Français Objet d'étude : La parole en spectacle. Classe de terminale baccalauré
Français Objet d'étude : La parole en spectacle. Classe de terminale baccalauréat professionnel DIALOGUE Substantif.m. (lat. Dialogus) Entretien entre deux ou plusieurs personnes. Par ext. Ouvrage littéraire en forme de conversation. Les Dialogues des morts de Fontenelle. La manière dont un auteur dramatique fait parler ses personnages. Le dialogue de Molière. En mus. Parties qui se répondent et qui souvent se réunissent. Le Nouveau Littré, Éditions Garnier, 2004. « La langue est la meilleure et la pire des choses ». Esope Isabelle Sinigaglia, PLP Lettres/Histoire, LP Jean Monnet, 03400 Yzeure. 1 Français Objet d'étude : La parole en spectacle. Classe de terminale baccalauréat professionnel Séance 1 (1h/2h) : Question bac : présentez les documents... Document 1 (numérotation par réplique) : Monstres sacrés. 1. Un : Dans Bérénice, elle était extraordinaire. Je l'ai vue vers 1900, 1901. Mais je m'en souviendrai toujours. Elle avait une façon de s'amener, vous savez... comme ça : pof ! C'était Bérénice. Et pourtant, moi, je connais bien Bénérice, ça aurait dû me choquer de la voir arriver comme elle arrivait, en costume de golf, avec un chapeau melon, et le visage tout noir. Eh bien non, c'était Bérénice. 2. Deux : Elle avait du charme. 3. Un : Non. Vous pensez, à l'époque, elle avait dans les soixante-dix ans, et à dix-huit ans déjà elle était laide comme un bout. 4. Deux : Comme un pou, vous voulez dire. 5. Un : Je ne sais plus. Non, comme un bout, mais, un bout de quoi ? Je ne pourrais pas vous dire. Un bout de fromage, peut-être, mais quel fromage, là, vous m'en demandez trop. Mais alors ! Pour une Bérénice, c'était une Bérénice. On se demande où elle allait chercher ses trucs. Je la vois encore : elle faisait son entrée comme ça. En marchant. 6. Deux : En marchant ? 7. Un : Oui. Comme ça, tenez : le pied gauche par terre, elle levait le pied droit, et hop ! Elle le posait devant le pied gauche. Et à ce moment-là, couic ! Au lieu de continuer à se servir de son pied droit, n'est-ce pas ? Comme on s'y attendait ; puisqu'elle avait commencé à remuer celui-là, il n'y avait pas de raison pour qu'elle change... eh bien non : elle laissait son pied droit par terre, et zioupe ! Voilà son pied gauche qui s'envole. Médusé, on était. Et alors, tenez-vous bien, au moment où on se dit : tiens elle a changé de pied, c'est le pied gauche qui est important et qui va tout faire, ha ! Elle vous le repose tout bonnement par terre, comme s'il ne l'intéressait plus, on voit qu'elle pense : non, tout compte fait, je préfère l'autre, et voilà son pied droit qui repart. Et comme ça jusqu'à ce qu'elle soit arrivée au milieu de la scène, jamais le même pied deux fois de suite : droite, gauche, droite, gauche, droite, sauf une fois, pour éviter la monotonie, où elle utilisait le même pied trois fois de suite : Tim, ti-im, ti-im. Vous pensez ! Rien que ça, le public à la fin il était tendu comme une arbalète. 8. Deux : Mince. 9. Un : Alors, là, vous comprenez, elle prenait tout son temps. Elle remontait sa culotte de golf, elle se mouchait, ça aurait pu durer des heures. 10. Deux : Ah ça ! C'est le suspence, qu'est-ce que vous voulez. 11. Un : Et alors tout à coup, quand il y avait déjà la moitié de la salle qui avait fichu le camp, croyant que c'était fini, voilà son silence qui grossit, qui grossit, elle ne bouge plus d'un poil, ça devient d'une pesanteur qu'on aurait dit un orage, et … Crac ! La voilà qui parle. 12. Deux : Mince. 13. Un : Ha ! Alors là ! C'était le coup de bambou, la façon comme elle parlait ! 14. Deux : C'était encore mieux ? 15. Un : Ho ! C'est que ses effets, elle savait les graduer. Toujours de plus en plus forts. Elle ne vous lâchait pas. Tendu comme une arbalète, on était ? On n'en pouvait plus ? Eh ben la seconde d'après, c'était plus comme une arbalète, qu'on était tendu, c'était comme une catapulte ! 16. Deux : Mince. 17. Un : Écoutez. Moi, je connais Bérénice par coeur, hein. À l'époque, même, je peux dire que c'était sur le bout du doigt que je la savais par coeur, Bérénice. Eh ben croyez-moi si vous voulez, je ne reconnaissais plus le texte. Elle avait une façon de vous resservir ça, on n'aurait plus dit la même chose, c'était tout neuf, comme si ça venait de sortir de la bouche de Racine. Tenez, sa première tirade, quand Bérénice entre, là, juste après ce silence énorme où elle se mouchait, et tout, ah ! Moi, rien que d'y penser, c'est bien simple, je Isabelle Sinigaglia, PLP Lettres/Histoire, LP Jean Monnet, 03400 Yzeure. 2 Français Objet d'étude : La parole en spectacle. Classe de terminale baccalauréat professionnel suis suffoqué. 18. Deux : Suffoqué, oui. 19. Un : Elle tapotait d'abord une ou deux fois son partenaire sur l'épaule comme ça, et puis elle disait... Sans intonation, comme ça, elle disait... Hahhhh... 20. Deux : Mince. 21. Un : C'est pas fini, attendez. Elle disait hahhhh... Tu dors, Brutus ? 22. Un temps. 23. Deux : Pourquoi elle disait ça ? 24. Un : Comment, pourquoi ? Je suppose que c'est parce qu'il dormait, ce brave homme. 25. Deux : Oui. Oui... Ça, sûrement. Il devait même dormir profondément, Brutus, ce soir-là, si on jouait Bérénice. 26. Un : Ah mais je vous l'ai dit : on ne reconnaissait plus le texte. Attendez que je me souvienne. Hahhh... tu dors Brutus ? Elle faisait. Et puis elle se penchait sur lui avec une expression langoureuse, sensuelle, vous savez ? Comme ça, et elle disait : Oui ! C'est Agamemnon, c'est ton roi qui t'éveille. 27. Deux : Mince. 28. Un : Hein ! 29. Deux : Pourtant, elle le savait bien, que ce n'était pas vrai. 30. Un : Non. Elle était vraiment dans la peau de son personnage. Elle y croyait. 31. Deux : C'est beau, ça. 32. Un : Elle mélangeait tout, mais elle y croyait. Elle croyait à tout, globalement, sans distinction. Faut dire aussi qu'en 1900 elle n'était déjà plus ce qu'elle était en 1855. 33. Deux : Oui. Elle buvait. 34. Un : Oh, y avait pas que ça. Mais quelle actrice ! 35. Deux : Je l'ai vue l'année dernière encore, dans Phèdre. Moi, une femme comme ça, j'appelle ça... savez-vous comment ? 36. Un : Non. 37. Deux : Un monstre sacré. Un sacré monstre, si vous voulez, mais un monstre sacré. 38. Un : Et... bonne nageuse, en plus. 39. Deux : Remarquez, moi, quand je l'ai vue dans Phèdre, c'est-à-dire l'année dernière, on peut dire qu'elle avait complètement renoncé à la natation. 40. Un : Et pourtant, Dieu sait si elle nageait bien ! 41. Deux : Oui, mais... 42. Un : Je l'ai vue en 1927 dans le bassin d'Arcachon, eh bien on aurait dit une torpille. 43. Deux : oui, mais l'année dernière, quand même, le théâtre, pour elle, c'était le bout du monde. À son âge vous savez... 44. Un : Oui. 45. Deux : Parce que dans la natation, malgré tout, il y a un facteur qui joue, n'est-ce pas, c'est l'eau. 46. Un : L'eau, oui. Au théâtre, il n'y a pas d'eau. 47. Deux : Non, surtout dans une pièce comme Phèdre, où il n'y a pas de mise en scène à proprement parler. Quand ils ont besoin de la mer, par exemple, eh bien Hippolyte, on ne le voit pas courir sur la place avec ses chevaux, au moment où il faut qu'il se casse la figure, non, eux, ils ne se cassent pas la tête, ils vous font tout bonnement un petit récit de Théramène, et puis on n'en parle plus. 48. Un : Vous pensez ! C'est bien plus commode. 49. Deux : Ah non, ce n'est pas comme... 50. Un : Du tout. 51. Deux : Du tout du tout. 52. Un : Du tout du tout. 53. Deux : Non. Mais... euh... qu'est-ce que je disais, déjà ? 54. Un : Sais plus. Isabelle Sinigaglia, PLP Lettres/Histoire, LP Jean Monnet, 03400 Yzeure. 3 Français Objet d'étude : La parole en spectacle. Classe de terminale baccalauréat professionnel 55. Deux : Ah oui ! L'année dernière, dans Phèdre, eh bien elle avait dans les... euh... 56. Un : Quatre-vingt-sept, quatre-vingt-huit ans. 57. Deux : Oui, eh bien je vous jure... 58. Un : Elle ne les paraissait pas. 59. Deux : Si. Tous. On aurait pu les comparer, tous les quatre-vingt-huit, tellement on les voyait. Et même quatre ou cinq ans de plus, qui s'étaient glissés dans le tas, pour faire nombre. Mais alors ! Quelle présence ! 60. Un uploads/Litterature/ la-parole-en-spectacle-term-bac-pro 1 .pdf
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- Publié le Dec 05, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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