-5 ISBN version numérique : 978-2-37918-082-8 © 2018 Nouvelles Editions Numériques Africaines (NENA). Avec le soutien du CNL Sommaire Préliminaires Résumé Auteur Dédicace Exergue Première partie : Le moyen-âge Deuxième partie : Les temps modernes Troisième partie : L'époque contemporaine Quatrième partie : La fin des temps Préliminaires Résumé Le récit de Pius Ngandu récupère les substrats idéologiques de la thématique de la malédiction et du mulawu, afin de la mener jusqu'au terme de son sens ultime. La puissance des Peuples a toujours consisté en une énergie spirituelle pour exorciser les imprécations. En dépassant les contraintes des forces inhibitrices, le héros arrive à déterminer la voie qui conduit vers son propre destin, et qui lui fait accomplir le défi de l'Histoire. Dans une région marquée par la théorie du diamant industriel, se découvre l’expérience du tragique aboli par le zéro absolu de la passion et de la souffrance. Dans L'écriture d'une passion chez Pius Ngandu Nkashama (L ’Harmattan, 1993), Kalonji T. Zezeze a consacré à ce texte un commentaire significatif. À la suite de Mohaman Bello (1996), A. Tcheuyap a repris la thématique dans son étude critique, Esthétique et Jolie dans l’œuvre romanesque de Pius Ngandu Nkashama (1998). Auteur Pius NGANDU NKASHAMA vient de Mbujimayi. Il a écrit plusieurs œuvres romanesques, dont Le pacte de sang, lin jour de grand soleil, Y akouta ou Le doyen marri parus déjà aux éditions L ’Harmattan. Il a publié aussi de la poésie avec Khédidja et Yimène aux éditions Silex, ainsi que des pièces de théâtre. Il est l’auteur des ouvrages critiques dont une anthologie Littératures africaines (Silex), Les années littéraires en Afrique, Ruptures et écritures de violence, une somme importante sur les Littératures et écritures en langues africaines (L'Harmattan) et un Dictionnaire des œuvres littéraires africaines (Nouvelles du Sud). Il enseigne dans plusieurs Universités d'Europe, d’Afrique et des Amériques (Portland en Oregon, Baton Rouge en Louisiana [USA]). Il a été titularisé à l’Université de Paris III - Sorbonne Nouvelle. Dédicace à mes parents à ma sœur justine-perpétue mushiya tshihoyi mukulu njanja wa mimwemw wa ba kedi mwina ntumba mwihikila mbedi wubadyàdyà mikubu le souvenir m'est resté violemment sur le cœur justine wetu mwa mitongu mwa trésor comment t'offrir dans ce matin de brumes des larmes pétries de boue les cris ensablés de katekelayi sous le banc lourd de sable rouge tu avais l’âge de la terre cet âge où la terre est terre pleine de terre pleine de toi tu avais l’âge du soleil explosant dans un ciel de sable recouvert de la boue de ton sang sur les routes désertes tu t'en es allé dans les grottes de la boue rouge tu t'en es enfui tu as dormi sous le linceul de la terre effondrée et la nuit n’a pas eu pour toi un regard de pitié la nuit pleine des cris ensablés de katekelayi des puits béants glauques le soleil abandonné là-bas sous les cailloux blancs sous la terre de tes peurs qui engloutit nos espérances et nos yeux qui glissent nos yeux humides poisseux terre rouge de notre sang terre rouge de notre malédiction ne le savais-tu donc pas que nous avions une terre infanticide terre labourée de tes ongles de tes mains tu creusais dans nos ventres desséchés te voilà renégat couvert de crachats la nuit de la terre qui n'oublie pas l'offense ces pierres ne sont pas à nous le sable est une réserve de mort un tas de folie un tas de honte il n'a pas de rythme sanguin ni dans les buissons ni dans les serres la source de la douleur jamais ne tarit il ne nous reste que la complainte ne m’attends pas ce soir les rossignols s’en sont allés les écuelles de nos espoirs se renversent sous la pluie les lucioles s’éteignent au bord du bourbier ne m’attends pas au coin du soir je ne mourrai pas avec le soleil les tonnerres se sont tus mwetu mu cidyendela mu cilamba Exergue Longtemps, le thème de la malédiction avait été agité dans les mythologies africaines, comme pour fragiliser les peuples et les exploiter avec plus de rentabilité économique. À la lecture attentive, tous les mythes popularisés par les littératures coloniales apparaissent désormais comme de la supercherie, et même de l'escroquerie morale. Jamais Cham n'a été maudit par son père Noé. Bien au contraire, selon les Écritures saintes mêmes, parmi les fils de Chant, Koush, Miçraïm, Pouth et Canaan, les deux premiers connurent des royaumes florissants et une gloire inégalable. Première partie : Le moyen-âge 1. J’avais toujours espéré pouvoir revenir à mon enfance. Au petit soleil du matin, plein de mélancolie. À mes premiers sourires, à mes rêves perdus. Depuis, combien d'aurores j’ai vu dépérir dans l'éclatement du midi Désormais, je sais qu'aucun regard ne peut répondre à mon attente. Pour autant que je remonte à ces années lointaines, je ne vois que les yeux de mon père. Nous l'appelons toujours « Papa ». Et lui, il ironise, en disant qu’il n’est pas le Papa de Rome, mais simplement un père affectueux. Et j' croyais. Je n’avais pas un autre univers auquel m'accrocher. Ma mère était la tendresse même. C'est dans cette famille attentive, que j'ai traîné des jours illuminés, entrecoupés de hoquets, de peurs tenaces, de gamineries sans culpabilité. Je ne savais pas que tout pouvait s'écrouler dans un cauchemar rempli de sarcasmes et d'amertume. C’est ainsi que je n'ai jamais pu lutter contre la vie. Contre l'illusion du soleil. 2. Tout avait commencé ce samedi-là, pendant les grandes vacances. Sur un coup de tête, comme nous avions coutume d'en faire, ma sœur et moi. Nous savions bien que les danses étaient interdites, non seulement aux enfants, mais à tous les bons chrétiens du quartier. Le Père Mfumu anathématisait impitoyablement chaque dimanche matin, dans sa chaire de vérité, menaçant de son doigt apocalyptique le récalcitrant qui se laisserait tenter par le diable. La seule assistance à ces danses païennes, obscènes, faites de promiscuités et de primitives sensualités, suffisait pour entraîner l'excommunication des récidivistes, et celle des membres de leurs familles. Nous savions ce que cela pouvait signifier pour nos parents, défenseurs des vertus chrétiennes, attachés à la doctrine des Mumpères depuis le premier jour de leur mariage. Seulement voilà, les rythmes des sonsu malengela résonnaient chaque samedi soir, insistants, lancinants, martelant nos oreilles. Nous attendions que nos parents se soient endormis. Avec beaucoup de précautions, je tirais le loquet grinçant qui retient la petite fenêtre minuscule de notre chambre. J'escaladais le premier, pour retomber sur le sable mou, ou sur les herbes le long du mur. Je faisais ensuite signe à ma sœur. Plus lourde et plus pesante que moi, plus peureuse aussi, elle avait toutes les peines pour se hisser au-dessus des bords, même montée sur un tabouret. Son souci de ne pas faire du bruit, et de ne pas alerter la maison la rendait maladroite. Au moindre bobo, elle hurlerait à ameuter toute la cité ouvrière, ignorant alors les coups que nous aurions à endurer, si Papa se réveillait. Si nous étions découverts... Une fois avalés par la nuit, la main dans la main, nous courons vers les groupes des danseurs. Frénétiques, pleins de vertige. Ce sont des jeunes filles, à peine plus âgées que nous. Peu vêtues, elles ont les reins retenus par des pagnes courts, enroulés et plissés, en tissus ou en raphia : les sonsu. Elles tournent, tournent, jusqu'à l'hystérie, emportées par les chants, les mouvements, les cris. Légères. Elles se soulèvent du sol. Les yeux fermés, les visages brillants aux lueurs qui tournent elles aussi autour des bûches enflammées. Des jeunes gens du même âge, ou presque. Ils accourent avec des petits mouchoirs, essuient la sueur qui perle aux tempes, se collent à elles, les enserrent. Fortement. Puis, ils tournoient avec elles, enlacés, se confondant aux ombres projetées au- delà de la nuit. Avec les hautes flammes de feu qui rampent le long de leurs corps dénudés, unis. Des mouvements, des contorsions, des secousses qui prennent toute l'assistance. Qui nous emportent à l'unisson, dans un rythme fou. Et les tambours reprennent, drus, forts. Les cris, les hurlements, les applaudissements. La nuit en est illuminée. Ma sœur et moi, nous nous contentons de regarder, de battre des mains, de crier, de nous rassasier du spectacle. Nous rentrons sur la pointe des pieds, tremblants de peur, les gestes heurtés. Puis, nous nous endormons, tranquilles, heureux de cette joie d'avoir subtilisé au monde entier quelques instants de bonheur. Un bonheur volé. uploads/Litterature/ la-malediction-roman-pius-ngandu-nkashama.pdf
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- Publié le Oct 27, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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