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HAL Id: hal-01110660 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01110660 Submitted on 28 Jan 2015 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Le rifain et son orthographe : Entre variation et uniformisation. Mena B. Lafkioui To cite this version: Mena B. Lafkioui. Le rifain et son orthographe : Entre variation et uniformisation.. D. Caubet, S. Chaker & J. Sibille. Codification des langues de France., L’Harmattan, pp.355-366, 2002. ￿hal- 01110660￿ Codification des langues de France. D. Caubet, S. Chaker & J. Sibille (éds.), Paris, L’Harmattan, 2002 : 355-366. Le rifain et son orthographe : Entre variation et uniformisation. par Mena LAFKIOUI A LA RECHERCHE D’UNE ECRITURE POUR LE RIFAIN. Au cours des cinq dernières années, la codification graphique a été le sujet central des débats sur l’aménagement linguistique du rifain (berbère du Maroc du Nord). Le problème le plus ardu auquel les aménageurs (linguistes ou autres) étaient (et sont encore) confrontés est celui de la variation. Par cela, on entend généralement la variation dialectale, c’est-à-dire l’ensemble des réalisations phoniques variant en fonction de la localisation géographique. Elle peut être de telle sorte qu’elle arrive à entraver l’intercompréhension entre Rifains. Cependant, deux autres types de variation caractérisent le rifain, et entrent donc en jeu dès qu’on souhaite codifier sa graphie : la variation sociale et la variation individuelle. La variation sociale, couvrant plusieurs réalités dont principalement celle de l’habitat (ville / campagne, pays d’origine / pays d’immigration), du sexe, de l’âge, de la classe sociale et du niveau et du type d’instruction. Ainsi, on peut clairement constater que la demande sociale d’un passage à l’écrit de la langue rifaine vient en ce moment surtout des jeunes étudiants de l’ensemble du Rif. En immigration, la situation est bien différente. Outre certains étudiants de la première ou deuxième génération, ce sont surtout les artistes (poètes, comédiens et écrivains) s’exprimant auparavant uniquement à l’oral, qui s’intéressent à la codifi- cation de leur langue. M. Lafkioui 352 Que ce soit au Maroc ou en immigration (surtout en Espagne, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne), les Rifains donnent largement la préférence à l’alphabet latin1. La majorité des publications récentes (recueil de poèmes, romans, nouvelles, pièces de théâtres, journaux, revues associatives) est écrite en caractères latins. En dehors de quelques cas isolés ou d’emplois personnels (lettres informelles), l’alphabet tifinagh (alphabet berbère) n’est généralement utilisé qu’à des fins symboliques ou emblématiques. Il arrive qu’il accompagne le texte rifain en latin, mais rares sont les cas où l’on présente tout seul. L’arabe est de nos jours l’alphabet le moins employé par les Rifains, en tout cas pour écrire le berbère. Seuls les arabisants de formation tiennent encore à conserver cette ancienne tradition des Chleuhs (Berbères du Sud du Maroc), une tradition qui n’a donc jamais était la leur. La variation individuelle recoupe en partie la variation sociale, mais intègre l’aspect idéo-historique et psychologique de l’individu. Le choix du tifinagh comme support graphique peut, par exemple, chez un militant berbère être motivé par un rejet idéologique, de l’arabe comme langue de l’oppresseur, et du latin – symboli- sant le français et l’espagnol – comme langue de l’ancien colonisateur. Le tifinagh apparaît alors comme le seul alphabet permettant de restaurer et de promouvoir la langue berbère dans son intégralité. Même si la préférence des Rifains va au latin, ils sont encore loin d’une notation graphique uniformisée. Dans cette situation de polygraphie complexe – et fastidieuse pour certains –, le scripteur rifain essaie de trouver une notation qui lui convient le mieux2, quitte à puiser à plusieurs systèmes à la fois. Un Rifain résidant au Maroc s’inspire généralement des graphies élaborées par les Berbères sur place ou par leurs confrères kabyles. Elles sous-tendent des configurations phoniques qui se fondent, à des degrés divers, sur le code phonographique espagnol ou français. Il en est de même pour la pratique scripturale en immigration, avec comme différence que les Rifains y préfèrent parfois employer des systèmes confectionnés en Europe. Naturellement, le néerlandais et l’allemand, langues nationales de pays d’immigration rifaine forte, s’ajoutent à la liste des codes phonographiques élémentaires auxquels ils se réfèrent. Néanmoins, on constate au Maroc et en immigration une volonté explicite d’uniformisation de l’écriture rifaine. Mais les Rifains n’arrivent pas encore à décider s’il faut réduire la variation rifaine à une seule orthographe pan-berbère ou essayer d’établir une koinè dialectale rifaine qui tienne compte de ses spécificités3. Nombreux sont ceux qui souhaitent paradoxalement l’intégration complète du rifain dans le système pan-berbère, ainsi que la conservation de ses particularités 1 Ce choix n’est pas étonnant pour les Rifains en immigration, en raison de leur contact faible ou inexistant avec l’écriture arabe ou tifinagh, et l’influence inévitable de l’alphabet latin à travers les langues officielles des pays d’accueil. 2 Pour toutes sortes de raisons : psychologiques, sociales, politiques, pragmatiques... 3 Mais même pour cette dernière, on peut se demander s’il faut prendre un seul parler comme référence (lequel et quels sont les critères de sélection ?) ou s’il vaut mieux trouver, après avoir enquêté sur l’ensemble du terrain, le dénominateur commun des parlers. Codification des langues de France 353 linguistiques. La pratique réelle montre toutefois que la plupart ne parviennent pas à écrire en rifain sans marquer les propriétés phonétiques de leur parler. Les publications dans le journal rifain Tawiza en constituent un bon exemple. Leurs auteurs utilisent une écriture – proposée par le responsable de la publication –, qui est un amalgame de diverses graphies (rifaines et kabyles) agrémenté de plusieurs signes personnels. Par exemple : la voyelle « o » représente la consonne pharyngale /²/ (« oan » au lieu de /²an/ pour « pousser ») ; la bilabiale « p » représente la laryngale /h/ (« pant » au lieu de /hant/ pour « bon, d’accord ») ; la consonne emphatique est marquée par un « v » qui la suit (« ittves » au lieu de /i‚‚es/ pour « il dort »). On attribue ici donc des valeurs phonétiques spécifiques à des graphèmes empruntés qui suscitent, en raison de leur lien bien établi avec d’autres systèmes phoniques, des associations mentales discordantes. Mais malgré cette incohérence – et ce n’est qu’un petit échantillon4 - cette notation semble fonctionner. Car le journal en est aujourd’hui au numéro trente-neuf, et les Rifains ne cessent d’envoyer des textes fidèlement écrits selon ses normes. LA NOTATION RIFAINE A BASE PAN-BERBERE. QUEL RESULTAT ? Le colloque « Vers une standardisation de l’écriture berbère (tarifit) : implications théoriques et solutions pratiques »5, tenu le 21-23 novembre 1996 aux Pays-Bas, était la première initiative d’uniformisation de la graphie du rifain en immigration. Il faisait suite à deux autres ateliers traitant de l’aménagement linguis- tique du berbère : celui du Centre de Recherche Berbère de l’Inalco (juin 1996) et celui de l’Université d’été d’Agadir (juillet 1996). Pendant ce colloque, nous avons présenté pour le rifain un code phono-graphique6 qui s’aligne, autant que faire se peut, sur la notation usuelle pan-berbère. Le hasard a voulu que nos propositions correspondaient parfaitement avec les résultats de trois jours de débats entre les nombreux participants. Nous les avons synthétisés et argumentés dans un document de travail (Cf. bibliographie) que nous avons diffusé7 largement, surtout à travers des écoles, des universités et des associations. Ensuite, nous avons repris et approfondi les points les plus épineux de cette notation un peu plus tard (janvier 1997) dans une communication au GLECS. Il s’agit principalement : du système vocalique rifain (et de la vocalisation du /r/ étymologique), des mutations consonantiques et de la spirantisation dynamique. 4 On en retrouve plusieurs, et ce, aussi bien sur le plan linguistique que technique. 5 Organisé par l’Université d’Utrecht, l’Université Catholique de Brabant (Tilburg) et l’Association Adrar. 6 Nous l’avons élaboré pendant les journées d’études du CRB (juin 1996) et présenté pour la première fois durant le colloque de l’Université d’été d’Agadir (juillet 1996). 7 Avec l’aide du Centre de recherche berbère de l’Inalco. M. Lafkioui 354 Le système vocalique rifain Le système vocalique rifain comporte outre les trois voyelles berbères de base /i, u, a/, des voyelles longues et des voyelles longues à valeur emphatique. Ces dernières sont issues de la vocalisation de la liquide /r/8 qui les accompagnait avant sa disparition. Autrement dit, l'effacement du /r/ a donné naissance, à travers le phénomène d’allongement compensatoire, à deux sous-ensembles vocaliques dérivés du triangle élémentaire pan-berbère : Groupe allongé Groupe allongé/emphatique ˜ ɘ øu øÉu øa øÉa Ces six voyelles dérivées n’ont pas uniquement la propriété d’être « longues » ; elles ont également subi un changement d’identité phonético-phonologique. Les représentations phonétiques du /r/ étymologique varient remarquablement d’une région à l’autre, et parfois même uploads/Litterature/ lafkioui-orthographe-2002.pdf

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