La pseudo-maturité de l’enfant traumatisé dans la littérature Navarro Assanova,
La pseudo-maturité de l’enfant traumatisé dans la littérature Navarro Assanova, Vanessa. Langue française 2. Charles Martínez. Résumé du travail. À partir du personnage classique d’Antigone, qui porte quelques situations traumatisantes de son enfance sur son dos, s’analyse comment la perturbation de l’enfance impacte le développement des personnages impliqués, la fausse maturité avec laquelle ils sont représentés dans la littérature —qui affecte surtout les personnages féminins— et les possibles conséquences dans le collectif lecteur. Mots-clés: Antigone; enfance, maturité; traumatisme. La pseudo-maturité de l’enfant traumatisé dans la littérature 1 L'Antigone d'Anouilh contre l'Antigone de Sophocle 4 Le complexe d'Antigone 4 La perturbation de l'enfance 5 La pseudo-maturité des personnages féminins traumatisés 6 Des représentations fictives et l’inconscient collectif 6 L'œuvre Antigone (1944) de l'auteur français Jean Anouilh peut être considérée comme une nouvelle perspective sur la tragédie grecque homonyme de Sophocle. Dans cette œuvre contemporaine, le lecteur perçoit quelques différences en comparaison avec le classique, surtout en ce qui concerne la figure protagoniste (cette question est traitée dans la section suivante) ; toutefois, l'intrigue se maintient. Avant d'aborder l'histoire d'Antigone, il est nécessaire de connaître les événements antérieurs au début de la pièce —qui sont considérés comme acquis dans le contexte de la Grèce antique— : Antigone est la fille du roi de Thèbes, Oedipe, et de la reine Jocaste, qui est à son tour la mère d'Oedipe ; tous deux finissent par mourir, Jocaste se suicide et Oedipe meurt en exil après s'être arraché les yeux. A ces circonstances tragiques qui marquent la fin de la pièce Oedipe Roi (Sophocle, 1890) s'ajoute la mort des deux frères d'Antigone, Étéocle et Polynice, chargés de régner alternativement sur Thèbes, tâche que Polynice ne sait pas assumer. Avec tout cela, Créon, le frère de Jocaste, prend le contrôle du royaume de Thèbes, s'occupe de ses nièces, Antigone et Ismène, et planifie le mariage de son fils Hémon avec la sœur cadette, Antigone. C'est à partir de ce moment que commence le conflit d'Antigone, qui va tourner autour de l'enterrement de son frère Polynice, qui, contrairement à Étéocle, se voit refuser la cérémonie funéraire qu’un roi mérite, puisque c'est lui qui s'est opposé à céder le trône à son frère, comme ils avaient convenu. Face à cette injustice, Antigone, envahie par une profonde tristesse, contredit les ordres de son oncle et roi de Thèbes, Créon, et enterre Polynice pendant la nuit, en évitant les gardes qui gardent son corps. Après cet incident, les gardes se rendent compte que quelqu'un a essayé d'enterrer le corps et Antigone est découverte avec ses mains pleines de terre. Créon lui demande de cesser d'être orgueilleuse comme son père Oedipe et il tente de la convaincre d'abandonner l'idée d'enterrer Polynice qui, selon lui, n'était «qu'un petit carnassier dur et sans âme» (Anouilh, J. 1944 : 51), mais Antigone pense qu'il est de son devoir de le faire pour que son frère puisse reposer en paix. Comme elle ne semble pas vouloir renoncer, Créon lui avoue qu'il ne sait pas à qui appartient le corps enterré sous le nom d'Etéocle, qu'une fois tués au combat, ils étaient méconnaissables et qu'il a simplement choisi un d'entre eux ; cependant, Antigone ne cède jamais à son oncle et il doit donc la mettre à mort pour désobéissance afin de maintenir le respect à son égard dans le royaume. Comme dans toute tragédie, le destin fatal du protagoniste s'accomplit toujours : Antigone est morte —non sans avoir laissé un mot à son bien aimé : Je suis désolée— et, à la vue de son corps sans vie, son fiancé Hémon se suicide pour rester ensemble pour l'éternité ; enfin, Eurydice, mère d'Hémon et femme de Créon, décide de se suicider parce qu’elle ne peut pas supporter de voir son fils mort. Tous ces événements, ainsi que l'histoire racontée dans Oedipe roi, sont des exemples clairs d'événements traumatiques pour Antigone : la découverte que son père est aussi son frère, la mort de ses deux parents et de ses deux frères, tout cela à un jeune âge. C'est précisément autour de cet aspect que se développe cette analyse : sur l'enfance, sa représentation dans la littérature et la manière dont les différentes expériences traumatiques qui se produisent au cours des premières étapes de la vie d'une personne peuvent affecter le rythme de son développement et sa maturité. Tout cela est illustré d'un point de vue littéraire, en voyant comment des situations similaires à celle d'Antigone sont montrées dans différentes œuvres contemporaines (XXe-XXIe siècle). L'Antigone d'Anouilh contre l'Antigone de Sophocle La première chose que le lecteur remarque en comparant la manière dont chaque auteur raconte le mythe d'Antigone est la différence, presque opposition, dans la description de leur protagoniste. L'Antigone de Sophocle est une femme forte et courageuse, un symbole de résistance : «Vois si tu veux lutter et agir avec moi» (1973 : 37) ; une femme capable d'enfreindre la loi pour satisfaire ses désirs, de l'admettre et d'affronter le roi de Thèbes lui-même, sachant que la conséquence la plus probable est la mort : CRÉON : [...] Connaissais-tu la défense que j’avais fait proclamer ? ANTIGONE : Oui, je la connaissais ; pouvais-je l’ignorer ? Elle était des plus claires. CRÉON : Ainsi as tu osé passer outre à ma loi ? ANTIGONE : Oui, car ce n’est pas Zeus qui l’avait proclamée ! ce n’est pas la Justice, assise aux côtés des dieux infernaux [...] et je ne pensais pas que tes défenses à toi fussent assez puissantes pour permettre à un mortel de passer outre à d’autres lois, aux lois non écrites, inébranlables, des dieux ! [...] Que je dusse mourir, ne le savais-je pas ? (Anouilh, J. 1944: 48) En revanche, l'Antigone d'Anouilh est plutôt représentée comme une jeune adolescente, parfois infantilisée, dès les premières lignes du prologue : «Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien.» (1944 : 3). De même, la présence de la nourrice —un personnage introduit par Anouilh qui n'était pas dans la version de Sophocle— montre implicitement le manque de maturité d'Antigone et, par conséquent, la nécessité d'un adulte pour la guider. De même, des personnages comme sa sœur Ismène et Créon la qualifient de ‘petite’, comme un outil d'infériorisation dans le cas suivant : «Tu sais au bas de quelle histoire sordide tu vas signer pour toujours ton petit nom sanglant ?» (1944 : 49). L'adjectif ‘petit’ révèle beaucoup plus d'informations que ce qui est explicite dans l'œuvre d'Anouilh, il devient un synonime d’insignificant —Antigone elle-même l'utilise pour parler d'elle-même à la troisième personne : «Quelle femme heureuse deviendra-t-elle, la petite Antigone ?» (1944 : 9). Le complexe d'Antigone Pourquoi est-ce que le complexe d'Antigone porte-t-il ce nom ? Il est facile d'en déduire la raison à partir de la biographie d'Antigone donnée précédemment. Une jeune fille dont la mère s'est suicidée, qui aide son père-frère à s'exiler après s'être arraché les yeux lorsqu'il découvre que c'est lui qui a tué son propre père et apporté le malheur au royaume de Thèbes. Sans aucun doute, la vie d'Antigone est une tragédie familiale, un fait qui l'oblige à devenir, d'une certaine manière, responsable de sa propre vie à un âge précoce: «[...] une jeunesse dont elle a souvent été privée» (Pinçonnat, C. 2012 : 497). Cette maturation forcée peut être comprise comme suit : «Antigone est celle pour qui les positions symboliques sont devenues incohérentes, se mélangeant comme elle le fait frère et père, surgissant comme elle le fait non comme une mère mais —l'étymologie le suggère "au lieu d'une mère"» (Pinçonnat, 2012 : 496). Néanmoins, «Antigone est celle qui empêche une transmission catastrophique en l'absence d'enfant». (Pinçonnat, C. 2012 : 497) , autrement dit, sa mort empêche la perpétuation du malheur familial. La perturbation de l'enfance Cela dit, deux aspects sont clairs : premièrement, Antigone, en raison de son jeune âge et de la façon dont elle est traitée dans la pièce d'Anouilh, peut être considérée comme une enfant ; deuxièmement, les événements qui peuvent affecter le plus une personne (la mort des parents, des frères et sœurs...) se produisent même avant cette pièce —dans Oedipe roi. En résumé, la vie d'Antigone a été marquée par une série d'expériences traumatisantes qui ont, sans aucun doute, façonné sa conduite ‘rebelle’. Il convient également de noter que la tragédie ne s'arrête pas à Oedipe roi, mais se poursuit dans Antigone à travers la relation avec son oncle, Créon. En termes modernes, cette relation pourrait être qualifiée d'adultisme : «Adultism is understood as the oppression experienced by children and young people at the hands of adults and adult-produced/adult-tailored systems. It relates to the socio-political status differentials and power relations endemic to adult-child relations» (LeFrançois, B. A. 2014 : 1) Ce déséquilibre du pouvoir se manifeste dans divers fragments de l'œuvre d'Anouilh par la voix de Créon : «Tu es folle, tais-toi. [...] Tu ne sais plus ce que tu dis. [...] Tais-toi. [...] Te tairas-tu, enfin ? [...] Le tien, le mien, uploads/Litterature/ la-pseudo-maturite-de-l-x27-enfant-traumatise-dans-la-litterature.pdf
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- Publié le Dec 11, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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