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Tous droits réservés © Tangence, 2001 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 23 oct. 2019 05:50 Tangence La pastorale sacrée ou La réécriture galante du Cantique des Cantiques Roxanne Roy Les écritures de la morale au XVIIe siècle Numéro 66, été 2001 URI : https://id.erudit.org/iderudit/008241ar DOI : https://doi.org/10.7202/008241ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Presses de l'Université du Québec ISSN 0226-9554 (imprimé) 1710-0305 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Roy, R. (2001). La pastorale sacrée ou La réécriture galante du Cantique des Cantiques. Tangence, (66), 67–83. https://doi.org/10.7202/008241ar Résumé de l'article Les écrits théologiques de l’abbé Charles Cotin, méconnus pour la plupart et négligés par la critique, sont pourtant importants puisque ce dernier débat des grandes notions qui sont au coeur même des enjeux littéraires du xviie siècle (traduction, imitation, invention). Cette étude s’attache à l’un de ses principaux textes, La pastorale sacrée, ou Paraphrase du Cantique des Cantiques selon la lettre (1662). Il s’agit de voir comment Cotin place cette traduction à mi-chemin entre les lettres profanes et les lettres sacrées en transposant le Cantique à la cour et en le présentant comme le modèle de la galanterie. Désormais, ce poème ne s’adresse plus au docteur en théologie, mais bien à l’homme du monde. C’est ce déplacement du débat théologique vers des pratiques curiales qu’il s’agit de mettre à jour en insistant sur l’originalité, mais parfois aussi le conformisme, du projet de Cotin. La pastorale sacrée ou La réécriture galante du Cantique des Cantiques Roxanne Roy, Université de Montréal Le milieu de l’édition en France est marqué, à la fin du XVIe siècle, par la naissance et la diffusion de toute une littérature théologique nouvelle. À la suite de la Réforme, l’Église protes- tante s’emploie à transmettre en langue vernaculaire la parole di- vine et à rédiger les explications nécessaires à son entendement, alors que l’Église catholique favorise l’édition d’ouvrages théolo- giques monumentaux, de lourds in-folio richement illustrés, et de multiples traductions dont la plus importante est certainement celle de la Bible. Mais ces textes sont avant tout destinés aux doc- teurs et à un public savant, et les polémiques qu’ils soulèvent n’ont que peu d’échos hors des murs de l’église. Ce n’est qu’au milieu du siècle suivant, principalement entre les années 1643 et 1650, au cœur de la querelle entre jansénistes et molinistes, que l’on assiste à un changement. Désormais, les questions théologi- ques ne seront plus uniquement débattues en latin, mais en fran- çais. Imitant les protestants, les jansénistes écrivent en effet leurs libelles et leurs traités en français et s’adressent directement au public. La « supériorité qu’ils ont su acquérir dans le maniement de la langue est pour eux la meilleure des armes », si bien qu’« ils entendent faire des simples fidèles les arbitres des disputes 1 ». Une dizaine d’années plus tard, l’abbé Charles Cotin élargit encore le cercle des théologiens et déplace le débat vers des pra- tiques curiales en donnant au public, en 1662, La pastorale sa- crée. Cet ouvrage se présente comme une traduction avec com- mentaires du Cantique des Cantiques et participe ainsi à l’essor d’un genre dont Roger Zuber situe l’apogée vers 1640 2. Si les tex- tes de l’Antiquité grecque et latine voient s’accroître le nombre de leurs traductions — et l’on sait, depuis l’ouvrage de Zuber, le rôle 1. Henri-Jean Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au XVIIe siècle (1598- 1701), t. II, Genève, Droz, 1969, p. 569-570. 2. Roger Zuber, Les « belles infidèles » et la formation du goût classique [1968], Paris, Albin Michel, 1995. que Perrot d’Ablancourt a joué à cet égard —, les Pères de l’Église, les Saintes Écritures et les textes liturgiques ont aussi leurs traducteurs. C’est ainsi que Charles Hersent rédige La pasto- rale saincte, ou Paraphrase du Cantique des Cantiques en 1635 ; qu’Antoine Godeau écrit une Paraphrase sur les Épîtres de saint Paul en 1632, des Cantiques en vers françois en 1637 et une Pa- raphrase des Psaumes de David en vers françois en 1676 ; et qu’Hector Le Breton est l’auteur des Onze chapitres des sacrez proverbes de Salomon paraphrasés en rime françoise en 1644. La vogue des paraphrases au XVIIe siècle répond au besoin de rendre les textes sacrés accessibles aux nombreux fidèles qui ignorent le latin. Cependant, pour Cotin, il ne s’agit pas seulement de tra- duire, et d’adapter, mais d’expliquer : J’entreprens de faire voir la suite et la liaison de tous les Vers du Cantique. J’entreprens de montrer qu’il n’y a rien de si juste ni de si naturel que les comparaisons de ce Poëme Sacré. Je pretens mesme de fonder plus évidemment que l’on n’a fait jusques icy, le sens Spirituel et Divin sur la Lettre mesme et sur l’Histoire. Ce sera là mon chef-d’œuvre, si Dieu me fait la grace d’y reûssir 3. L’auteur entend ici défendre le style biblique contre les railleries et les critiques de ses contemporains, et tâche de réhabiliter ce texte auprès de la société mondaine. À cette fin, il se livre d’abord à un examen minutieux des comparaisons bibliques, les expliquant de façon à les rendre acceptables pour les cercles litté- raires ; puis il démontre que le Cantique est un poème dramati- que avant d’en proposer une traduction amusante, conçue dans un esprit galant qui témoigne d’un désir d’anoblir ce poème tout en ne blessant pas la sensibilité de l’honnête société 4. C’est ainsi que, sous la plume de Cotin, le passage « Mon bien aimé est à moi/comme un bouquet de Myrrhe, il demeurera entre mes mam- melles 5 », devient « Ainsi que mon Amant l’est à sa jeune Amante,/ Tangence 68 3. Charles Cotin, «Discours sur la Paraphrase du Cantique des Cantiques », La pastorale sacrée, ou Paraphrase du Cantique des Cantiques selon la lettre, avec plusieurs discours et observations, Paris, Le Petit, 1662, p. 193-194. 4. Ces choix seront par la suite critiqués, notamment au XIXe siècle, par Émile Faguet dans « Cotin », Revue hebdomadaire des cours et conférences, Paris, vol. V, no 4, décembre 1886, p. 166 : «Cela nous jette tellement loin de la Bi- ble et de la simplicité passionnée qu’en vérité cela nous semble une carica- ture. Cotin ne pouvait pas manquer de mettre des madrigaux dans la Bible ». 5. Charles Cotin, «Discours sur la Paraphrase du Cantique des Cantiques», ouvr. cité, p. 238. Il repose en mon sein comme un bouquet de fleur/Dont la Myr- rhe est un baume à toutes mes douleurs 6 ». Allégorie de l’amour divin, le Cantique des Cantiques permet de rejoindre les préoccu- pations de la société galante, occupée à débattre des questions d’amour et de la valeur du mariage. Cotin a donc misé sur une valeur sûre, puisqu’il s’agit d’un sujet qui peut instruire par ses valeurs spirituelles et plaire par son hymne à l’amour. Mais l’essentiel réside peut-être dans le fait que Cotin s’ingé- nie à ménager un passage de la religion à la galanterie qui s’opère tant au niveau de la forme, du sujet et du style que de la structure. Il importe de noter que son entreprise, afin de s’adapter aux exigences nouvelles d’un public qui n’est ni spécialisé ni éru- dit, s’inscrit dans un mouvement plus large, celui de la laïcisation et de la vulgarisation des textes religieux, mouvement qui sur- vient à la suite des bouleversements religieux que nous avons évoqués plus haut. Et si le savoir théologique glisse d’abord vers la piété pratique et la morale à l’usage de tous et chacun, comme le souligne Bérengère Parmentier, « il existe aussi une vulgarisa- tion destinée au public des “ honnêtes gens ”, des lecteurs cultivés mais non spécialisés, dont la conquête ou la reconquête est un objectif majeur pour l’Église du XVIIe siècle 7 ». Liée au désir de toucher l’honnête société, cette entreprise de vulgarisation est d’autant plus importante qu’elle suppose une transformation des écrits religieux. Il s’agit désormais de séduire cette élite mondaine en lui présentant des textes qui privilégient les genres qu’elle prise, en adaptant le contenu à ses centres d’intérêts, en pliant le discours théologique aux valeurs mondaines, et en portant une attention particulière au raffinement du langage. Ce sont ces di- verses techniques et stratégies d’accommodation que nous vou- lons mettre en valeur ici, en prenant pour cas de figure le travail de réécriture galante du Cantique de l’abbé Cotin, pour ensuite être en mesure de mieux saisir l’impact de ce nouveau public sur la modification du discours religieux en France au XVIIe siècle. Roxanne Roy 69 6. Charles Cotin, «Discours sur la Paraphrase du Cantique uploads/Litterature/ la-reecriture-galante-du-cantique-des-cantiques-2004.pdf

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